Après la parution de l’interview de Oulimata Sarr, élève de 18 ans, trainant une grossesse de plus de trois mois dont l’auteur n’est autre que son géniteur Djadji Sarr, parue dans le quotidien l’OBSERVATEUR du 03 Septembre 2011, j’ai senti la nécessité de proposer aux parlementaires de ce pays de re-penser la loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) au Sénégal, lorsque l’auteur de l’abus sexuel est apparenté à la victime.
Il urge de corriger les imperfections de la loi sur l’IVG au Sénégal en cas d’abus sexuel.
Le viol est un « drame » social qui mérite une réflexion approfondie. Il serait très difficile de parler des causes efficientes de ce phénomène social, mais il existe des facteurs favorisants sur lesquels nous pouvons nous intéresser pour essayer d’expliquer ce phénomène.
Mais ce qui nous taraude le plus, est le cas de viol commis par un membre de la cellule sociale de base de la victime, principalement, le père, l’oncle ou le frère !
D’aucuns parleront sans doute d’inceste, mais au-delà de l’acte sexuel commis nous devons nous interroger sur l’identité de l’enfant issu de cette relation et de son intérêt supérieur.
De ce fait, j’invite les parlementaires à réformer la loi afin de permettre à la victime d’abus sexuel de se faire avorter avec l’assistance de professionnels du corps médical.
Un plaidoyer fécond doit être fait pour une IVG médicalisée au Sénégal, en cas de viol commis par le pater familias ou un membre proche de la cellule sociale de base afin de prévenir les cas de suicides égoïstes causés par un défaut d’intégration.
L’arsenal juridique dont nous disposons actuellement ne prévoit aucune disposition pour la prise en charge de la victime et de l’enfant incestueux. En cas de viol, le criminel est emprisonné, certes, mais nous avons tendance à négliger la prise en charge de la victime, qui souffre de violences physique et psychique. Au Sénégal, cette prise en charge est le maillon faible. Elle est défectueuse, pour ne pas dire inexistante. On privilégie la sanction pénale en oubliant la victime. Il n’y a pas assez de spécialistes, pas de structures de référence pour prendre en charge les victimes d’abus sexuel qui sont livrées à elles même.
Dans l’immédiat, il faudrait opérationnaliser les rares structures de prise en charge qui existent et favoriser le métier de psychologue clinicien ainsi que des spécialistes, pour aider les victimes à retrouver une vie meilleure.
Au plan physique, les conséquences peuvent être de plusieurs sortes. Le viol s’accompagne de lésions, de déchirure, comme la perte de l’hymen et l’exposition de la victime aux maladies sexuellement transmissibles. Au plan psychologique cela devient compliqué. Certaines victimes ont tendance à développer des dépressions masquées, eu égard à ces traumatismes multiples. Il s’y ajoute des phobies comme l’agoraphobie ou la claustrophobie. Il y a aussi des comportements déviants comme l’alcoolisme et la prostitution. Nous avons réalisé des études sur la prostitution des mineures et nous nous sommes rendu compte qu’une bonne frange des filles qui s’y adonnaient avait été violée durant leur enfance. Le viol commis sur une fille poursuit celle-ci qui, devenue adulte, aura tendance à développer des comportements plus ou moins déviants. Il s’y ajoute les cas récurrents d’infanticide. (Ce n’est pas bien évidemment la seule motivation). Les résultats de notre étude ont montré que la plupart des jeunes filles qui jettent leurs enfants ou les abandonnent à la naissance, ont été des victimes de viol dont l’auteur est un proche parent. Ne pouvant pas porter « l’enfant de la honte », elles utilisent souvent des moyens illicites pour s’en débarrasser.
Au plan communautaire il existe des ethnies qui gardent toujours des survivances qui n’offrent guère une issue heureuse à la mère de l’enfant incestueux ou simplement conçu sur la base d’un abus sexuel.
L’autre question importante à mes yeux, c’est l’interruption médicalisée et volontaire de grossesse, en cas de viol. Il y a des pays comme l’Egypte, la France etc., qui sont en avance sur le Sénégal. En Egypte par exemple, Al Hazar, une association sunnite, a beaucoup fait dans le domaine de l’interruption de grossesse médicalisée. C’est-à-dire, en cas de viol avéré sur une fille mineure, si l’on sait que celle-ci n’a pas les compétences physiques pour gérer, pendant neuf mois, une grossesse et si sa vie est en danger, avec l’avis du médecin, on peut procéder à cette interruption volontaire, quand bien même l’avortement est interdit en Egypte.
Au Sénégal, cela peut être une alternative contre les nombreux cas d’infanticides et d’éventuel suicides égoïstes d’enfants incestueux, mais aussi, une mesure permettant aux victimes de retrouver leur dignité et leur rang social. Pour préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, je pense qu’il faudrait, dans ces cas bien précis, permettre une IVG médicalisée au Sénégal.
Dr Kaly NIANG
Sociologue