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Quels Préalables Pour La Couverture Maladie Universelle Au Sénégal?

Parmi les nombreuses et séduisantes promesses du programme « Yoonu Yokkuté » de l’Alliance pour la République, figure en bonne place la couverture médicale universelle (CMU), entrant dans le cadre de la protection sociale universelle et censée résoudre le problème de l’accessibilité financière aux soins des citoyens sénégalais. Le président de la République serait même prêt à y consacrer une allocation substantielle de 90 milliards en dehors du budget actuel du ministère de la Santé. Nul doute qu’il faut se féliciter de cette volonté politique clairement manifestée par le nouveau pouvoir, laquelle constitue un préalable incontournable à l’édification patiente et méthodique d’un système de couverture maladie universelle qui, plus qu’une simple question budgétaire, s’avère être un processus extrêmement complexe, pouvant durer plusieurs années, intrinsèquement lié aux choix politiques et mêmes idéologiques, comme on a pu le constater, aux Etats Unis, avec la réforme de la santé d’Obama.

Pour relever le faible niveau de couverture du risque maladie, les nouvelles autorités auront, en effet, fort à faire face au lourd héritage des politiques de dilapidation des ressources nationales et d’ajustement structurel des précédentes décennies. Il y a aussi la gravité de la situation sanitaire des populations, le plus souvent en rapport avec la pauvreté ambiante et la non-maitrise des déterminants sociaux de la santé. Enfin, on observe l’insuffisance et la mauvaise qualité des soins dans des structures sanitaires publiques délabrées, mal équipées, très peu pourvues en ressources humaines et de moins en moins accessibles à des usagers ayant un faible pouvoir d’achat. Autant dire que la mise en place d’une couverture maladie universelle nécessite la prise en compte de toutes ces contraintes.

LE LOURD HERITAGE DES POLITIQUES CLIENTELISTES ET ANTISOCIALES

Au cours des cinquante dernières années, la protection sociale au sens large a souvent pâti d’un déficit notoire d’équité et d’efficacité des politiques sociales dans le contexte de clientélisme et de mal-gouvernance, qui a, jusqu’à présent, caractérisé les différents régimes politiques de notre pays. En effet, les politiques d’ajustement structurel de la fin des années 70, ont consacré la mort de l’Etat-Providence, ce qui avait amené les gouvernements de nombreux pays en développement, sur injonction des partenaires techniques et financiers et les organismes onusiens, tels que l’OMS et l’UNICEF, à faire de l’accessibilité aux soins de santé une priorité des politiques sanitaires.

Malheureusement, la participation communautaire à la mise en œuvre des programmes de santé, telle que préconisée par la conférence d’Alma Ata, en 1978, a souvent été réduite à une participation financière des populations à l’effort de santé, en vue de décharger l’Etat dans le cadre de ses dépenses de santé. Par ailleurs, la Réforme Hospitalière, censée permettre d’atteindre l’équilibre financier dans des structures sanitaires publiques dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie de gestion, a considérablement compromis l’accessibilité financière des hôpitaux publics. Tout se passe, comme si le recouvrement des coûts, qui n’a pas toujours été synonyme d’amélioration de la qualité des soins, prenait le pas sur une approche de partage solidaire pour l’accès aux services. Au total, malgré quelques progrès en matière de couverture sanitaire et d’amélioration du fonctionnement des structures sanitaires, l’équité dans l’accès aux soins de santé a été très souvent laissée en rade.

UN FAIBLE TAUX DE COUVERTURE DU RISQUE MALADIE

L’accessibilité financière des structures sanitaires demeure toujours problématique pour la majorité des Sénégalais, à fortiori pour les groupes vulnérables. La couverture du risque maladie et les dispositifs de prise en charge des indigents et des groupes vulnérables sont embryonnaires et dispersés entre différents acteurs.

Il est indéniable que les agents de l’Etat ou des Collectivités locales, fonctionnaires ou non fonctionnaires font figure de privilégiés, dans la mesure où ils bénéficient de formules d’assurance-maladie, attachées à leurs statuts et pour lesquelles, aucune cotisation préalable n’est demandée (abstraction faite de la fiscalité sur les salaires). La délivrance des soins se fait par le biais d’imputations budgétaires, qui couvrent 80% des frais d’hospitalisation, de consultations, des examens et analyses effectués dans toutes les structures publiques et également dans les structures privées agréées.

