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Nos Confréries Remparts Contre L’extrémisme Islamiste ? Hum !

Ce qui se passe au nord du Mali fait couler beaucoup d’encre et de salive au Sénégal. Après les devins hyper médiatisés et leurs effroyables prédictions, c’est aux spécialistes de l’islamisme de faire monter l’adrénaline. Le danger est à nos portes, s’alarme-t-on alors qu’il n’en est rien. Au Mali, des séparatistes et des « islamistes » ont atteint leur but parce que l’armée républicaine, occupée à prendre le pouvoir dans le reste du pays, les a laissés faire. Rien d’autre. Cela n’est pas envisageable au Sénégal et nous le savons tous. Par contre, de plus en plus de Sénégalais désertent nos confréries, pour se qualifier de musulmans tout court, d’« Ibaadu Raxmaan » ou autres, parce qu’ils n’y retrouvent plus l’Islam qu’ils recherchent, l’Islam du Prophète (Psl), la voie droite et claire. Il est compréhensible que cela inquiète quelques dignitaires religieux.

Un marabout a déclaré que « L’Etat ne doit pas fragiliser nos confréries qui sont des remparts contre l’extrémisme islamiste. » Les colons ont essayé de les fragiliser et n’y sont pas parvenus. Pourquoi donc se tourmenter aujourd’hui que nous avons un gouvernement composé de Sénégalais majoritairement musulmans ? Et comment l’Etat fragiliserait-il les confréries ? En fermant le robinet des privilèges et en mettant tous les citoyens sur un pied d’égalité devant la loi ? La vérité est que certains marabouts actuels ne le sont que de nom et c’est là que le bât blesse. Le pouvoir temporel, notamment sous le règne d’Abdoulaye Wade, nous a permis d’en démasquer un bon nombre qui, pour de l’argent ou des terres, ont vendu leurs âmes au diable, se servant de la religion pour monnayer leurs disciples vassalisés.

Le Sénégal est sans doute le seul pays au monde où des musulmans bafouent le premier pilier de l’islam en prêchant haut et fort, sans susciter la moindre désapprobation, mais plutôt des applaudissements, des « Ëskëy ! » et des cris hystériques, que tel fils d’Adam, venu au monde à tel endroit et inhumé en telle année à tel endroit, est Allah. C’est le seul pays où la sainteté est infiniment héréditaire et où des musulmans majeurs et bien portants sont dispensés de prier au moins cinq fois par jour et de jeûner pendant le mois de Ramadan, deuxième et quatrième piliers de l’islam. C’est le seul pays où la zakat destinée aux pauvres, troisième pilier de l’islam, est naine devant les « Adiya », dons indispensables aux marabouts dont la plupart sont des nababs rivalisant de villas, de voitures de luxe, de chaussures de marque devant lesquelles des disciples se prosternent et de belles épouses pouvant allègrement dépasser le nombre quatre permis à tout musulman autre que le Prophète (Psl).

Parmi ces femmes, il y a des pieuses cloîtrées dans des pièces climatisées et, l’exception ne confirmant pas la règle, de mondaines poupées Barbie aux « cheveux naturels », exhibées comme des trophées, outrageusement fardées, chargées de bijoux aux prix exorbitants et faisant fi des règles vestimentaires de leur religion. Le Sénégal est le seul pays où d’aucuns croient qu’un pèlerinage au fief de telle confrérie compense largement celui à la Mecque ou est plus salutaire. Des marabouts pleins aux as semblent le confirmer en parcourant le monde pour collecter des « Adiya », mais foulent aux pieds le cinquième pilier de l’islam. C’est le seul pays à avoir engendré un homme qu’il suffit de voir pour aller au paradis. Le seul pays avec, depuis des décennies, une tradition de plusieurs Korité et Tabaski, chaque clan étant convaincu que sa lune est celle de Dieu et les autres celles de Satan.

Le musulman aspire à la Face d’Allah en s’appuyant sur le Saint Coran et le modèle par excellence, le Prophète Muhammad (Psl). Les pionniers de nos confréries, hommes de Dieu que les biens matériels de ce bas monde ne fascinaient guère, ont suivi scrupuleusement cette voie et nous ont invités à les y rejoindre. Il est donc déplorable de voir des adhérents des différents groupes, souvent animés par un esprit de rivalité, se comporter comme des supporters vantant les mérites de leurs équipes ou lutteurs et tournant leurs adversaires en dérision. Ils pataugent dans l’affabulation et chacun en rajoute immodérément à sa convenance, devant le silence assourdissant de leurs autorités religieuses. D’aucuns, dopés à un obscur « Baatin » (ésotérisme) made in Sénégal, jusqu’à l’overdose, s’évertuent à éjecter Dieu de Son Trône pour y installer leurs marabouts dont les mausolées s’apparentent à des lieux de culte. « Tout ce qui existe, clament-ils, a été créé par Serigne Untel. Il est le Seigneur de l’univers, le propriétaire des âmes. C’est lui le Maître du Jour de la rétribution… Tel marabout détient la clef du paradis… Le soleil et la lune ne se lèvent qu’avec la permission de tel marabout… » Un chef religieux a même révélé à ses « millions » de disciples, et à qui veut l’entendre, que tel marabout est au-dessus du Prophète (Psl). Celui qui en doute, a intérêt à rester bouche cousue ou à s’appeler Usain Bolt pour échapper au lynchage.

Beaucoup d’entre nous croient que ce sont nos marabouts qui nous feront entrer au Paradis et que celui qui n’a pas de « Serigne » ira en enfer. Un de nos Cheikh s’est même proclamé « dernière chance pour l’humanité ». C’est à un être humain qu’on dit, juste parce qu’il est descendant ou proche d’un saint : « Jebbël naa la sama bopp aduna ak alaaxira » (Je te soumets mon être ici-bas et dans l’au-delà), et l’on n’entend jamais répondre en toute humilité : « Ecoutez, je ne peux pas vous garantir le paradis. Moi-même, je ne sais pas ce qu’on fera de moi. » ? Est-ce que ces marabouts croient qu’ils ont les pouvoirs divins qu’on leur attribue ou ont-ils peur que les « taalibe » les abandonnent ?

Certains marabouts, disons-le, n’ont pas des disciples à qui ils montrent le chemin vers Dieu, mais des milices maintenues dans l’obscurantisme qui bloquent la circulation, empêchent les gens de dormir, attaquent des journalistes, saccagent, brûlent des maisons, tuent et sèment la terreur à chaque fois que quelqu’un ose signaler leurs dérives ou citer des hadiths et versets du Coran non conformes à leurs croyances. Cela peut pousser des Sénégalais excédés à s’approcher des groupes islamistes armés ou à s’armer eux-mêmes pour se protéger ou pour riposter, voire chercher à « purifier » la religion. Le danger est là. Autrement, il n’y a pas péril en la demeure.

Pour que nos confréries soient des remparts contre l’extrémisme islamiste, il faut que nos marabouts, qui ne sont que des créatures et non des dieux ou des demi-dieux, aient un comportement irréprochable en suivant les pas de nos illustres saints qu’ils représentent, séparent le bon grain de l’ivraie et remettent de l’ordre dans les rangs. Il faut que les khalifes généraux réagissent quand des membres de leurs confréries posent des actes ou tiennent des propos aux antipodes de l’Islam dont ils se revendiquent. Qui ne dit mot consent. « Que celui d’entre vous qui voit un mal, le change par sa main. S’il ne le peut pas, qu’il le dénonce. S’il ne le peut pas, qu’il le désapprouve en son cœur car c’est la plus faible expression de la foi. »

 

Bathie Ngoye THIAM

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