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Urgences à Traiter à L’aéroport L.s.s

Les récentes mesures prises par les autorités aéroportuaires ont été largement appréciées des sénégalais. Toutefois, bien d’autres changements urgents méritent d’être envisagés. En voici quelques uns.

 

 

 

 

Aussi, sans généralisation aucune, ni caricature et irrévérence, je ne peux cependant taire ces faits et éléments objectivement constatés. A l’Aéroport International Léopold Sédar Senghor, trouver un policier à l’uniforme tiré, au béret ou au képi impeccable, aux souliers lustrés, à l’allure militaire, est chose très rare. Dans bien des cas, il est regrettable de constater que la chemise bleue d’une majorité de policiers est presque totalement déteinte, virant presque sur le blanc. Certains ont curieusement de petites serviettes ou des mouchoirs suspendus au col de leur chemise, tels des étendoirs ambulants. Des auréoles jaunâtres tapissent la chemise bleue de quelques policiers, au niveau des aisselles. Dans cet espace aéroportuaire, quand on voit un fonctionnaire de police chaussées de tongues ou tcharaax ; les bas du pantalon remontés à hauteur des genoux; les manches de sa chemise retroussées jusqu’aux coudes; sans képi ou béret et les cheveux perlées de gouttelettes d’eau: c’est qu’il revient sans aucun risque de se tromper, des ablutions ou djappe. Double interrogations: où sont le respect de la fonction et le principe laïc républicain?

Par ailleurs, sans donner dans la psychologie sauvage, il y a une sorte de conflit latent qui ne dit pas son nom dans les relations feutrées entre l’administration et l’expatrié sénégalais en général d’une part, puis de l’autre, entre ce dernier et certains de ses compatriotes. Pourvoyeurs de devises, investisseurs dans leurs pays, mais surtout aidants familiaux, les expatriés ne sont considérés par certains, que comme de simples «immigrés» dans le sens péjoratif du terme. C’est-à-dire: des sénégalais de l’extérieur, occupant des fonctions dévalorisées. Pour eux, l’immigré serait en perte d’identité ou victime d’acculturation profonde et animé d’un complexe de supériorité. S’il ne manque d’être acerbe sur le pays et les comportements de certains de ses compatriotes, il est donc susceptible d’être très critique sur la façon dont les acteurs de l’aéroport mènent leur travail, en l’occurrence, les policiers. L’ensemble de ces préjugés fonctionne à l’insu du policier, qui développe des mécanismes de défenses, consistant à donner une leçon à l’impertinent immigré. Dés lors, celui qui parmi les expatriés sénégalais ou touristes, commettra l’imprudence de faire la moindre remarque à un policier, l’apprendra à ses dépends. L’humiliation sera immédiate. Toutefois, si tenté que le policer s’adonne à de la taquinerie ou de la familiarité avec certains « immigrés», c’est que la demande de cadeaux ou saarité, de gouro (cola) ou de ndenki (repas) n’est pas loin.

Les formalités de police à l’aéroportuaire sont digne de science fiction. Voici à présent de manière exhaustive, les étapes de contrôle, auxquelles le passager qui a passé 5h30 ou 8h d’avion est soumis. Durant ces étapes le voyageur est rarement aidé par le policier. Ce dernier estime que le passager est sensé connaître toute la procédure. Le primo- arrivant au Sénégal donc, néophyte de la culture locale, découvre très vite qu’un claquement sec et autoritaire des doigts du policier, signifie qu’il faut faire quelque chose d’attendue du policier : avancer, se retourner, donner, répondre….

Dans la première étape: le fonctionnaire de police effectue la vérification manuelle du passeport. Il s’intéresse à son authenticité et à sa date de validité. La désinvolture de certains policiers peut être affligeante. En effet, quelques uns font le travail sotchou ou cure dents serré entre les dents. D’autres mâchouillent sans gêne des morceaux de gouro. On en a vu un, travaillant le téléphone portable calé entre l’oreille et l’épaule.