Peuvent également être considérés comme relativement avantagés les étudiants bénéficiaires des œuvres universitaires, les salariés d’entreprises privées ayant plus de quatre cent employés et les accidentés de la circulation à travers respectivement le Centre des Œuvres Universitaires, les services médicaux d’entreprises et la couverture du risque accident ( par les sociétés d’assurance ou le Fonds de Garantie Automobile).

D’autres dispositifs d’exemption et d’assistance en faveur de couches sociales particulières, dites vulnérables, ont été mis en place, pour leur faciliter l’accès aux soins. Il s’agit notamment de la prise en charge des personnes âgées de plus de 60 ans avec le Plan Sésame, de l’assistance aux personnes atteintes d’affections particulières (tuberculose, lèpre, VIH/SIDA, diabète, cancers, cardiopathies…), allant de la gratuité des médicaments à celle des accouchements et césariennes dans les régions de l’intérieur et la banlieue de Dakar et enfin de l’aide aux indigents (certificat d’indigence, services sociaux des hôpitaux, cas sociaux des comités de santé, secours pour frais médicaux de la Direction de l’Action Sociale…etc.

Les Institutions de Prévoyance-Maladie (I.P.M.) entrent dans le cadre des régimes d’assurance à caractère obligatoire. Elles ont été créées par la loi 75-50 du 3 Avril 1975 au bénéfice des travailleurs du secteur privé et des membres de leurs familles. La création d’une I.P.M est obligatoire pour toute entreprise employant plus de 100 personnes; celles qui en emploient moins doivent se regrouper dans une I.P.M inter-entreprises ou adhérer à une I.P.M déjà autorisée. La Caisse de Sécurité Sociale prend en charge à 100% les consultations, les médicaments, les analyses, les interventions chirurgicales et toute intervention nécessaire en cas d’accidents de travail et de maladies professionnelles, dont sont victimes les travailleurs. En outre la caisse dispose de centres de protection maternelle et infantile qui fournissent aux assurés et non assurés les prestations suivantes : consultations pré et post natales; vaccinations; récupération nutritionnelle et planning familial. Seuls les employeurs cotisent pour ces prestations.

Enfin, les mutuelles de santé, relevant des régimes contributifs volontaires, peuvent être soit des mutuelles au premier franc, soit des mutuelles dites complémentaires, socioprofessionnelles ou communautaires. Ces dernières concernent, au premier plan, les habitants des quartiers populaires dans les centres urbains et les villageois en milieu rural, qui rencontrent d’énormes difficultés à accéder aux structures de soins. Les données les plus récentes fournies par l’EDS-MICS 2010 – 2011 confirment le taux de couverture très faible des populations par les mutuelles de santé. En 2008, on comptait près de 128 mutuelles de santé réparties de façon assez inégale sur le territoire national et qui ciblaient essentiellement des travailleurs du secteur informel ou du secteur rural, à de rares et notables exceptions (mutuelle complémentaire des agents de la Fonction Publique, mutuelle des volontaires de l’Education, celle des transporteurs, TRANSVIE…).

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UNE SITUATION SANITAIRE PREOCCUPANTE

Sans occulter les succès indéniables du système sanitaire sénégalais, notamment dans la lutte contre certaines affections courantes (paludisme, sida…), il faut reconnaître que la situation d’ensemble demeure préoccupante. Selon le DSRP2, le secteur de la Santé reste caractérisé, dans notre pays, par une insuffisance en infrastructures sanitaires et sociales et en prestations de services. Le personnel de santé est insuffisant, mal réparti, peu motivé à exercer ses activités sur l’ensemble du territoire national, en particulier au niveau des zones pauvres et reculées. L’accès aux services de santé reste difficile au Sénégal, surtout en cas d’urgence. En effet, d’après l’enquête ESAM II, seuls 57,4 % des populations sont à moins de 30 minutes d’un service de santé, avec une très forte disparité entre la capitale (Dakar) et les autres localités. Ce taux est de 86,5% à Dakar contre seulement 41,2% en milieu rural, du fait notamment des difficultés de transport liées aux longues distances et à la mauvaise qualité des infrastructures routières. Plus d’un malade sur deux en ville se trouve à moins d’un kilomètre d’un service de santé, alors que pratiquement le tiers de la population rurale (32,9%) est situé à plus de 5 kilomètres d’un service de santé.

