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Abondance Des Pluies: Le Paradoxe Du Monde Rural Et De La Banlieue

Abondance Des Pluies: Le Paradoxe Du Monde Rural Et De La Banlieue

Quand il pleut, la banlieue pleure et le monde rural sourit. Quand les pluies se font rares, la campagne s’évanouit et la banlieue s’épanouit. Si on analyse la situation pluviométrique du Sénégal sur les quarante dernières années, on se rend compte qu’elle est rythmée d’une alternance d’années de vaches maigres et d’années de vaches grasses : sécheresse et période à forte pluviométrie se suivent comme le jour et la nuit.

Mais l’impact de ces cycles sur les populations, selon qu’elles habitent la campagne ou la banlieue de Dakar, est terriblement contrasté.

Longtemps marquées par des sécheresses cycliques sanctionnées par une perte énorme du cheptel et l’installation d’un mal vivre chronique que d’aucuns n’ont pas hésité à appeler disette ou famine, les populations rurales se sont massivement déplacées vers la capitale pour grossir considérablement les quartiers populaires de sa banlieue.

Contrairement à cette thèse répandue qui soutient que les populations sinistrées ont choisi délibérément d’habiter dans des zones à haut risque d’inondation, la banlieue était une zone difficilement accessible du fait de son sol très sablonneux qui faisait penser aux dunes du Sahara.

D’ailleurs, on peut dire que l’histoire a bégayé dans la mesure où, ce sont les mêmes raisons d’inondations récurrentes qui avaient poussé les autorités des années soixante à déguerpir les habitants des quartiers Baye Ngaïndé, Whakhinane, Nimzatt , Colobane, Fith Mith pour les loger à Guédiawaye alors terre promise, constituée de dunes de sable à perte de vue, seulement accessible par les véhicules à carbotage. Signe des temps, la principale différence avec la cité « jaxaay» construite pour accueillir les sinistrés d’aujourd’hui, est que nos parents d’hier désinstallaient leurs pans de baraques pour les implanter eux-mêmes dans leur site de recasement.

Ce sont effectivement les facteurs conjugués d’un exode rural dicté par plusieurs années de sécheresse, d’une urbanisation accélérée et d’un changement climatique qui ont détourné les étangs d’eau de leurs lits vers de paisibles populations devenues subitement sinistrées. L’élimination des forages situés dans la zone et destinés jadis à l’approvisionnement en eau potable de la ville de Dakar, serait également un facteur déterminant dans la remontée de la nappe phréatique. A cela s’ajoutent les quantités importantes d’eau transférées depuis le lac de Guiers pour alimenter désormais la capitale.

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Avec l’avènement des inondations, les populations de la banlieue ont alors vu leur cadre de vie virer vers l’insalubrité, la promiscuité, la cohabitation avec les moustiques et leur corolaire d’épidémies. A l’image de Sisyphe, elles sont condamnées quotidiennement à l’aide de seaux, de bassines et de motopompes, à vider de leurs cours et de leurs chambres, le trop plein d’eau qui revient aussitôt après du fait d’une nappe phréatique saturée. Les habitants de Guinaw Rails oubliés dans les programmes de secours et dont une bonne partie a fini par jeter l’éponge en abandonnant tout simplement leurs maisons, ne me contrediront pas.

Aujourd’hui que les pluies reviennent, la banlieue traumatisée, déverse une partie de son trop-plein de monde vers la campagne. Ce sont le manque d’eau et la quête du bien-être qui avaient chassé les populations de la campagne vers la banlieue. Ce sont aussi des quantités d’eau excessives et l’espoir d’une réconciliation réussie avec leur milieu naturel qui les chassent à nouveau de la banlieue vers la campagne.

Mais il demeure une constante chez nous qu’avec ou sans pluie, le monde rural reste un monde pauvre.

Les agriculteurs sont-ils artisans et responsables de leur sort et de leur incapacité à s’approprier leur avenir ?