La deuxième étape consiste au contrôle facial. Le voyageur doit savoir sans qu’on lui dise, qu’il doit fixer la caméra, pour permettre le recoupement de sa photo collée au passeport, avec son visage capté par la caméra.

La troisième étape est marquée par l’analyse des empreintes digitales. Il n’existe aucun panneau explicatif de la procédure. Certains voyageurs sans doute intimidés par toute cette sophistique ne savent quels doigts placer dans l’orifice. Excédés par leurs hésitations et leurs tâtonnements des policiers derrière la vitre – vont jusqu’à leur indiquer, quels doigts poser dans le lecteur d’empreintes digitales. Le bruit produit par le cachet violemment apposé aux passeports des voyageurs, en fait sursauter plus d’un. Ce n’est pas fini pour autant!

La quatrième étape consiste à l’examen de la fiche de débarquement. L’agent n’est guère patient avec le voyageur qui donne une adresse incomplète ou qui s’est trompé d’avoir rempli la partie réservée à l’administration. Il n’aime pas non plus, répéter, ni reformuler sa question le plus souvent posée de manière agacée sinon très autoritaire, jusqu’à friser l’engueulade parfois. Pourtant, quand le passager fait répéter au fonctionnaire de police sa question, c’est que le policier du pays -du pays de Senghor le poète- doit juste comprendre, que son interlocuteur n’est pas encore familiarisé au fort accent wolof qui teinte le français de beaucoup de sénégalais.

La dernière étape est la remise d’un fragment de la fiche de débarquement à l’agent de police souvent assit en équilibre précaire sur un tabouret, au sortir de la salle des formalités d’arrivée. Ce dernier tend la main en direction des voyageurs pour leur réclamer le reste de la fiche. Du fait de l’ambiance peut rassurante, les voyageurs sont sur le qui-vive et par reflexe évitent le bras du policier. Contrarié, mais sûr de son droit, ce dernier ne manque d’arracher de la main des voyageurs, le bout de la fiche.

Les enjeux d’une sécurité globale et non exclusivement antiterroriste : Dans un contexte de circulation intense des marchandises et où les accords de coopérations multilatérales jouant, et où les actions ONG présents dans notre pays, sont nombreuses, donner une priorité absolue à la lutte antiterroriste aéroportuaire -alors que nos frontières terrestres sont plus que perméables- est affligeant. Le danger ne vient-il que des airs? En quoi et depuis quand notre pays est-il une cible potentielle du terrorisme international? Ou cède t-on à la psychose sécuritaire mondiale?

En priorisant ce dispositif sophistiqué et multiforme de la sécurité aéroportuaire presque exclusivement orientée vers le risque terroriste, il semble qu’on néglige totalement les autres risques. C’est irresponsable! Par exemple, le contrôle des carnets de vaccination a presque disparu à l’aéroport L.S.S. Pourtant, qui peut assurer que les dévastatrices grippes occidentales, auxquelles les sénégalais ne sont pas immunisés, ne sont pas des dangers pour les populations? Par ailleurs, vue l’absence du service des eaux et forêts, qui peut confirmer que les plantes, les fleurs et les autres arbres fruitiers; introduits via l’aéroport, ne sont pas des risques éco-épidémiologiques pour notre agriculture et nos écosystèmes locaux? Qui peut également garantir que les animaux domestiques ou d’élevage également introduits au Sénégal, ne sont pas des périls zoonotiques pour les populations et notre élevage? Quels sont les dispositifs de préventions? Quels sont les scénarii de lutte des autorités contres ces périls? Bien évidement, il ne s’agit pas de rajouter d’autres contrôles à un contrôle déjà saturé, mais de soulever des incohérences et de dénoncer des exclusivités que rien ne justifie. Surtout, maintenant que l’ex-président, friand de prestiges et d’autres blasons et qui avait initié ces mesures, n’est plus là, pourquoi ne pas alléger ce dispositif surréaliste? Car pour l’heure, affalés sur leurs chaises ou entassés derrières les écrans de contrôleradiographique, la traque d’appareils électroménagers semble davantage intéresser certains services qui devraient suppléer à certains manques.