Les niveaux de mortalité infantile et juvénile sont des indicateurs pertinents pour apprécier la situation socio-économique dans un pays. Pour la période des cinq dernières années avant l’EDSV-MICS 2010-2011, le risque de mortalité infanto-juvénile, c’est-à-dire le risque de décès avant l’âge de 5 ans était de 72‰. En d’autres termes, au Sénégal, environ un enfant sur huit risque de mourir avant d’atteindre l’âge de 5 ans. Selon la Direction de la Santé Reproductive (DSR), le taux de mortalité maternelle est passé de 510 à 401 décès pour 100.000 naissances vivantes. Même si l’évolution des mortalités infantile et infanto-juvénile, au cours des 20 dernières années, met en évidence une tendance générale à la baisse des risques de décès avant 5 ans, les taux de mortalité infanto—juvénile et maternelle restent encore inquiétants, surtout au niveau des zones suburbaines et rurales. Il importe donc, encore plus qu’auparavant, de mettre l’accent sur la santé maternelle et infantile, d’établir une approche cohérente et multisectorielle des politiques consacrées à la petite enfance et aux femmes en âge de procréer, dans lesquelles l’Education au sens large joue aussi un rôle primordial.

LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ET LA MAL- GOUVERNANCE

La protection sociale universelle n’a de chances de réussir que si elle est couplée à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. En effet, les populations sénégalaises endurent, dans leur grande majorité, une pauvreté et une précarité, qui accroissent leur vulnérabilité à cause d’un manque de revenus disponibles pour faire face à des dépenses sanitaires catastrophiques ou autres évènements sociaux. Comme le montrent les résultats des enquêtes de perception de la pauvreté, l’exposition des ménages à une série de risques, peut conduire au basculement dans la pauvreté. Les risques pour les ménages et les individus identifiés peuvent être classées en deux catégories : les risques collectifs (épidémies, pluviométrie insuffisante, inondations…) et les risques individuels (maladies, blessures, accidents, invalidité, naissance, maternité, vieillesse, désagrégation familiale, décès, etc.,).

L’absence de systèmes de protection sociale est l’un des principaux facteurs de maintien des pauvres dans un cercle vicieux de pauvreté et de création de nouveaux pauvres, notamment pour les acteurs du secteur informel, constituant ainsi un frein à l’accumulation du capital et à l’investissement. En effet, les dispositifs formels de protection sociale existants, basés sur la couverture des fonctionnaires et autres salariés contre les risques, comme la caisse de sécurité sociale (CSS), les IPM, l’IPRES, le FNR, les assurances privées, les mutuelles professionnelles complémentaires, couvrent près de 15% de la population et ne concernent que les branches santé, retraite, prestations familiales. Ainsi, une grande majorité de la population (secteur informel, secteur rural, journaliers et catégories sociales vulnérables) n’est pas couverte par ces dispositifs formels et fait le plus souvent recours aux systèmes dits traditionnels de solidarité et/ou à l’assurance-maladie volontaire ou à d’autres systèmes de micro-assurance santé.

Il importe également de lever les contraintes limitant l’efficacité des politiques publiques en faveur des pauvres par l’approfondissement de la décentralisation, le développement participatif et une gouvernance réellement vertueuse, qui constitue un préalable incontournable à l’équité en santé.

NECESSITE D’AGIR SUR LES DETERMINANTS SOCIAUX DE LA SANTE

La mise en œuvre de ces programmes sanitaires intervient dans un contexte de demande sociale exacerbée, marquée par une insécurité alimentaire avérée, des défaillances fréquentes des réseaux d’approvisionnement en eau potable et en électricité, un système d’assainissement inexistant ou inadéquat, ainsi qu’une promiscuité favorisée par un mode d’habitat précaire. Ces conditions de vie catastrophiques, très répandues dans les zones rurales déshéritées, existent aussi dans les quartiers défavorisés de la capitale et les nombreux bidonvilles, dans lesquels habitent des centaines de milliers voire des millions de Sénégalais et ont une grande incidence sur leurs conditions sanitaires. Il y a donc une nécessité urgente d’agir sur les déterminants sociaux de la santé par l’amélioration de la disponibilité alimentaire des ménages, la préservation d’un cadre de vie décent, la lutte contre la dégradation de l’environnement, le développement des programmes appropriés d’éducation sanitaire et la mise en œuvre de politiques d’habitat social adéquates. Parmi les déterminants sociopolitiques de la santé figurent aussi les facteurs liés à la répartition du pouvoir, de l’argent et des ressources. Quant aux questions économiques telles que l’adoption d’une fiscalité équitable et progressive ou l’atténuation de l’impact négatif des accords économiques globaux ou régionaux sur les politiques publiques, leur maîtrise risque de se révéler plus délicate pour des décideurs adeptes du néo-libéralisme.

