Au nom de quoi donne-t-on aux marabouts et autres dignitaires religieux l’argent des contribuables sans demander leur avis ? Nos dirigeants font comme si les caisses qui leur sont confiées leur appartenaient. Les Sénégalais n’ont élu personne, ni maire ni président, encore moins fils de président, pour qu’il distribue leurs sous à d’autres citoyens.
A chaque cérémonie confrérique, à chaque décès d’un « homme de Dieu » et à bien d’autres occasions, l’argent du peuple est déboursé par tel ou tel personnage politique, à titre personnel. C’est lui qu’on remercie et c’est pour lui qu’on formule des prières, comme si ce pognon était gagné à la sueur de son front et sortait de sa poche ou de son compte bancaire. Que les Wade le fassent n’est une surprise pour personne car c’est apparemment dans leurs gènes, et c’est pourquoi on attend avec impatience qu’ils débarrassent le plancher, mais ça devient inquiétant quand Khalifa Sall, « Monsieur Transparence », s’y met aussi. Après avoir offert 15 millions de francs à Youssou Ndour, notre richissime superstar, le maire de Dakar sert aux Laayeen un hors-d’œuvre de 150 millions, « te di ko xeeb ». Les Dakarois lambda qui, chaque matin, sortent de leurs habitations en priant Dieu de leur donner de quoi nourrir leurs familles, avaient applaudi quand ils avaient appris que celui qui gère leurs biens en avait pris de quoi acheter du lait pour leurs enfants, mais ils ont sans doute grincé des dents en voyant ce même bonhomme jeter tant de millions à des nababs qui ignorent ce qu’est la cherté de la vie.
Dieu n’a dit à personne de voler aux pauvres pour donner aux riches. Dépenser l’argent d’autrui sans son consentement, si ce n’est pas du vol, ça doit s’apparenter à ce qu’on appelle « ribaa ». Pourtant, nos supposés guides religieux se laissent gaver ainsi sans se poser de questions. Vous me direz que les marabouts nourrissent quelques uns de leurs pauvres « taalibe », mais le font-ils uniquement pour la face de Dieu ? Permettez-moi d’en douter. Les esclaves aussi étaient nourris par leurs maîtres pour qui ils travaillaient gratuitement. Plus un maître avait d’esclaves, plus il était riche, tout comme plus un marabout a d’électeurs agenouillés devant lui, plus grande est sa part du butin national. Des chefs religieux reçoivent des sommes faramineuses leur permettant de s’octroyer du luxe et des femmes bien « khèsalisées » qui baignent dans l’or. Il suffit de déclarer que c’est pour édifier ou restaurer des lieux de culte pour que la pilule passe. Je me demande ce que le Seigneur pense de ceux qui donnent ces sous et ceux qui les reçoivent.
Des centaines de milliards de nos francs sont prévus pour développer les fiefs confrériques. Bientôt, les trois quarts des Sénégalais finiront par s’installer à Dakar que le Prince est chargé d’embellir tout en y laissant traîner des milliers de misérables « petits talibé », et dans nos villes dites saintes où rien ne doit manquer, alors que dans certaines communes, à l’intérieur du pays, on trouve à peine du coton dans les dispensaires.
Les chrétiens, trop effacés et n’adorant que Dieu et le Christ, ne reçoivent que des miettes, juste pour la forme. Si chaque prête avait sa confrérie et si les disciples étaient plus aveugles et fanatiques, le lot serait sans doute plus considérable. Les grands oubliés cependant sont les minorités comme les animistes, les « Ibaadu Raxmaan » et les athées que compte notre république laïque. On n’entend jamais parler de chèques pour entretenir les bois sacrés de la Casamance, les totems des « saltige » sérères et que sais-je encore.
Puisqu’une partie du budget de l’Etat est allouée aux communautés religieuses, aucune croyance ne doit être laissée en rade, tous les citoyens étant égaux en droits. Seulement, comme dit Georges Orwell dans « Animal farm » : « Tous les animaux sont égaux, mais certains animaux sont plus égaux que d’autres. »
Bathie Ngoye THIAM
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