En définitive, au dela de ces initiatives de réorganisation et de la restauration de l’autorité, qui sont à féliciter, il est urgent d’initier une réflexion collective impliquant toutes les composantes de la plate forme aéroportuaire. Ce travail sérieux devra commencer par l’implication et la formation plus que nécessaire en premier chef des fonctionnaires de police et de la gendarmerie nationale qui interviennent à l’aéroport. Ces derniers, en marge de leurs missions classiques, doivent maitriser l’organisation et le fonctionnement de l’infrastructure aéroportuaire. Ils doivent être formés dans l’articulation de ces premières missions, avec les fonctions supplémentaires : d’accueil, de conseil et d’information. Dans un contexte aéroportuaire parfois tendu, ils doivent être à l’occasion, les médiateurs entre le voyageur et l’acteur aéroportuaire. Il est urgent d’envisager la formation des policiers de l’aéroport à la bonne distance relationnelle, ainsi qu’aux notions de postures et de positionnements professionnels. Une attention particulière devra être portée sur les méfaits de l’autoritarisme, mais aussi avec la prise en compte de la dimension de la subjectivité notamment les représentations et les préjugés enfouis et leur incidence dans la qualité relationnelle. Les notions de bienveillances et de bien-traitances devront être également inculquées. Il ne faudrait surtout pas oublier l’instruction à la problématique de la communication et des pratiques langagières. Une sensibilisation sur l’importance de leur position stratégique dans le dispositif et une communication sur le sens de l’intérêt commun, de l’esprit hautement patriotique, doivent être impérativement initiée. Afin de se prémunir des effets pervers de la routine, des évaluations permanentes doivent être envisagées. Mais tout cela n’a de sens et de portée, sans l’indispensable renforcement de la motivation et de l’engagement professionnel des fonctionnaires de polices de l’aéroport L.S.S. Des intéressements pécuniaires peuvent contribuer au succès et à l’efficacité de ces missions.

Il faudra désencombrer urgemment l’intérieur de l’aéroport, des pupitres inutiles mais surtout des machines de contrôle informatisé des fameux passeports numérisés de l’ancien régime, objet de scandales et qui ont fait les choux gras de la presse sénégalaise. Pourquoi ne les met-on pas en service? Si elles ne fonctionnent plus, pourquoi ne pas les réparer? Et si elles abîmées pourquoi ne les évacue t-on pas afin de libérer un aéroport déjà au maximum de son encombrement? Aussi, pourquoi des box restent désespérément inoccupés alors que les files d’attentes s’allongent?

Par rapport à tout ce qui précède, et notamment aux récents succès enregistrés dans la restauration de l’autorité au niveau des abords de l’aéroport L.S.S et qui sont à poursuivre, nos autorités ne doivent surtout pas perdre de vue, que l’anarchie et les actes multiples d’incivilités qui ont sévi dans ces lieux qui demeurent dans de très nombreux endroits et localités de notre pays, n’ont été que le dévoilement des symptômes d’un pays laissé en déliquescence par l’ancien régime et dont une grande majorité de ses citoyens -en particulier sa jeunesse- a été livrée à elle-même, sans repères mais surtout, laissée sans autorité susceptible de l’encadrer, de la former, de lui trouver un emploie. Ces jeunes, qui sont les forces de notre pays, mais malheureusement les premières victimes, sont tout simplement sous l’empire des préoccupations de survie inhérentes à un contexte socio-économique extrêmement difficile qui frappe une majorité de sénégalais. Il reste alors, à nos gouvernants actuels, afin d’éviter de créer une profonde rupture dommageable à la stabilité de notre pays, de susciter l’espoir en formant les jeunes puis les impliquer dans de vastes projets d’insertions sociales et professionnelles.

 

Pap Poûr-Méra Diop

djehuty@hotmail.fr

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