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Sénégal : Justice Et Bonne Gouvernance

Sénégal : Justice Et Bonne Gouvernance

Qu’est-ce que la justice?

Tenter une définition du concept serait audacieux de notre part mais quand on se réfère, dans une démarche récursive, à la notion de définition (définition de la définition), l’audace devient ainsi bien tolérable et tolérée. Elle (la définition) est, selon Socrate, la formulation de caractères communs aux choses, l’expression de leur essence. Mais la pluralité est de mise dans toute tentative de définition des concepts, ceux-ci s’appréhendent toujours sous l’angle du spécialiste ; le juriste, le philosophe, l’économiste, etc. compte tenu du regard qu’ils jettent sur les choses, les phénomènes, les évènements, les concepts, ne leur donnent jamais la même signification. Cette relativité, ainsi érigée au rang de principe, nous met à l’aise et nous autorise à faire un choix sur les multiples définitions de la justice et de porter le nôtre sur le point de vue islamique.

En effet, pour l’islam, la justice est le fait de faire occuper à une chose sa place légitime, de traiter de façon égale tous les individus, elle est aussi une vertu morale et un attribut de la personnalité humaine. L’égalité, qui est l’une des caractéristiques essentielles de l’islam, ne saurait être dissociée de la justice qui est une vertu morale, une qualité intrinsèque. La justice, base essentielle de l’ordre social et parce qu’elle crée un équilibre dans la répartition des droits et obligations, se confond à l’égalité mais les deux ne sont pas identiques, encore moins synonymes. L’absence d’égalité ou inégalité peut, dans certains cas, être une voie d’accès à la justice, comme le cas de l’impôt prélevé sur les revenus des riches pour être redistribuer aux pauvres. C’est aussi le cas de toutes ces théories et approches sur la discrimination positive (approche genre, parité, etc.) utilisées comme instrument de régulation sociale et de rétablissement d’équilibres.

L’islam considère comme légal tout moyen utilisé pour aboutir à la justice. Il nous prescrit la justice comme « bréviaire », et même exige de nous que nous soyons justes. Pour lui (l’islam), et relativement à la justice, la fin justifie les moyens, peu importe les chemins empruntés, l’essentiel étant d’être juste. Il nous fournit juste des lignes directrices pour y arriver mais pas de chemin précis, ni de moyens fixes, considérant que tout ce qui fait avancer la cause de la justice sans aller à l’encontre des lois islamiques est valide.

Les versets et hadiths suivants sont assez évocateurs de la place réservée à la justice dans l’islam :

« Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes, et Nous avons révélé, par leur intermédiaire, l’Écriture et la Balance, afin que les gens établissent la justice. » (Coran 57:25)

ou

« Certes, Dieu enjoint la justice, la bienfaisance et l’assistance aux proches. Et Il interdit l’indécence, l’injustice et la rébellion » (Coran 16:90)

En ce qui concerne les Hadiths, on peut retenir ceux-ci : « Il y a sept catégories de personnes que Dieu abritera sous Son ombre au Jour où il n’y aura aucune ombre à part la Sienne. L’une d’elles est un dirigeant juste. » (Sahih Mouslim)

Ou encore

« Ô Mes serviteurs! Je me suis interdit l’injustice à Moi-même, et Je vous l’ai également interdite. Ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres. » (Sahih Mouslim)

Cheikh Ahmadou Bamba, dans sa fameuse lettre au Bourba Djolof (roi du djoloff), lui disait !

« Aussi je te recommande de toujours persévérer à assister les plus faibles, les pauvres et les nécessiteux, et de ne jamais tomber dans la tyrannie et l’injustice car « tout homme injuste le regrettera fatalement un jour» et « tout tyran assurera sa propre perte ».

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Ainsi, la justice représente la rectitude morale et l’équité, et signifie que chaque chose devrait occuper sa place légitime. Cette problématique de la justice est à l’épicentre de tous les maux dont souffre notre société. Nos problèmes de développement sont simplement des problèmes de justice : Justice sociale (être juste par rapport à soi-même et juste vis-à-vis des autres), justice dans la justice (égalité de tous devant la justice), justice économique (équité dans la répartition des ressources). Une des manifestations la plus criarde de ces maux qui gangrènent notre société est la mal gouvernance.

