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Quel Régime Politique Pour Le Sénégal?

Quel Régime Politique Pour Le Sénégal?

Pour qu’on ne puisse pas abuser du Pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Montesquieu

 

Le régime parlementaire, une panacée pour la bonne gouvernance?

Le système politique Sénégalais est conçu sous la forme d’une République où le peuple exerce le pouvoir du peuple à travers ses représentants élus démocratiquement. Cette république est organisée autour de trois centres de pouvoirs, le Président et son gouvernement (exécutif), le parlement (législatif) et les cours et tribunaux (judiciaire). Ces trois pouvoirs sont essentiellement composés d’institutions républicaines dirigées par des personnes élues ou nommées. L’idéal serait que ces trois entités soient mutuellement respectueuses les unes des autres et qu’elles soient conscientes des limites indiquées dans la constitution mais aussi de leurs interdépendances.

L’ordonnancement des institutions Sénégalaises, comme pour son drapeau tricolore s’est fortement inspiré du modèle français ; il faut cependant noter que, historiquement, les institutions françaises font partie de celles qui ont été les plus modifiées depuis la révolution de 1789 qui mit fin au règne de la dynastie des Capets.

Au Sénégal, après l’expérience malheureuse de régime parlementaire sous Mamadou DIA qui a pris fin en décembre 1962, notre pays s’est enfoncé dans la personnalisation à outrance du pouvoir par un présidentialisme exacerbé.

Aujourd’hui, le régime parlementaire, remis au goût du jour par les conclusions des assises nationales, est choisi par une bonne frange de BENNO comme solution à la cannibalisation des autres institutions par la présidence.

Avant le triomphe de cette position, il sera urgent d’analyser les rapports de force des différentes composantes de cette nouvelle armature et voir si un Président élu au suffrage indirect et sa fragilisation conséquente par des députés dont le niveau laisse à désirer est compatible avec l’évolution d’une nation en construction. Autrement dit, si aboutir à une république des partis avec des risques de parlementarisme et d’instabilité perpétuelle est définitivement préférable à un régime présidentiel tempéré. Nous devons également nous demander si l’élection du Président au suffrage universel n’est pas plus proche du référendum et donc de la démocratie ?

De la question du mandat confié par le peuple à l’effectivité de la démocratie

La République, est le régime politique où le pouvoir est chose publique (res publica), ce qui implique que ses détenteurs successifs l’exercent, non en vertu d’un droit propre, mais en vertu d’un mandat conféré par une partie du corps électoral. L’élection d’un représentant quelconque du peuple doit se traduire par l’exercice d’un mandat que le corps social dans sa grande majorité vous a confié ; cela doit donc être un devoir et un sacerdoce avec une obligation de rendre compte régulièrement avant les évaluations périodiques que constituent les élections.

En démocratie, le pouvoir du corps social est énorme, mais au Sénégal, les prérogatives du peuple se réduisent à la seule fonction d’élire. Ici, on va à la conquête des positions de pouvoir pour s’enrichir et ultérieurement mieux corrompre et mieux ferrer ceux-là même qui vous ont élu. Les régimes se suivent et se ressemblent face à un peuple désabusé à la limite de l’apathie pour la chose politique.

Même s’il est vrai que la démocratie réelle est une chimère de ce monde, il faut cependant noter que le régime actuel, plus que les socialistes, est en train de tuer en nous toute forme de dignité et de capacité d’indignation.

Le parlement faire-valoir est à la botte de l’exécutif lui-même constitué d’adeptes de « oui, oui Monsieur » tandis que Dame Justice se fait de plus en plus belle pour plaire.

Parlementarisme stérile ou Présidentialisme d’un homme vertueux et intègre

Il est vrai qu’il est risqué de vouloir déposer l’essentiel du pouvoir d’un Etat dans les mains d’une seule personne, le Président de la République ; cela devient carrément dangereux si celui-ci n’est pas intègre. Il est également hasardeux que le pouvoir n’arrête pas le pouvoir car si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument.

La » possession » du pouvoir corrompt inévitablement la raison et « l’effet de cour » fini par s’installer dans toute présidence qui dure ; d’où l’avantage de la limitation des mandats. Certes la présence d’hommes intègres au sommet de l’État est fondamentale, mais un bon fonctionnement des institutions du pays constitue une nécessité absolue et une garantie pour la vie de la démocratie. Ainsi, les éventuelles dérives décisionnelles seront amoindries, voire anéanties par le parlement et les différentes cours judiciaires.

