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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Avec Nos Rabs, Deumes Et Autres, Le Sénégal Pourrait Devenir Une Super Puissance

Qu’on l’accepte ou pas, le surnaturel fait partie de notre quotidien. De nos ancêtres à nos descendants, certaines croyances et pratiques ont rythmé et rythment encore notre mode de vie.

« Les morts ne sont pas morts. » Voilà une phrase qu’on entend souvent.

La communion avec les esprits nous donne, paraît-il, des pouvoirs surnaturels.

Les xondiomb, grigris et saafara

Il suffit de faire un tour aux arènes pour voir que la chose est prise au sérieux. Seul Tyson avait osé enlever ses grigris et ce jour-là, il tomba du trône. Etait-ce une conséquence de son acte ou une coïncidence ? Les avis sont partagés. Pour ma part, je ne peux dire qu’une chose : faites-moi porter tous les grigris du Sénégal et mettez-moi dans l’arène, face à Tapha Guéye ou Lac de Guiers, vous aurez pitié de moi. Ah ! Faut-il d’abord être champion pour que les grigris aient de l’effet ? Je ne demande qu’à savoir. Manga 2 avait beau tremper un pauvre chaton dans une calebasse d’eau et se le verser dessus, cela n’avait pas empêché son adversaire, Tyson, d’en faire une bouchée, en deux temps, trois mouvements. Ces « choses » font pourtant partie de notre lutte traditionnelle et j’en voudrais à quiconque les enlèverait des arènes. C’est beau pour le folklore, ça a son charme, même si l’efficacité reste douteuse Je revois Mbaye Guéye versant du lait caillé sur sa tête et Robert Diouf avec ses cornes. Quel spectacle !

Pour ce qui est des khondiomes dans le football, « xoromsi » comme on dit, il serait aisé d’y croire si le Sénégal avait, au moins, vingt fois de suite, été champion du monde. Tel n’est hélas pas le cas. On n’a jamais été en demi-finale et on se prend déjà pour des Brésiliens. Au lieu de chercher des entraîneurs si bien payés, on devrait peut-être trouver de meilleurs « garabou-garabou », car depuis le temps que les khondiomes envahissent la vie des stades, les résultats peinent à suivre. El Hadj Diouf, lui, a son Serigne Touba.

Pour ceux qui y croient, il y a des grigris, saafara, etc. pour tout. Des fétiches pour se protéger contre les mauvais esprits, les mauvaises langues, les mauvais regards. Pour attirer la chance, pour être célèbre, pour plaire aux femmes, pour rendre un enfant intelligent, réussir un examen, trouver du travail, ne pas mourir dans un accident de circulation ou de travail. Il y en a même un qui vous permet d’emprunter tout ce que vous voulez, si la personne à qui vous vous adressez le possède. Vous allez par exemple à la BICIS ou à toute autre banque, vous demandez deux milliards et on vous les accorde. Je ne saurais tout énumérer… Certains vont jusqu’à parler d’« anti-mort ». Quoi qu’on dise, rares sont les compatriotes qui n’y ont pas recours. Retenons toutefois que Mariama Diouf, la seule femme rescapée du Joola déclare : « J’ai été toujours croyante et je continue de rendre grâce à Dieu. Depuis le naufrage du bateau, je ne me réfère qu’à Lui. Et je ne porte plus de gris-gris. Toutes les amulettes que je portais autour des reins, je les ai enlevées. Ma fille non plus ne porte plus de gris-gris. Je sais que tout est de la seule volonté de Dieu. » On peut objecter qu’elle a peut-être été sauvée par les grigris qu’elle portait, mais est-ce que cela signifierait que les autres n’en portaient pas ?

Le toul

J’ai rencontré beaucoup de gens qui affirment que le « toul » existe. Ils l’ont vu de leurs propres yeux, disent-ils. Il paraît que si on pose le « toul » sur un melon, le couteau le plus tranchant ne parvient pas à le couper. N’est-ce pas épatant ? Un malade qui l’a bu ne peut subir aucune opération chirurgicale. On ne peut même pas lui faire une injection ou une prise de sang, la seringue ne pouvant percer sa peau. Les balles des armes à feu aussi n’entrent pas.

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Les « deumes » et les gniokhôrs

Tous les spécialistes le disent, le deume est une personne en apparence normale, mais dotée de pouvoirs surnaturels. Quand il vous regarde, il voit votre intérieur, le cœur, les poumons et tous les autres organes. Il peut voler comme un avion de chasse, il voit la nuit comme en plein jour et il peut se transformer en hyène ou en tout ce qu’il veut. Fabuleux, n’est-ce pas ? Mais, réputé mangeur d’âmes, il est l’auteur de décès inexplicables. Il vous tend des pièges et vous dévore sans que vous le sachiez. Qui dit mieux ? J’aimerais qu’un deume me contredise ou nous explique ce qu’il en est exactement, car si les deumes existent, je suppose qu’il y en a qui peuvent lire et écrire. La balle est donc dans leur camp. Le droit de réponse est respecté dans la première démocratie d’Afrique.