QUELS PREALABLES POUR LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE ?

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Il s’agit, en premier lieu d’améliorer le fonctionnement du système sanitaire national. Selon l’OMS, un système de santé qui fonctionne bien, se doit d’améliorer l’état de santé des personnes, des familles et des communautés en les protégeant contre les menaces pour leur santé et en atténuant les conséquences financières de la maladie, par un accès équitable à des soins centrés sur la personne et l’implication pleine et entière des individus et des communautés aux décisions qui touchent à leur santé et au système de santé. Il va sans dire qu’une bonne organisation et un fonctionnement adéquat du système de santé sont des préalables nécessaires à la réussite de la couverture maladie universelle.

Il s’agira, en premier lieu, d’assurer la disponibilité des ressources humaines compétentes dans toutes les structures de santé, en veillant à la satisfaction de leurs intérêts matériels et moraux. Il faudrait se départir de l’illusion populiste, consistant à vouloir faire le bonheur du peuple, en faisant abstraction des intérêts des travailleurs. Les préoccupations des usagers et des prestataires pourront être conciliés par la signature de contrats de performances entre organismes d’assurance santé et structures sanitaires. Il faudra également garantir une bonne accessibilité physique aux services de santé, en se rapprochant des normes de l’OMS pour ce qui est de la couverture en infrastructures sanitaires et en prenant en compte l’augmentation prévisible de la demande en soins induite par un meilleur accès aux services. Le relèvement des plateaux techniques, par la disponibilité des ressources matérielles de bonne qualité (équipements, médicaments, consommables…), dans toutes les structures de santé, est un impératif pour une qualité optimale des soins, en prenant en compte la sécurité des patients. Par ailleurs, l’offre de soins devrait être en adéquation avec la demande de soins, par le biais d’une carte sanitaire qui, sans distinguer le secteur public et le secteur privé, détermine les structures et les équipements nécessaires à la prise en charge des soins ainsi que leur localisation. L’opportunité et la continuité des services à tous les échelons de la pyramide sanitaire, ne pourront devenir une réalité tangible, que si les décideurs veillent à la pertinence du système d’orientation-recours, selon les échelons de la pyramide sanitaire, pour éviter l’engorgement injustifié des structures d’un certain niveau par des pathologies pouvant être prises en charge par le niveau inférieur.

Il faudra, dans un deuxième temps, s’assurer que la volonté politique affirmée en faveur de la couverture maladie universelle soit sous-tendue par un engagement sans faille en faveur de l’équité en santé, ce qui peut aller jusqu’à l’instauration d’une discrimination positive en faveur des pauvres et des personnes défavorisées, qui rencontrent le plus de difficultés pour accéder aux services de santé. Cela devrait conduire les décideurs à privilégier les soins de santé primaires, à vocation principalement préventive, qui sont mis en œuvre par les districts sanitaires et auxquels on n’a pas encore pu trouver d’alternative crédible pour fournir des soins de santé de base à la population rurale, mais aussi aux couches déshéritées en zone urbaine. On ne peut, dès lors, qu’être préoccupé par la tendance de plus en plus marquée à la commercialisation des soins de santé doublée d’une nette propension des décideurs politiques à privilégier les soins curatifs spécialisés par la création intempestive et itérative d’hôpitaux de plus ou moins grande envergure, même s’il ne s’agit aucunement de sous-estimer l’importance croissante des affections non transmissibles, qui se trouvent très souvent être des maladies à soins coûteux et qui affectent de plus en plus, l’ensemble des couches sociales.

C’est précisément pour amener le système sanitaire national à répondre de manière équilibrée, avec un bon rapport coût-efficacité à ces sollicitations diverses et parfois contradictoires, que les pouvoirs publics se doivent de jouer un rôle de régulation et d’adopter une gestion axée sur les résultats, qui recommande, à travers le Cadre de Dépenses Sectorielles à Moyen Terme (CDSMT), la mesure des résultats obtenus en fonction des ressources utilisées et l’évaluation des performances enregistrées dans le processus de production des biens et services de santé. Il faudra donc investir de manière judicieuse, pour que l’offre de services permette d’obtenir les résultats escomptés, surtout en direction de l’atteinte des OMD.