Nous comprenons que la primauté du système sur l’homme soit une vertu cardinale pour le fonctionnement de la démocratie. Il faut cependant que le fonctionnement du système soit une réalité et que ce système soit animé par des hommes intègres qui ont une forte conscience de leur charge. Est-ce que nous pouvons donc aujourd’hui, au Sénégal, à cette étape de la vie de la nation décréter la primauté du parlementarisme sur le présidentialisme ?

Au Sénégal, il existe plus de 150 partis politiques tous dirigés par des hommes qui nourrissent des ambitions pour le pays. Il existe cependant peu de partis qui ont une envergure nationale. Au niveau des Sénégalais, il y’a souvent des confusions entre ces entités morales et leurs dirigeants. Beaucoup de partis ont des attaches locales et régionales avant d’être nationales. N’oublions tout de même pas aussi que le Sénégal est une République qui vient tout juste de fêter ses cinquante ans. Nos Etats en tant que tels sont des émanations d’une conférence tenue à Berlin sans la présence des africains. Il n’est ainsi pas rare de voir une même famille dispersée entre plusieurs pays africains.

Ce qui fait que l’appartenance à un pays est moins prononcé chez nous que dans les vieilles démocraties d’Europe et d’ailleurs. Nos nations sont en construction depuis seulement cinquante ans. Il y’a peu de pays en Afrique où une religion ou une langue domine très largement. Dans nos pays africains, nos ethnies, nos religions et nos langues sont encore en perpétuelle négociation de suprématie l’une sur l’autre.

Nos hommes politiques issus de nos contrées incarnent des réussites au niveau de leurs clans et constituent l’espoir de s’en sortir pour eux. Pour beaucoup de leurs parents, ils doivent renvoyer l’ascenseur car ils incarnent l’espoir de s’en sortir par un népotisme qui ne dit pas son nom et qui est toujours souhaité et considéré comme normal. Dans nos pays, c’est le fait de ne pas favoriser ses parents dans le recrutement, de ne pas s’en entourer, donc le népotisme et de ne pas faire preuve de gabegie qui sont mal vus.

Ainsi, les députés apparaissent plus souvent comme les députés d’un parti, d’un clan, d’une contrée que les représentants du peuple. Nous avons donc une assemblée compartimentée, un parlement fragmenté dont les membres obéissent plus à des logiques d’appareils et d’intérêts de groupes qu’à celui de la nation toute entière. N’a-t-on pas vu les ressortissants d’une ville brûler le drapeau national parce que tout simplement un de leurs fils a été recalé au gouvernement ?

Il s’y ajoute le niveau d’instruction actuel de nos braves et honorables représentants ; force est de reconnaître que ce niveau laisse à désirer car le plus souvent, on est plutôt choisi pour son éloquence et sa roublardise que par sa pertinence ; il suffit d’assister à un débat à l’assemblée nationale où les invectives se la disputent aux insultes dignes d’un charretier.

Pouvons-nous à l’heure actuelle, avec le mode prépondérant du « raw gaddu» et le système « du plus fort reste » déplacer le centre du pouvoir dans cette foire aux empoignes ?

Il demeure certes constant que dans nos pays pseudo indépendants, les lobbys influencent plus facilement un président et son entourage qu’un parlement constitué de plus de 200 « délégués » du peuple. C’est tout l’avantage d’un régime parlementaire ; mais ce que nous gagnons ne doit pas nous faire oublier le risque que nous courrons de rendre le pays ingouvernable par des querelles interminables de chapelles, des négociations et des chantages grotesques lors de la formation des gouvernements dans une nation en construction. La démocratie et partant le développement a besoin de paix.

Conclusion

La politique étant l’art de gouverner la cité ; il s’agirait dans le sens noble du terme d’ordonner l’architecture institutionnelle du pays et de faire conduire ces institutions par des personnalités intègres fondamentalement motivées par l’intérêt général dont les pratiques sociables sont conformes à l’éthique et à la morale. Ainsi, ces institutions républicaines, conduiront harmonieusement les affaires de la nation à bon port.

Il faut cependant noter que l’évolution des institutions est inséparable de l’évolution intrinsèque du contexte ; c’est-à-dire que cela exige une analyse à froid de l’état de la nation. Au Sénégal, la construction de la nation est fortement avancée par rapport à beaucoup de pays africains ; il ne faut pas la retarder ou la remettre en cause par des ordonnancements institutionnels hasardeux tels que le parlementarisme à l’italienne qui a renforcé le rôle des mafias et des groupes genre brigades rouges dans la vie de la nation. Ce parlementarisme est aussi dangereux que la provincialisation que nous propose le régime pseudo libéral actuel, heureusement moribond.


Dr Massirin SAVANE

3ème adjoint au maire Kolda

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