Nous sommes certes des ignorants et c’est pourquoi nous prions Dieu de nous guider. Nous qui ne connaissons pas les secrets de « La illaha illa’llah », comment nous convaincre que ce que nous voyons, n’est pas la réalité, mais un voile qui nous en sépare ? Comment pouvons-nous entrer, le cœur en paix, dans ce qui, à nos yeux, est aux antipodes de l’Islam ? Le Coran, notre référence, ne dit-il pas : « C’est Lui (Allah) qui fait descendre sur Son serviteur (Muhammad) des versets claires, afin qu’il vous fasse sortir des ténèbres à la lumière… » ? (57 : 9) « C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre. Il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à diverses interprétations. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah » (3 : 7). « Et quand on leur dit : « Croyez comme les gens ont cru », ils disent : « Croirons-nous comme ont cru les faibles d’esprit ? » Certes, ce sont eux les véritables faibles d’esprit, mais ils ne le savent pas. » (2 : 13.)
Que les illuminés souffrent donc notre raisonnement ténébreux.
Histoires « mourides »
Ce que des générations de Sénégalais savent ou croient savoir de leur religion vient en grande partie des « waaraatekat », ces orateurs de rue, conteurs hors-pair.
Une histoire qui n’est pas du goût de tout le monde, mais qui est la favorite de certains mourides, est cette fameuse convocation au bureau de Boroom Ndar, le « Tubaab » qui aurait réuni tous les marabouts du Sénégal et leur aurait ordonné de « signer » que Dieu n’existe pas et que l’autre monde est un leurre. Ceux qui acceptaient, recevaient, dit-on, une somme de 500 francs et un paquet de sucre. Tous auraient signé, excepté Serigne Touba. On leur aurait servi un plat avec de la viande de chien, selon certains, de mouton auquel on aurait injecté du sang de chien, selon d’autres. Tous en auraient mangé, hormis Serigne Touba. Peu après, des chiens aboyaient dans les ventres des convives. Franchement, parmi nos marabouts de l’époque, des guides confrériques, des saints pour la plupart, y en a-t-il un seul qu’on pourrait soupçonner d’avoir signé cela ?
D’autre part, les colons étaient venus avec leurs missionnaires pour nous évangéliser. Eux aussi croyaient en Dieu et à l’autre monde. S’il avait été question de dire que Muhammad (Psl) est un imposteur, de confesser que le Coran a été créé, que Dieu est triple, que Jésus est le fils de Dieu ou que sais-je encore, ça aurait paru un peu plus crédible, et là encore. Et pourquoi du chien ? Les « Tubaab » avaient à portée de main une viande plus appropriée pour discréditer des musulmans : du porc. Il leur arrivait d’en cuisiner pour eux-mêmes, donc pourquoi ne pas en servir, par inadvertance ou exprès, à leurs invités ? Allah nous interdit formellement la viande de porc et le rappelle souvent dans Son Livre. Mais que voulez-vous ? Un cochon, ça n’aboie pas.
Les « Tubaab » auraient allumé un four pendant un nombre de jours qui varie d’un narrateur à un autre, pour bien le chauffer. (Etait-ce ainsi qu’ils exécutaient leurs prisonniers ?) Quand ils y introduisirent Serigne Touba, il grelottait à cause du froid qu’il y faisait. Et le jour du départ de Khadim pour l’exil, Mame Cheikh Ibra aurait commencé à boire la mer pour empêcher le bateau de partir. Lui, qui était « baabul muridiin » (le porte-étendard des mourides), ne savait-il pas que cet exil était bénéfique pour l’humanité ? « O peuple, dira Serigne Touba, sache que la raison de mon exil, c’est de sauver les créatures. La raison est que Dieu a voulu m’élever pour que je sauve les hommes en ma qualité de Serviteur éternel de la vérité. »
Quelqu’un a écrit que pour « Mame Cheikh Ibrahima Fall, œuvrer pour Serigne Touba dans ses champs, par exemple, était prioritaire à la prière. » Paradoxalement, d’autres racontent qu’un jour, des disciples de Serigne Touba construisaient une palissade. A l’heure de la prière, ils avaient continué leurs travaux. Khadimoul Rassoul ayant appris cela, alla les voir et leur demanda : « Où en étiez-vous quand on a appelé à la prière ? » Ils lui montrèrent un endroit et il leur ordonna de détruire tout ce qu’ils avaient fait à partir de là, car la prière est prioritaire à tout et ne doit être négligée pour rien au monde.
On raconte que Serigne Touba ne touchait jamais à l’argent. Dans son livre « Mémoires d’un juge africain », l’ancien ministre, Ousmane Camara, rapporte que son père qui emmenait Serigne Touba au bureau du commandant de Diourbel où il devait se présenter tous les lundis, lui a raconté qu’un jour, le commandant avait offert une cafetière au Cheikh (qui consommait beaucoup de café). Ce dernier, ne voulant pas accepter gratuitement ce cadeau, remit au Blanc un louis d’or le lundi suivant. En quoi toucher de l’argent, peut-il diminuer la valeur de Serigne Touba ? Le Prophète (Psl), lui-même fut commerçant.