Le gniokhôr serait quant à lui, un fils de deume dont la mère n’a pas dévoré d’âme durant sa grossesse. Il peut voir l’intérieur des corps, mais est incapable de tuer. Tels sont les dires de Kor Ndiaya, un notoire chasseur de deumes.

A cela s’ajoutent les histoires « vécues » qui affermissent ces croyances.

Mass, un de mes meilleurs amis, m’a raconté qu’une nuit, vers trois heures du matin, il marchait sur une rue sablonneuse pour rentrer chez lui. Soudain, il entendit des « trak ! trak ! trak ! » derrière lui. Comme les pas d’un cheval ferré sur une route goudronnée. Il garda son sang froid autant qu’il put, ne se retourna pas, réussit à pousser sa porte qui n’était heureusement pas fermée, juste à temps, et vit passer un mouton tout blanc qui le suivait.

Quelqu’un d’autre raconte qu’une nuit, il avait envie de fumer, mais n’avait pas de quoi allumer sa cigarette. Il sortit de chez lui pour demander du feu aux passants ou voisins. Il vit alors des braises courir devant lui, mais dès qu’il voulait poser sa cigarette sur l’une d’elles, elle disparaissait.

Ismaïla Diène, un des formidables enseignants que j’ai eu la chance d’avoir, relate dans son livre « L’APPEL DU PHARE » : « Une nuit, tout dormait quand soudain le vrombissement d’un car immobilisé nous arracha au sommeil. Debout, j’entendis clairement la voix réelle de ma maman qui s’exclama : « Is, que ton village est éloigné ! ». Ce diminutif de mon prénom n’étant usité que par mes proches me confirma que c’était bien ma mère. Surpris et ravi à la fois en cette heure si tardive de l’arrivée impromptue de ma chère maman je m’emparai de ma torche. La porte à peine ouverte, je risquai un regard dans les ténèbres quand, jailli des profondeurs de l’opacité, un bouc tout blanc, d’un bond, m’étala à terre d’un rude coup de tête au front et disparut miraculeusement. »

Des anecdotes de ce genre, je crois que tout Sénégalais d’un certain âge, vivant ou ayant longtemps vécu au Sénégal, a dû en entendre à la pelle.

Les tuur, rab et djinné

Chaque ville ou village, dit-on, a son rab protecteur. Leuk Dawour Mbaye à Dakar, Mame Coumba Lamba à Rufisque, Mbossé à Kaolack, Ndoumbé Diop à Diourbel, etc. Le rab est un esprit qui peut se présenter sous des formes animales ou humaines. Leuk Dawour est souvent décrit comme un cheval avec une seule patte, Mbossé, un genre d’iguane et Ndoumbé Diop, une poule avec ses poussins. Bien des gens affirment les avoir rencontrés.

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Le tuur est souvent un ancêtre qui revient vivre auprès des hommes. « Il est le maître de la nature et des sols qui signe un pacte avec les populations. » Il donne fertilité, richesse et savoir aux hommes. En fait, c’est aussi un rab. On installe des autels appelés khambs où on fait des sacrifices pour avoir sa coopération.

Entre le rab et le djinné, disent les spécialistes, il y a le vent. Accrochez-vous. Le rab se transforme en vent pour entrer dans l’être humain et le posséder.

Les djinns sont des créatures à part qu’il peut nous arriver de rencontrer.

Il paraît qu’il y a des endroits à Dakar où on peut trouver des djinns.(Etant musulman, je crois à l’existence des anges et des djinns, mais je dois avouer que je n’en ai jamais rencontré ou alors c’était sans m’en rendre compte). On dit que quelque part sur la route de Ouakam, il y a, la nuit, une femme voilée au bord de la route. Une djinné. D’aucuns disent l’avoir abordée et la voir disparaître en un clin d’œil. Je n’ai pas eu cette chance. Par contre j’ai passé une nuit dans les rues du Plateau, avec l’espoir de rencontrer Leuk Dawour Mbaye ou une de ces créatures extraordinaires. Je vous jure qu’entre trois heures et cinq heures du matin, il n’y avait personne, à part d’innombrables sans-abri qui dormaient sous les portes cochères ou carrément au bord des routes. Les rues étaient toutes à moi, moi seul. Et dire qu’il y a des problèmes de circulation à Dakar ! Du marché Sandaga à la Place de l’Indépendance, pas un chat. Précisons quand même que c’était dans la semaine et en période de vacances. Pas une voiture de police en patrouille. Je me suis dit que les policiers devaient économiser l’essence ou avaient peur de trouver le rab de Dakar sur leur chemin. (J’espère que les cambrioleurs téméraires ne liront pas ce passage.) Je fus bredouille. Leuk Dawour était sans doute en vacances.