Last but least, il faudra exercer un leadership sur l’ensemble du Secteur de la Santé, y compris sa composante privée, qui en privilégiant la logique du profit gêne considérablement aussi bien la résolution des problèmes de santé pour le plus grand nombre que l’atteinte des objectifs sociaux (en particulier l’équité), par un secteur public sévèrement handicapé par le manque de moyens. Il s’agira donc de restaurer un secteur public prédominant, digne de confiance, tout en permettant l’accompagnement par un secteur libéral, qui devra agir en interrelation avec le secteur précité afin de rendre sauf un accès équitable aux soins.

De même, il faudra s’efforcer d’instaurer une bonne gouvernance sanitaire, par l’élaboration, dans le cadre de processus transparents et participatifs, d’un plan sanitaire national, qui détermine une orientation claire pour le secteur de la santé, en partant de nos réalités propres et non d’injonctions des Partenaires Techniques et Financiers, dans un souci constant du « rendre compte » (redevabilité) et d’adaptation à l’évolution des besoins.

Concernant le financement de la Santé, on note des dysfonctionnements causés par l’absence de maîtrise par les autorités sanitaires des fonds de dotation logés au niveau des collectivités locales, les normes d’allocation budgétaire favorisant les grands hôpitaux nationaux urbains au détriment des réseaux de soins de proximité, les initiatives de gratuité insuffisamment élaborées, à l’origine de la faramineuse dette hospitalière.

Les défaillances du système d’approvisionnement et de distribution des médicaments essentiels principalement au niveau de la Pharmacie Nationale d’Approvisionnement (PNA), affectent grandement la crédibilité et l’efficacité du système sanitaire, car compromettant l’accès à des médicaments essentiels, des outils de diagnostic abordables, ainsi qu’à des consommables (chirurgie, anesthésiques…), au grand dam des couches les plus modestes de notre pays.

Enfin, l’atteinte des OMD relatifs à la santé ne pourra se faire que si l’on dispose d’informations de qualité sur les problèmes de santé grâce à un système national d’informations sanitaires performants.

QUELLES REFORMES POUR LA COUVERTURE DU RISQUE MALADIE ?

Les dysfonctionnements de l’assurance maladie obligatoire devraient être corrigés, de la manière suivante :

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– Remédier au fait que les fonctionnaires doivent supporter 20% des frais de prise en charge et les médicaments et à l’impossibilité de certaines structures publiques – notamment les postes et centres de santé – d’admettre les patients porteurs d’imputations budgétaires,

– Corriger les insuffisances criardes liées à l’identification et au ciblage des indigents et groupes vulnérables ainsi qu’au déficit d’implication des communautés de base et des collectivités locales,

– Impliquer les mutuelles de santé dans la prise en charge des personnes indigentes et des groupes vulnérables (IGV), en leur faisant bénéficier ainsi d’un accès aux soins au même titre que tous les autres adhérents,

– Faire bénéficier à ces mutuelles de l’appui de divers fonds dits d’équité ou de solidarité, permettant des subventions ciblées au profit des indigents. Il en est ainsi du Fonds National de Solidarité Santé (FNSS, du Fonds de solidarité dans le cadre du DECAM (projet de mutualisation du risque maladie dans le cadre de la décentralisation), grâce à un partenariat noué entre les mutuelles de santé communautaires, les collectivités locales et l’Etat. Il y a également le Fonds d’Equité du PAMAS (Programme d’Appui au Développement de la Micro-Assurance Santé), avec la Coopération Belge, pour un appui au développement de la micro-assurance santé dans les régions de Diourbel, Fatick et Kaolack…etc.

– Relever le taux de couverture du risque maladie par le biais de l’AMO (assurance maladie obligatoire), qui est de l’ordre de 5%,

– Lutter contre l’évasion sociale importante, excluant plusieurs salariés, dont ceux bénéficiant de contrats à durée déterminée et

– Améliorer la gouvernance calamiteuse de la plupart des IPM, dont près de 33% rencontrent des difficultés financières,

– Corriger certains travers des IPM telles que le manque de coordination, le caractère désuet du cadre législatif et réglementaire, l’absence d’un cadre comptable et financier de référence, d’un manuel de procédures et de médecin-conseil…etc.

