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Cimetieres De Touba : Embouteillages Aux Portes Du Paradis

Cimetieres De Touba : Embouteillages Aux Portes Du Paradis

Touba, qui « tire son origine des profondeurs mystiques du Saint Coran et de la tradition prophétique », a un statut particulier dans le « saayir » comme dans le « baatin ». Touba signifie « Le Grand Bien ». Touba est aussi un arbre dans le jardin paradisiaque. Allah l’y a planté de Sa Main.

Cheikh Ahmadou Bamba (Que Dieu soit satisfait de lui) est arrivé en 1887 au site actuel de la ville. Il a écrit dans « Matlaboul Fawzeyni » :

« Fais que cet établissement soit un lieu de pèlerinage pour les indigents ici bas. Qu’il soit un argument décisif pour le contrevenant dans l’au-delà. » Et il aurait déclaré que « celui qui y repose est sûr d’avoir le salut éternel. »

Considéré alors comme « l’antichambre du paradis », il est dit que tous les mourides sont appelés à y être enterrés. En moyenne, 75 personnes y sont inhumées par jour, donc plus de 27 000 par an. Sur environ un km2.

Aujourd’hui, c’est la saturation. Il y est pratiquement impossible de ne pas marcher sur des tombes, ce qui n’est pas respectueux envers ceux qui y reposent, même si l’Islam le tolère dans des cas comme celui-ci. L’entassement est tel que les morts sont souvent superposés. Murez les tombes de vos proches le plus rapidement possible, sinon d’autres prendront leurs places. Mais si tout le monde dresse un muret, il n’y aura plus de nouvelles tombes. Par ailleurs, les petites stèles en ciment sur lesquelles sont écrits les noms des défunts les moins nantis se cassent ou s’effritent au bout d’un certain temps et on ne retrouve plus l’emplacement des siens.

On rapporte que ces cimetières ont été tracés par Cheikh Ahmadou Bamba lui-même, quand la population était d’environ 500 personnes. Il aurait tracé les grands axes de la ville sainte et l’organisation de l’espace.

En 1930, les Français, maîtres du Sénégal, avaient accordé à la famille de Serigne Touba un titre foncier qui englobait la mosquée et s’étendait sur 400 ha autour. (Signalons que Thiendella Fall, maréchal des logis dans l’armée coloniale puis chef de canton, avait aussi obtenu un titre foncier de 100 ha à Ngathie Naoudé, dans le département de Gossas.) Le président Diouf avait refusé d’élargir le titre foncier de Touba, Me Wade l’a fait.

Avec un vertigineux taux de croissance démographique, Touba est actuellement la deuxième ville du Sénégal. Une population estimée à plus de deux millions d’habitants et une superficie qui dépasse les 12 000 ha. Reste à savoir quelles sont les limites de la terre bénite.

Si la sainteté suit l’extension spatiale de la ville, pourquoi ne pas créer de nouveaux cimetières et encourager les gens à y aller ? (Il y en a un, mais nombreux sont ceux qui ignorent son existence ou sont sceptiques, doutant peut-être de sa proximité avec le paradis parce qu’il n’a pas été tracé par le Grand Marabout ou parce qu’il est trop éloigné de la Grande Mosquée.) Rappelons que le premier cimetière créé par Serigne Bamba se trouve à Darou Salam, village qu’il a fondé en 1884 et qui est devenu un quartier de Touba.

Idrissa Seck avait émis une idée qui mérite réflexion : la transformation des  cimetières en nécropole moderne avec, j’imagine, un logiciel permettant d’identifier les personnes inhumées et surtout d’éviter le « surpeuplement » et le désordre.

Mais si le but est juste d’aller au paradis, nous avons des privilèges considérables. Chaque taalibe a son marabout qui, dans les croyances populaires, est son espoir voire son protecteur ici-bas et dans l’au-delà. Quiconque voit le khassida « Minal haqqi » ira au paradis. Quiconque peut réciter le khassida « Diawartou » ou est enterré avec ira au paradis. Et l’on entend dire que quiconque voit Cheikh Béthio ira au paradis… Ne pouvons-nous alors pas, en ces temps difficiles, nous procurer ces textes sacrés et ensevelir plus souvent nos morts dans leurs villages ou villes de résidence, près de leurs familles, sachant que leur entrée au paradis est déjà garantie ?

 

Bathie Ngoye THIAM

 

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