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Sénégal : Rts Audiovisuel Public, Un Besoin De Mutation

Sénégal : Rts Audiovisuel Public, Un Besoin De Mutation

Fixer le calendrier des événements importants, se projeter sur une mise en échos des préoccupations et contradictions de sa société, constituent des impératifs professionnels pour tout service public de télévision. La RTS télévision nationale a souvent oublié ses missions du fait d’un choix d’instrumentalisme politique à la Pravda, voulu et entretenu. Pour autant, cette maison a connu une succession de générations de journalistes qui ont incarné les vertus du professionnalisme. Formés et dotés d’une culture incontestable, ils ont suscité des vocations chez bien de jeunes journalistes. Une liste non exhaustive, nous remet en mémoire les noms de : Diadji Touré, Elisabeth Ndiaye, Yves Jacques Sow, Amadou Mbaye Loum, Abdoulaye Ndiaye, Mamadou Malaye Diop et Abdourahmane Koita pour ne citer que ceux la.

Le principe d’équidistance, la modération dans les propos et le style ont caractérisé cette brillante génération qui constitue une référence pour la profession. L’avènement de l’alternance a hélas sonné le glas pour certains parmi eux. Une télévision n’existant que par la volonté des nouveaux promus a pris le pas sur celle qui devait être une rupture après la période socialiste. Les grands changements passant par les grands hommes, la télévision nationale aux mains de l’actuel Directeur Général n’a pas fait sa mue. Sans tomber dans la médisance ou la caractérisation, force est de reconnaitre que le parcours de ce dernier n’a jamais été celui d’un journaliste.

Professeur au Lycée Gaston Berger après un diplôme d’anglais, Babacar Diagne ne doit son statut de journaliste qu’à une formation sommaire de quelques mois à Lille. Proche du régime socialiste, il avait bénéficié d’une intervention auprès d’Hervé Bourges Directeur de l’Ecole de journalisme de Lille. On comprend dès lors la perception « propagandiste » qu’il a du métier. D’abdou Diouf à Abdoulaye Wade, il est resté fidele à cette approche, faisant de la chaine publique un outil d’instrumentalisation politique.

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Aux origines d’un militantisme d’étudiant socialiste à la fin des années 70, M. Diagne n’avait de modèle et d’inspirateur que Djibo Ka, hiérarque de l’époque. L’histoire de la télévision sénégalaise retiendra de lui quelques hauts faits d’armes qui vont à l’encontre de l’éthique et du professionnalisme. On peut citer le boycott du retour au Sénégal d’Abdoulaye Wade en 1999 ou encore l’exhumation des images de la déclaration de soutien en faveur d’Abdou Diouf de feu Serigne Abdou Lahat Mbacké en plein campagne présidentielle de 2000. Plus récent encore, les sénégalais avaient fustigé la diffusion en boucle des propos d’un marabout appelant à voter pour Wade, entre les deux tours.

Ces actes posés à des fins de manipulation ont terni l’image de la télévision publique. Un autre fait à son actif, fut de vider le service public de ses grands journalistes au profit de jeunes « frais et moulus » sans expérience. Il aime rappeler à cet effet, qu’il a rajeuni la RTS, jetant l’opprobre sur des anciens non encore à la retraite contrairement à lui. Cette jeune garde ambitieuse sous ses ordres a été mise en selle, décrédibilisant davantage cette noble profession. La seule préoccupation de M. Diagne traduite dans les programmes et portée par ses protégés est le discours d’encensement, la génuflexion verbale voire la flagornerie à l’égard de tout pouvoir.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle séquence qui s’ouvre avec une demande sénégalaise de changement à tous les niveaux. La RTS n’échappera pas à ce besoin de rupture avec les vieilles pratiques dans le traitement de l’information. Une surexposition inutile des nouvelles autorités en terme d’images plus que d’actes pourrait leur être néfaste. Un Sénégal multiple, libre du regard de ses citoyens sur les actions publiques devra être de mise pour une nouvelle offre non partisane de la RTS.

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Le débat démocratique de la société politique, syndicale ou simplement intellectuelle devra être approfondi et confié à de grands journalistes. Le retour aux commandes de l’information et des émissions de ces derniers qui ont eu un parcours, un vécu et l’expérience pourrait être gage de qualité. Cela nous fera rompre avec des jeunes non encore aguerris qui jouent au « paraitre excessif » sans réelle valeur ajoutée. Ils auront le temps d’apprendre en ayant comme bréviaire cette réflexion de l’écrivain allemand Patrick Süskind « Le talent n’est presque rien et l’expérience est tout, que l’on acquiert à force de modestie et de travail ».

La nouvelle équipe de communication du Président Macky Sall devra utiliser la télévision publique avec modération. Tomber dans la « téléphagie » pour le nouveau pouvoir l’installerait dans les mêmes travers qui ont désacralisé la fonction étatique. L’action d’un gouvernement ne saurait se résumer à des séminaires, conférences et fiches d’audiences relayés à longueur de journaux télévisés. La RTS a souvent confondu une information de service public donc intéressant le plus grand nombre et la promotion individuelle de personnalités (Ministres et dignitaires).

La RTS est devenue « Rien Tous les Soirs » du fait d’un coaching de complaisance et d’un « vouloir faire plaisir » aux maitres du château de l’avenue Senghor, de ses adjuvants. Ses journaux télévisés ne semblaient plus être des modèles de standards internationaux d’éditions. Les normes de qualité et de rigueur dans le traitement de toute information n’étaient plus prises en compte. La longueur lassant des sujets traités prenait le dessus sur l’utilisation rationnelle de « l’espace journal ».

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Les nouvelles autorités éviteront soigneusement sans nul doute cette pratique qui relève d’un autre temps. Elles devront avoir pour mission de repositionner la RTS comme « label de qualité » dans le paysage audiovisuel sénégalais. Un changement d’hommes et de méthodes s’avère nécessaire pour que la télévision nationale devienne enfin cette chaine leader comme on aime à le proclamer.

 

Alioune Cissé

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