Ou bien sont-ils simplement victimes de malédiction qui les hypnotisent pour faire d’eux d’éternels nécessiteux, d’éternels assistés qui ne veulent ou qui ne peuvent point voler de leurs propres ailes ?

Quand les rigueurs climatiques imposent leur loi d’austérité de sécheresse et de famine au monde rural, on comprend aisément la stratégie de repli vers les villes pour survivre. Ce qui se comprend moins, c’est quand la nature leur dote à nouveau de ses privilèges et qu’ils ne parviennent pas à s’affranchir. A priori, l’Etat peut être indexé du fait qu’il est le premier responsable de la mise en marche du monde rural mais aussi et surtout du fait que gouverner c’est prévoir. C’est justement dans le but de rendre les agriculteurs plus professionnels, plus autonomes et plus conscients de leurs forces et de leurs capacités que l’Etat a la responsabilité de mieux les organiser. Les milliards injectés dans la subvention des semences ont plutôt enrichi d’autres acteurs du circuit de distribution du premier au dernier maillon de la chaîne sans jamais atteindre la cible principale. Le gouvernement actuel ne devrait pas jeter aux calendes grecques le projet presque mort né de regroupement et d’organisation des agriculteurs autour d’un syndicat pour une meilleure prise en charge. La bonne politique est celle qui récupère les bonnes idées même si elles proviennent d’adversaires politiques. Il urge de mettre autour d’une table le CNCR (Cadre national de concertation des ruraux), le Syndicat Japandoo et les agriculteurs de tout bord pour mettre sur place une organisation enfin apte à gérer les intérêts des producteurs agricoles. La solution aux grandes questions de l’heure, que sont principalement l’emploi et l’autosuffisance alimentaire se trouve impérativement dans le secteur agricole.

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Contrairement à ceux qui pensent à une gratuité des semences, je suis tenté de dire que l’heure a sonné pour la suppression par l’Etat de toute subvention en semence au profit de l’engrais et de l’équipement généralisé en matériel agricole. L’alternance dans le monde rural doit se traduire désormais par la mécanisation. Il appartiendra alors à l’Etat de voir à quel rythme amorcer ce virage et aux agriculteurs et organisations paysannes de constituer leurs propres réserves de semences.

L’amélioration des conditions de vie et l’augmentation des revenus du monde rural passent nécessairement par la diversification des activités de contre-saison. L’embouche bovine, l’aviculture, le maraîchage et la protection de l’environnement, sils sont menés à bien, constituent une alternative sûre pour renverser la tendance actuelle de la monoculture de l’arachide qui ne nourrit son homme que le temps d’une saison.

Prions Dieu pour que l’abondance des pluies continue de déverser ses bienfaits sur le monde rural tout en éliminant les travers ressentis dans la banlieue. En vérité, avec l’abondance des pluies, la banlieue devrait reprendre son rôle de pionnier du maraîchage urbain et périurbain qui lui permettait jadis de fournir à sa population toutes les variétés de légumes à un coût accessible.

Pour cela il faut impérativement asseoir un système de canalisation et de récupération des eaux de pluies, afin de les orienter vers la zone des Niayes et favoriser les cultures contre-saisons. Souhaitons que les visites du Premier ministre dans les zones sinistrées serve de déclic pour dissiper ce paradoxe qui veut que le gouvernement hérite toujours d’un casse-tête chinois, qu’il pleuve ou pas.

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Ainsi, les destins croisés du monde rural et de la banlieue emprunteront le même sens pour fonctionner comme deux vases communicants en faisant vivre leurs populations en toutes saisons et au gré de leurs déplacements.

Il est heureux d’apprendre que le Président de la République Macky Sall depuis Paris, entend faire de l’agriculture le moteur de la croissance économique et que son gouvernement serait sur le point de déverser une pluie de milliards dans la banlieue pour venir à bout des inondations. Vivement !

 

CHEIKH BAMBA DIOUM

bambadioum@yahoo.fr

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