Le Sénégal a toujours souffert et continue encore de souffrir du système de gouvernance instauré par les régimes qui se sont jusque là succédé à la tête de l’Etat depuis notre accession à la souveraineté nationale. Ce système, caractérisé par une gestion clanique et gabégique des deniers publics, une justice à deux vitesses consacrant une impunité outrageante aux membres du « clan » dirigeant et à leurs souteneurs, une mal gouvernance endémique (corruption, détournements de fonds et d’objectifs, fautes de gestion, spoliation, etc.), une négligence coupable dans la gestion des questions d’intérêt national et hautement stratégiques, et j’en passe, est comme une malédiction divine qui nous frappe et nous plonge dans un fatalisme démoralisateur.

Ces comportements de nos plus hautes autorités ont fini, sinon de détruire, du moins d’écorner sérieusement tout sentiment patriotique et toute fierté de se sentir sénégalais chez le citoyen lamda au point de rendre péjorativement chargé le terme « djiko sénégalais ». Ce sénégalais, qui rate les rendez-vous, est toujours en retard aux réunions, se dédit éhontément, capable de défendre avec la même pertinence et la même éloquence deux positions antinomiques selon qu’il est d’un bord ou d’un autre, qui clignote à droite quand il a l’intention de tourner à gauche, qui détourne les deniers publics, spolie et nargue les plus faibles, a été érigé en prototype, en modèle. Il est tout le monde sauf celui qui en parle mais en même temps tout le monde en fait référence.

Heureusement qu’un prototype est appelé à être validé, amendé ou rejeté et que les concepteurs de celui là que je viens de peindre, ont été remerciés, licenciés pour insuffisance de résultats après vingt plus vingt années de tâtonnements, d’approximations et d’essais sans jamais dépasser le niveau conceptuel, qui malgré sa pertinence ne répond qu’à la question du « quoi ». Vingt ans de « qui sommes-nous ?» durant lesquels on tente de nous faire avaler que la raison, celle là qui est discursive, n’était pas faite pour nous, réservée qu’elle est à Hélène et que nous devrions nous contenter de l’émotion qui est réservée aux nègres que nous sommes. Puis suivirent vingt autres années de « qu’est ce qu’on fait ? », et nos « génies » de trouver la réponse : Subir, encore subir, toujours subir le diktat des institutions de Breton Woods au point de se voir décerné le prix de meilleur élève. Ce n’est que vers la fin de leur règne qu’ils ont commencé à trouver leurs marques en équilibrant les finances publiques au prix de sacrifices surhumains imposés au vaillant peuple et en élaborant des programmes pour la plupart décennaux (PDEF, PDIS, PST, PAST, etc.) qu’ils n’ont pas eu, heureusement pour nous, l’occasion de mal appliquer (de toute façon c’est ce qui allait arriver).

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L’alternance, tant attendu pour l’espoir qu’il portait, a tant bien que mal réussi à parachever la résolution de l’équation du « quoi » mais n’a jamais su, pendant ses douze années de règne (le mot n’est pas fort), nous ajouter l’organisation, la planification et enfin la mise en œuvre opérationnelle en répondant aux « où, quand, comment et par qui ». Pardonnez la déformation professionnelle qui me pousse à utiliser l’approche systémique dans ma démarche analytique, tenterais-je de m’en départir que je n’y arriverais point.

La précédente équipe dirigeante a réussi la prouesse de valider le prototype peint plus haut en faisant siennes toutes ses tares caractérielles. Elle a tout de même eu le mérite d’avoir essayé (accordons lui le bénéfice du préjugé favorable au niveau de l’intention) mais ses efforts ont été noyés dans le fleuve d’une mal gouvernance qui a atteint des limites qui relèvent de l’irréel. Les détournements de deniers et d’objectifs, la corruption, le blanchiment d’argent, les surfacturations, le copinage et la concussion ont connu des niveaux jamais atteints.

L’amateurisme, le laxisme, et l’approximation ont été érigés en modèle de gouvernance. Il s’y ajoute que l’anticonformisme et les autres traits de caractère de notre précédent président, que mon éducation ne m’autorise pas de qualifier, n’ont pas été pour faciliter les choses. Pour lui il suffisait juste de meubler la galerie en créant toutes les institutions de contrôle et de surveillance et de bien légiférer pour donner l’impression de bien gouverner.

