Des mauvais perdants répandent le bruit infondé, nauséabond et dangereux pour l’unité nationale, d’un vote ethnique de la « communauté » pulaar en faveur de M. Macky Sall.
Il ne faut pas que l’on laisse prospérer de telles assertions. Grâce à Dieu, nous avons jusqu’ici vécu en parfaite harmonie entre Sénégalais, sans connaître les affres des divisions, querelles et luttes ou guerres interethniques. Nous avons fait nôtres les paroles de notre hymne national : « Nous disons droit l’épée n’a pas une bavure (…) /… un peuple sans couture ». Des propos irresponsables, malheureusement relayés par la presse, risquent de mettre fin à un équilibre certes réel, mais toujours instable.
Mme Aminata LÔ, peut-être bientôt ex-ministre de la Solidarité nationale, aurait déclaré (Le Quotidien du 28/02/2012, p. 3) qu’ « il y a eu un vote ethnique en faveur de Macky Sall. La communauté pulaar a fortement voté pour Macky Sall. Il faut avoir le courage de le dire ». Le Président Wade lui-même (L’Enquête du mercredi 29 février 2012, P. 2) aurait « taxé le candidat Macky [Sall] d’ethnicisme »
Voyons les choses avec plus de sérénité. En 2000, en 1995, 1988, etc. il y a toujours eu des candidats haalpulaar, et on n’a jamais fait cas de vote ethnique des Haalpulaar et des Pël en général en faveur d’un candidat de leur ethnie. Au contraire, le Fouta-Toro, région d’origine des Haalpulaar, a toujours voté pour Senghor, pour Diouf et pour Wade. Ce que, du reste, on leur a souvent reproché. Ils n’ont jamais appliqué leur propre adage : « neddo ko banndum ».
Et qu’en est-il, en cette année 2012 ? Si Tanor a gagné la commune de Podor, Wade a emporté le département.
A Matam, Macky Sall aurait eu 27 977, devant Abdoulaye Wade (16 859). Près de dix-sept-mille voix contre près de vingt-huit-mille, ce n’est pas mal : Wade a eu souvent bien moins, en pourcentage dans des zones non pulaar !
A Kolda, région pël par excellence, Wade a fait 21.112, et Macky Sall, 8 387.
A Médina Yoro Fula,il y a eu 8 850 (Wade) et 3 697 (Sall).
A Ranérou, 4 365 (Wade) et 1951 (Sall).
Et à Vélingara, 21 149 (Wade) et 14 015 (Sall).
Quelle que soit l’acception que l’on ait du mot ethnie, dans le cas d’espèce (Pël en général ? Haalpulaar ? « Tukuloor » ?), sauf dans des cas marginaux (localités isolées, comme de la commune de Podor), il n’y a eu de quoi fonder l’assertion déplorable de quelqu’un qui cherche de mauvaises explications à une chute voulue et orchestrée par la Nation sénégalaise dans son écrasante majorité.
Dira-t-on que Bambey a fait un vote ethnique (près de 20 000 voix pour Wade, et près de 12 000 pour Sall) ? Et Guinguénéo ? Kaffrine ? Et Kébémer ? Koumpentoum ? Nioro du Rip ? Rufisque ? Saint-Louis ? (près de 26 000 à Wade, près de 15 000 pour Sall) Et Mbacké ! Etc.
Dans toutes ces zones où dominent les Wolof, Wade l’a emporté sans qu’on aille y voir un quelconque vote ethnique.
Et on a entendu M. Wade pratiquer publiquement des pratiques de deux poids, deux mesures entre confréries, déclarant favoriser la sienne sur les autres.
Par ailleurs, M. Wade lui-même a été très mal inspiré d’accuser M. Sall de faire de l’ethnicisme simplement parce que, s’étant retrouvé en plein Fouta Toro, celui-ci a eu le malheur de s’adresser aux siens dans leur langue. Il ne l’a fait ni à Dakar ni à Guédiawaye, ni à Fatick, mais au sein des siens ! Et M. Wade, douze ans durant, a parlé wolof en tous lieux, en toutes circonstances, ignorant royalement la loi (le français est encore aujourd’hui la langue officielle du Sénégal !) et donnant des dénominations exclusivement wolof à toute création ou à tout projet (Dem-Dikk, Yekkalma, Jaxaay, Kër Goorgi, etc.).
Monsieur le Président, Madame le Ministre, cherchez s’il vous plaît d’autres arguments pour vous relancer, si la chose est possible. Gagnez au second tour, dans l’élégance et avec des arguments plus sains, plus crédibles ; ou alors, perdez et partez dans la dignité ! Allez en paix, et ne jetez pas la discorde dans notre Nation ! Les Sénégalais ont, dans leur grande majorité, dépassé cet ethnicisme de caniveau que vous alléguez pour justifier la déroute de votre camp. Comme on dit en wolof, « Ay waxu ku daanu ci saret rekk la !) » Et, comme vous le dites, Madame,« cela n’est pas à l’honneur du Sénégal ». Où irions-nous, si on écoutait des gens tels que vous ?
Prof. Amadou Ly
Faculté des Lettres et Sciences Humaines UCAD