On leur montre une photo de Serigne Touba, sur son cheval, le visage découvert, ils disent que c’est Samory Touré ou quelqu’un d’autre. En quoi montrer le visage d’un saint peut-il le rabaisser ? Pourquoi tous ces mythes, ces légendes qu’on alimente à outrance, terreau pour toutes sortes de transgression ? Et les « ceddo » enturbannés se sentent comme des poissons dans l’eau. N’est-il pas temps de remettre un peu d’ordre dans tout cela au lieu de laisser n’importe qui raconter n’importe quoi ? Khadimoul Rassoul, ce qu’Allah lui a donné, lui suffit ; nous n’avons pas besoin de lui en rajouter.
Qu’on s’entende bien. Nous ne disons pas que Dieu n’est pas capable de réaliser de tels miracles pour Serigne Touba. Nous soulignons seulement ce qui nous semble incohérent. Si les colons ont assisté à tout cela, ils doivent en parler dans leurs correspondances et rapports (archives) que nous devons consulter, à moins que Dieu n’ait décidé que seuls certains Sénégalais doivent s’en souvenir. Pourtant, Cheikh Mouhamadou Lamine Diop Dagana, disciple de Bamba et imam de Njaareem, a un laissé remarquable ouvrage sur les voyages du grand Cheikh. D’autres comme Cheikh Abdoulaye Dièye ont aussi effectué un sérieux travail dans ce domaine, mais nous préférons nous contenter de ce que disent des gens qui n’en savent pas plus que nous. Nous rapporte-t-on ce que Serigne Touba a dit, ou ce qu’on veut lui faire dire ?
Quelques paroles de Serigne Touba
Serigne Touba avait atteint un niveau très élevé reconnu par tous ses pairs. Il dit :
« Il est évident à tous les saints que je suis une des merveilles, signes de Dieu. »
« Par un raccourcissement de la route, j’ai dépassé d’éminents soufis qui ont, tout le temps, été honorés de l’agrément de Dieu. »
« Dieu s’est montré fier de moi devant les illustres saints et a satisfait le Prophète par ma vie (active). »
« Dieu a joint ma vie à celle de Dieu, je vis dans le paradis de Dieu. »
« Dieu m’a indiqué Dieu sans illusion, sans risque d’égarement. »
« Je ne doute guère de ma qualité de voisin de Dieu. Quel magnifique état ! »
« J’ai reçu un savoir que l’on ne voit point dans les livres, mais au contraire un savoir qui m’a été inspiré par l’Etre qui a fait de ma plume un rempart protecteur. »
« Dieu et son Prophète préfèrent mes écrits à ceux de tous les autres. »
« Quand j’écris, le trône de Dieu exulte et les anges, émus, se mettent à proclamer la sainteté de Dieu. »
« Le révélateur m’a entretenu des secrets du Coran jusqu’au point où je deviens l’abreuvoir des assoiffés. »
« Le Généreux m’a donné la « Baraka » du Coran et des sciences religieuses et fait jaillir leurs secrets sur mon enseignement. Dieu fait jaillir dans mes écrits, les secrets de « Il n’y a point de Dieu que Dieu ».
« Le meilleur Commerçant m’a octroyé des facilités que souhaiterait avoir tout saint célèbre. »
« Dieu m’a accordé des grâces qu’Il n’avait jamais données (aux saints qui m’ont précédé) et qu’Il ne donnera jamais (aux saints qui viendront après moi). »
« Il m’a accordé des faveurs qu’Il ne retirera jamais. Et grâce à Lui, je suis devenu rempart et asile. Voilà la faveur que Dieu accorde à celui qui Lui plaît, Lui qui m’a autorisé de dire : Venez chercher refuge auprès de moi. »
« A la différence des infidèles, les djinns croyants de mon temps se sont soumis à moi. »
« Le Créateur a mis la destinée des êtres humains à ma disposition à mon époque. Dieu honore volontiers, toutes les requêtes que je lui adresse. »
« N’abusez pas de ma condition d’homme noir pour ne pas profiter de moi. Je suis le Serviteur Eternel et chaque génération aura la certitude que je suis venu pour elle. »
« O gens des Terres ! O gens de Mers, venez vers l’océan de générosité. »
« Le disciple qui se réfugie auprès de moi, recevra de Dieu, Mon voisin bienveillant, une récompense dépassant ce que l’on croit possible. Sera heureux, tout disciple qui s’attache à moi. De même sera-t-il préservé de tout malheur. Quiconque s’attache à moi, sera préservé des malheurs de ce monde ainsi que de ceux de l’Au-delà. »
« Malheur à celui qui se détourne de moi après avoir adopté ma voie. »
« Sachez que sans leur adhésion à ma voie, mes adeptes iraient en enfer à leur mort, et y resteraient un certain temps avant d’entrer au paradis promis aux pieux croyants. »
« Mon Seigneur a éloigné de mes adeptes les malheurs qui frappent les idiots. »
« Le Gardien, le Tout-Puissant -qu’Il soit glorifié – m’a préservé et Il a empêché qu’aucun mal ne m’arrive. Et aujourd’hui le bien est avec moi, avec moi qui obéis à Dieu. »
« Il a placé cette « xasida » (poésie) devant toi, bien au-dessus de toute louange qui a jamais été dite par aucune créature avant moi. Ainsi soit-il, O mon Seigneur qui as fait de Muhammad le Prince des premiers et des derniers et qui l’as placé bien au-dessus de toutes les louanges qui seront jamais dites par une créature humaine. Ainsi soit-il ! » « Par les Mers et les Continents, j’apporterai le message à tous les fils d’Adam ! »
(A suivre)
Bathie Ngoye THIAM
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