Depuis une vingtaine de jours environ, un nouveau produit le« Khess Petch » a fait son apparition dans l’agglomération dakaroise, sur plus de 100 panneaux publicitaires de 12 m2. Ce produit comme son nom l’indique possède des propriétés dépigmentantes. Sa particularité résiderait dans la rapidité de ses effets d’éclaircissement de la peau.
Personne n’aurait trouvé rien à dire de cette publicité aliénante si elle était affichée dans les rues des villes antillaises comme Pointe à Pitre ou Port au Prince..
En effet chez les afro-antillais, lors de la naissance d’un bébé, toute la famille anxieuse réunie autour du berceau ne s’inquiète point de la santé de la mère et de l’enfant mais de possibles réapparitions des caractéristiques négroïdes chez le nouveau-né : nature plus ou moins épatée du nez, lèvres plus ou moins lippues, cheveux plus ou moins crépus,nature plus ou moins foncée de la peau.
C’est une véritable obsession aux Antilles d’échapper à la noirceur de sa peau, et à d’autres attributs de la « négritude » (cheveux crépus, nez épaté, lèvres épaisses) ils appellent ce complexe le chapéisme ;
Si à l’origine, il s’agissait pour les femmes esclaves, de permettre à leurs enfants d’échapper à leur condition servile en les métissant, de nos jours, c’est devenu une discrimination plus pernicieuse.
En effet, aux Antilles, il existe une véritable corrélation entre la hiérarchie sociale et la couleur de peau, un citoyen plus clair de peau aura beaucoup plus de chance de gravir les échelons de la société qu’une personne carrément noire ! De ce fait, il existe dans le vocabulaire antillais de nombreux termes pour qualifier la couleur de peau et les différents métissages ,des traits européens ou « négroïdes », des cheveux raides ou crépus, du pourcentage de sang blanc ou noir, , exemple : chabin, mulâtre, quarteron, griffe, câpre, chapé-coolie etc.
On pourrait comprendre cette étrange haine de soi, ce mécanisme psychologique pervers d’une infériorisation intériorisée des antillais qui peuvent être expliqués par leur statut de descendants d’esclaves transportés aux Amériques dans les cales des negriers.
Mais comment au Sénégal,la patrie du chantre de la négritude Leopold Sédar Senghor qui chantait « femme nue femme noire », de Cheikh Anta DIOP qu’on puisse accepter dans notre capitale cette humiliante publicité qui dévalorise tant la couleur de notre peau noire.
Le sénégalais, diola serere et wolof est connu à travers le monde comme l’un des hommes les plus noirs du monde. Seules les populations du Sud Soudan dont l’égyptologue Cheikh Anta DIOP, disait que nous sommes originaires peuvent rivaliser avec nous en termes de noirceur, de niveau élevé de taux de mélanine ;
Qui n’a pas admiré la noirceur « boongou » de certains de nos artistes, comme Khar Mbaye Madiaga, Soda Mama Fall. la noirceur « ndialabaane » de certains de nos guides religieux.
Dans les terroirs wolofs, sérères et diolas le summum de beauté et de pureté ethnique étaient l’éclat de la noirceur bleue de nuit, ils laissaient à leurs cousins peulhs le monopole de se targuer de la clarté de peau.
Si la majeure partie de nos guides religieux musulmans ou chrétiens, de nos leaders politiques comme la population ont une peau d’une noirceur de jais, on ne comprend pourquoi au niveau des médias aussi bien publics que privés, les speakerines et les animatrices de télé sont en majorité de teint clair ou khessalisees avec des faciès trahissant des origines cap verdiennes ou métisses. A la limite c’est comme si le premier des canons de beauté du Sénégal était le teint métis ou khessalisé. Quelle attitude aliénante et complexé au pays de la Teranga!
Depuis plus d’une décennie aux plus hauts sommets de l’état, des femmes ministres montrent le mauvais exemple avec leur peau complètement khessalisée; quel paradoxe que des femmes ministres chargées de la protection de la famille soient parmi les premières à aborder leur teint bicolores zébrés de taches.
Le mauvais exemple venant des tenants du pouvoir et des milieux artistiques et médiatiques, les femmes sénégalaises lambda dans leur majorité ne pouvaient échapper au fléau du Khessal.
Autant le regretté et vénéré Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh comparait le khessal à un acte de désobéissance à l’ordre divin, nous nous pouvons dire que pratiquer le khessal équivaudrait à renier l’héritage génétique de ses parents, de son ethnie et de sa race.
Amadou Bakhaw DIAW
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