Marx, dans son étude dialectique des transformations sociales, nous enseigne que : « la société dans son développement était soumise à des lois indépendantes de la volonté des hommes mais que ces derniers, quand ils prennent conscience des ces lois, peuvent accélérer ou retarder la marche de l’histoire ». Le peuple, debout comme un seul homme, vient de désigner du doigt, sinon ses préférences, du moins ce qu’il ne veut plus voir : la manière dont il ne veut plus être gouverné, les pratiques qu’il veut à jamais bannir dans la gestion de ses affaires. Conscient de la redoutable arme dont il dispose, le pouvoir souverain de décider par sa carte d’électeur, et sachant que « Sathe boudoul raw diaroule yax ay nélaw » (ou inutile de rompre son sommeil pour un voleur déjà pris au piège et qui ne pourra pas s’échapper), le peuple attend patiemment et de manière imperturbable les élections pour jouir de son droit inaliénable, celui de sanctionner positivement ou négativement.

Au nouveau régime de lui éviter un éternel recommencement, un retour à la case départ. Il est temps, de travailler à faire nôtres les principes et règles de bonne gouvernance, de justice sociale, et économiques pour qu’enfin notre pays émerge et occupe véritablement la place qui est sienne dans le concert des nations. Il va falloir entre autres :

• Restaurer notre système de valeurs culturelles caractérisé par le Diome, le Ngor, le fite, le Doylou, le deugou, le Weer, le Dioube, etc. afin de changer le prototype imposé pour enfin positiver ce fameux « djiko sénégalais ».

• Faire de l’appartenance à l’équipe au pouvoir un sacerdoce et non une sinécure. Celui qui fête sa nomination ou son élection ou se confond dans des remerciements interminables de l’autorité devrait être immédiatement démis de ses fonctions. Si celui à qui vous venez de confier la garde d’un bien se met à se confondre en remerciements jusqu’à en avoir les larmes aux yeux, vous devez à juste raison douter de ses intentions de vous le rendre intact. Il en est de même pour celui dont la nomination oppose les autorités au plus haut niveau de l’Etat ou divise des franges entières de la société, ou provoque une levée de boucliers de la part des travailleurs qu’il est appelé à diriger. Où est sa grandeur celui-là ?

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• Instaurer un système de sanction (positive comme négative) et l’appliquer de manière équitable.

• Instaurer un système de suivi évaluation à tous les niveaux et dans tous les postes, qui sera fondé sur la définition et l’utilisation d’indicateurs de gestion. Tout nouveau nommé ou élu devra être mis dans l’obligation de faire sa baseline (situation de référence) qui consistera à renseigner les indicateurs au moment de sa prise fonction/service afin de pouvoir périodiquement en mesurer l’évolution par le biais d’évaluations périodiques.

Pour cela, permettez-moi juste de rappeler les principaux éléments pour la bonne gouvernance définis par les spécialistes :

• L’obligation de rendre compte : les administrations publiques sont capables et désireuses de montrer en quoi leurs actions et leurs décisions sont conformes à des objectifs précis et convenus.

• La transparence : l’action, les décisions et la prise de décision des administrations publiques sont, dans une certaine mesure, ouvertes à l’examen des autres secteurs de l’administration, du Parlement, de la société civile et parfois d’institutions et d’autorités extérieures.

• L’efficience et efficacité : les administrations publiques s’attachent à une production de qualité, notamment dans les services rendus aux citoyens, et veillent à ce que leurs prestations répondent à l’intention des responsables de l’action publique.

• La réceptivité : les autorités publiques ont les moyens et la flexibilité voulus pour répondre rapidement à l’évolution de la société, tiennent compte des attentes de la société civile lorsqu’elles définissent l’intérêt général et elles sont prêtes à faire l’examen critique du rôle de l’Etat.

• La prospective : les autorités publiques sont en mesure d’anticiper les problèmes qui se poseront à partir des données disponibles et des tendances observées, ainsi que d’élaborer des politiques qui tiennent compte de l’évolution des coûts et des changements prévisibles (démographiques, économiques, environnementaux, par exemple).

• La primauté du droit : les autorités publiques font appliquer les lois, la réglementation et les codes en toute égalité et en toute transparence.

Le pouvoir devra bien méditer ce discours, qu’il m’a été donné d‘entendre et que j’ai beaucoup aimé, tenu par un « y a en mariste » entre les deux tours ; s’adressant au candidat Macky il disait en substance : « Nous allons vous accompagner jusqu’au palais mais sachez qu’après vous avoir installé sur le fauteuil nous ressortirons pour vous faire face et jouer notre rôle de sentinelle ».

C’est cela à mon humble avis le véritable message du peuple, à nous (lui en premier) adressé les soirs du 19 février, du 25 mars et réitéré le premier juillet 2012.

Vivement qu’il soit reçu et bien compris pour un Sénégal enfin débarrassé de ses tares!

 

Mor Ndiaye Mbaye

Consultant en SI et base de données

morfattah@gmail.com

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