L’amiante ou asbest est un mineral « indestructible » largement utilisé dans l’industrie notamment pour ses qualités refractaires, son pouvoir absorbant et sa resistance à la tension..
Les qualités ci-dessus citées font qu’il a eté au cour des siecles largement utilisé notamment dans la fabrication des garnitures de friction (patins de freins et disques d’embrayage), des fours, des plaques chauffantes, des plaques d’isolation dans l’industrie navale, des ardoises en fibro-ciment….
C’est sur cette derniere application que porte cette contribution puisqu’etant la plus courante au Senegal.
Au cours des années 1990, la production de matériels et matériaux renfermant cette substance minérale a été stoppée et meme interdite, quand l’on s’est rendu compte que l’amiante peut être responsable de pathologies telles que les cancers des poumons, des voies respiratoires ou de la plèvre.
L’usage et la vente de materiaux contenant de l’amiante ont ete interdits aux pays-bas en 1993, en Belgique en 2003 et dans le reste de l’Union Europeenne en 2005.
Les unités de fabrication dont les produits finis renferment de l’amiante ont alors migré vers les pays ayant besoin d’un « transfert de technologies » : les pays peu industrialisés.
C’est ainsi qu’une entreprise alla s’etablir à la sortie de Pout pour faire beneficier au Senegal les bienfaits du transfert de technologies.
La demande etait soutenue car cela correspondait à la periode oừ la Sicap et les HLM deroulaient des programmes de logement sociaux à travers le pays
Des quartiers entiers de Dakar sont revêtus de ces ardoises en fibro-ciment produites par la Senac-eternit sur son site de Pout : Sicap Libertés, Gibraltar, Mermoz, HLM1 à 6, Nimzatt, Paris, Las-Palmas, dans les capitales régionales et départementales.
Il se trouve que depuis une décennie, la pression démographique sur Dakar et la crise du logement pousse une bonne partie des propriétaires sinon la majorité à procéder à une modification de leur habitation devenue exiguë et/ou obsolete.
Quel devenir pour les ardoises usagées ?
Soumises aux intempéries de manière cyclique pendant une vingtaine voire une trentaine d’annees, ces ardoises vont se désagréger et libérer facilement de fines poussières.
Elles se retrouveront dans le circuit de la recuperation et connaîtront une deuxième vie chez d’autres propriétaires moins fortunés ou seront réutilisées in-situ pour le hangar des moutons….
Quand elles sont cassées, elles se retrouvent dans les gravats, un materiau souvent utilisé pour combler les nids-de-poules ou comme remblai dans les concessions et ruelles sablonneuses.
Or ce sont justement les fines poussieres qui constituent le danger.
En effet, l’amiante est dangereuse quand elle est inhalée par les voies respiratoires (c’est à dire quand les fibres ont une longueur comprise entre 5 et 250 microns et un diamètre inférieur à 3 microns).
Quelles sont les precautions prises lors de la pose des tuiles sur les habitations noyamment lors du perçage ou du sciage des tuiles en fibro-ciment?
Quelles sont les precautions prises par les habitants des maisons dont la toiture est en tuiles fibro-ciment pour ne pas entrer en contact avec l’amiante sous sa forme respirable ?
Quelles sont les precautions prises lors de l’enlevement de la vieille toiture ?
Et lors du transport ?
Et lors de l’entreposage dans l’attente du recyclage ?
A toutes ces étapes de sa vie, l’ardoise en fibro-ciment a eté manipulée sans precaution aucune, liberant de fines poussieres qui ont pu etre inhalées par des personnes non conscientes du danger auquel elles s’exposent.
Aux Pays-bas apres l’interdiction de la vente et de l’usage de produits contenant de l’amiante, des campagnes de desamiantage ont eté menées consistant en la démolition des batiments et produits amiantés par des sociétés spécialisées.
De nos jours lors des audits environementaux (obligatoires pour tout permis de construction) une attention particuliére est observée quant à la presence sur ou dans le sol de materiaux susceptibles de contenir de l’amiante. Le cas échéant, quand les concentrations d’amiante dans le sol depassent le seuil limite de 100 mg/kg de terre, une dépollution obloigatoire conditionne l’obtention du permis de construire.
Au meme moment c’est comme si nous, au Senegal, nous etions invulnerables à l’amiante.
Il se passe 30 à 50 ans avant le developpement de maladies liées à l’amiante. C’est dire que dans un avenir trés proche, le nombre de malades souffrant de l’asbestose ou des cancers bronchiques risque d’exploser.
Que font les pouvoirs publics quant à la presence de l’industrie du fibro-ciment au Senegal ?
Que font les pouvoirs publics pour informer et sensibiliser surtout les artisans mais aussi la population de manière générale ?
Laye Dieme
adieme2@hotmail.com
PS : la vue d’un quincailler inconsciemment couché sur une pile d’ardoises à la devanture de son magasin lors d’un recent sejour au Senegal, a motivé la redaction de cette contribution.