J’ai une fois pris un taxi pour aller dans un endroit où j’espérais avoir des certitudes. Le chauffeur qui au début ne me prenait pas au sérieux me fit savoir qu’il avait transporté toutes sortes de clients, mais pas des clients qui cherchent des djinns. Arrivé à destination, je lui dis, après avoir payé : « Attends-moi et si tu m’entends crier, viens à mon secours. » A peine eus-je posé mon pied par terre qu’il démarra en trombe. Le traître ! Je me rendis sur les lieux, bredouille, encore une fois.

Je suis aller consulter des saltigués, des ndeupkats et d’autres spécialistes réputés, je suis resté sur ma faim. Rien que des paroles mystificateurs. Tous cependant affirment, mordicus, l’existence de ces « êtres », leur gagne-pain.

Je ne dis pas que ces choses n’existent pas et je ne dis pas le contraire non plus. Je me dis tout simplement que si tout cela est vrai, pourquoi ne pas nous en servir pour développer notre pays ?

Si le « toul » existe, on doit le commercialiser. Les G.I. américains qui, dans le bourbier irakien, mordent la poussière tous les jours, payeraient cher pour l’avoir. Imaginez toutes les armées du monde, toutes les polices, toutes les personnalités politiques, toutes les stars, sans parler des gangsters et autres, venir acheter notre « toul », produit bien de chez nous que même les Japonais ne pourront pas copier. Il faudra alors l’exporter en fonction du prix des gilets pare-balles, en tenant compte du fait qu’un tel gilet ne protège que le buste alors que le toul protège tout le corps, de pied en cap. Un « ndomba » devra donc coûter au moins deux fois plus cher qu’un gilet pare-balles. N’êtes-vous pas de mon avis ? Nous serons alors plus riches que les exportateurs de pétrole. Sans parler des « khondiomes » que nous vendrons à tous les clubs sportifs du monde, et les Khambs que les milliardaires saoudiens installeront dans leurs palais. Les joueurs de loto ou de PMU d’Allemagne, de Chine et d’ailleurs viendront acheter nos saafara et amulettes qui augmentent la chance. Imaginez les chefs d’Etat occidentaux avec leurs tuur. Des dollars à gogo !

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Nous aurons des universités de sorcellerie où même les extraterrestres viendront prendre des leçons. Madame Soleil, la grande devineresse de France, et consorts seront à la maternelle.

Si les tirailleurs sénégalais étaient des « deumes », ils auraient probablement tuer Hitler sans avoir besoin de tirer des coups de feu. L’armée sénégalaise devrait enrôler des « deumes », rien que des « deumes ». On aurait alors la plus puissante armée du monde, loin devant les Etats-Unis. Si Ben Laden avait des « deumes », Bush aurait du fil à retordre.

Aussi si on avait des « gniokhôrs » dans nos hôpitaux, on aurait plus besoin de nous encombrer de machines coûteuses et souvent défectueuses pour effectuer des radiographies. Et que dire de tous ces appareils ridicules que les médecins utilisent pour écouter les battements du cœur ou que sais-je encore ? Kor Ndiaya soutient que les deumes et les gniokôrs voient tous les viscères et, pouvant suivre la circulation du sang dans les veines et artères, ils seraient même en mesure de compter le nombre des globules blancs et des globules rouges. Les Blancs sont décidément loin derrière nous. Qu’est-ce qui nous dit que les deumes et gniokhôrs ne pourraient pas guérir des cancers et d’autres maladies devant lesquelles la médecine des Toubab s’avère impuissante ? Le ministre de la Santé doit méditer là-dessus.

Pour les problèmes de circulation à Dakar, le gouvernement n’a qu’à demander l’assistance de Leuk Dawour et les gens seront plus disciplinés que des soldats. Plus besoin de mettre des policiers aux carrefours des routes.

Les magistrats seront remplacés par ces marabouts-guindel que nos bonnes femmes vont consulter pour savoir qui a volé leurs bijoux ou argent. Dès qu’un accusé entrera dans la cour, ils lui diront : « Vous êtes untel, habitant tel endroit. Tel jour, à telle heure, vous avez fait ceci et cela… » Plus question de lever la main droite et dire : « Je le jure. » Les avocats deviendront chômeurs ou Présidents ou alors ils devront changer d’école et aller apprendre le langage des cauris.

L’Europe a ses réalités, l’Afrique les siennes.

Vu que nous raffolons de ministères, pourquoi pas un « Ministère de la Sorcellerie » que le monde tout entier nous envierait ?

Sinon rangeons ces sornettes dans nos oubliettes et travaillons ardemment, chacun dans son domaine et selon ses compétences, pour le développement de notre cher pays.

 

Bathie Ngoye Thiam

Bathie Ngoye THIAM

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