Les mutuelles complémentaires rencontrent peu de difficultés, car disposant d’une base d’adhésion plus large et d’une capacité financière importante leur permettant de fidéliser leurs adhérents, en leur offrant des garanties plus conséquentes pour ce qui concerne surtout le moyen et gros risque. C’est loin d’être le cas pour les mutuelles communautaires et professionnelles au premier franc où l’on note des dysfonctionnements persistants liés à un environnement juridique peu favorable au développement de la mutualité (pas de décret d’application), à une faiblesse de l’appui de l’Etat et à un faible taux d’adhésion de la population aux mutuelles de santé…etc. qui finit le plus souvent par provoquer la déperdition des membres et l’arrêt des prestations.

Pour améliorer l’équité en santé, il s’agira d’instaurer des pratiques équitables en matière d’emploi et de travail décent et d’initier un mécanisme viable et durable de soutien aux familles les plus défavorisées. Les Sénégalais attendent donc, avec impatience, la matérialisation des mirobolantes promesses contenues dans le programme « Yoonu Yokkuté » où il est fait mention de « la mise en place d’un programme massif de 500.000 emplois pour les 7 prochaines années », « d’une formation technique et professionnelle de qualité en adéquation avec le monde de l’emploi pour 300.000 jeunes apprentis » et de l’octroi d’allocations ou « bourses de sécurité familiale » par la création d’une Caisse Autonome de Protection Sociale Universelle (CAPSU), dont la mise en place devrait intervenir dès 2013.

CONCLUSIONS

Au Sénégal, comme dans la plupart des pays africains, l’accès aux systèmes de sécurité sociale est réservé aux travailleurs du secteur formel (patronat, fonctionnaires, salariés des entreprises et autres travailleurs du secteur formel), qui bénéficient d’un système de protection sociale de type assuranciel, c’est-à-dire basé sur un principe liant la distribution de prestations à la fiscalité ou au versement de cotisations préalables. D’autre part, des initiatives d’exemption et d’assistance mises en œuvre en faveur de couches sociales particulières, dites vulnérables relèvent de la protection sociale ?assistancielle?, conduite par l’État (État central et communes, pour l’essentiel).

Autant la protection sociale assurancielle semble avoir été le fruit d’acquis arrachés, de haute lutte, par les syndicats de travailleurs, autant l’Assistance semble conduire les démunis, qui en bénéficient, à des formes de dépendance matérielle et morale, voire d’aliénation, dont ont abusé les classes dirigeantes de notre pays pour empêcher une remise en cause de leur domination sur les masses populaires, par le biais du clientélisme politique.

Notre pays, réputé pour l’expertise de ses cadres, vit une crise multisectorielle, qui frappe, de plein fouet, les secteurs sociaux que sont l’Education et la Santé. La multiplication des fora, concertations ou assises venant s’ajouter aux innombrables mouvements d’humeur des syndicats de travailleurs ne semble pas pouvoir venir à bout des innombrables dysfonctionnements rencontrés dans ces secteurs. Rien que dans le secteur de la Santé et de l’Action Sociale, il y a eu les Assises Nationales sur la Santé tenues en juillet 2000, la concertation nationale sur le système hospitalier en octobre 2006 et les Assises Nationales de l’Action Sociale de 2008, sans qu’on puisse noter des améliorations notables dans la prise en charge médico-sociale de nos compatriotes.

C’est pourquoi, tout en saluant cette nouvelle initiative que constituent les présentes Concertations Nationales sur la Santé et l’Action Sociale, on ne peut s’empêcher d’être dubitatifs. Les craintes et réticences ne pourront être vaincues, que si les nouvelles autorités font preuve de courage et de détermination, pour opérer des ruptures radicales dans l’amélioration de la gouvernance sanitaire et le renforcement de la gestion axée sur les résultats. La promotion de la transparence dans la gestion des affaires publiques, la création d’un environnement favorable au développement des affaires (y compris, la réglementation des rapports entre les secteurs public et privé) et le respect de l’Etat de droit font partie intégrante du capital social, qui est un axe fondamental pour stimuler la croissance économique et réduire les inégalités.

Il faut dire, qu’une bonne partie de ces préoccupations a été prise en charge par les conclusions des Assises Nationales, que les nouvelles autorités gagneraient à traduire davantage en actes concrets. Cela contribuera à rendre plus crédibles les plans et programmes initiés et facilitera leur appropriation par les cibles, auxquelles, ils sont destinés.

 

Dr Mohamed Lamine LY

MEDINA – RASSMISSION

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