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Yoonu Yokkute : Les Paradoxes D’une Politique De Développement

Yoonu Yokkute : Les Paradoxes D’une Politique De Développement

« Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités nationales ». Charles de Gaulle

Le chemin du progrès. Tel est l’intitulé du programme de développement social et économique porté par le candidat Macky Sall et défendu actuellement par le gouvernement d’Abdoul Aziz Mbaye. Le chemin du progrès tel qu’on le conçoit dans une politique de développement associe la création de richesse et l’amélioration des conditions de vie humaine, le développement technique, social, culturel et économique. Or Yoonu Yokkute, dans son élaboration dans le programme de la coalition «macky2012 » puis de « Benno Bokk Yakaar » (BBY) et dans son application par le gouvernement d’Abdoul Mbaye, au lieu d’allier développement, au sens large, et création de richesse, risque de mettre plutôt en place une politique budgétivore génératrice de peu, voire pas de richesses. En suivant de près le travail gouvernemental et autres déclarations du chef de l’Etat, on remarque paradoxalement que la parole ne suit pas les actions.

Le principe gouvernemental du Président Macky Sall se veut sobre et efficace. Cela passe par une forte réduction du train de vie de l’Etat. Le candidat Macky Sall avait ainsi promis la mise en place « d’un Gouvernement de Rassemblement National de 25 ministres maximum ». Il aura juste fallu de sept à huit mois d’exercice du pouvoir que le président Sall fasse son « wax waxeet ». Lors du remaniement gouvernemental intervenu le 29 octobre 2012, Abdoul Mbaye se retrouve à la tête d’une équipe de 30 ministres avec portefeuille. Pour satisfaire les alliés de Benno Bokk Yakaar, le 4ième président du Sénégal s’entoure aussi, comme son prédécesseur, d’un nombre important de ministres conseillers dont les Sénégalais ont actuellement du mal à voir le rôle véritable qu’ils jouent dans l’exécutif. Cette décision du chef de l’Etat d’augmenter la taille du gouvernement est d’ailleurs faite à partir des Etats-Unis alors qu’au Sénégal, il disposait de tous les moyens de communication pour passer ce message d’une grande importance directement au peuple sans médias interposés. Avec une telle démarche, nous sommes loin de l’image d’un chef d’Etat respectueux et proche de ses administrés qu’il souhaite incarner. La suppression du sénat, nous dit-on, fait partie des mesures de réduction du train de vie de l’Etat. Or s’il n’y avait pas eu les inondations d’août-septembre dernier, des places auraient été distribuées à des amis, à des compagnons de luttes et autres alliés de BBY.

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Le Sénégal n’a aucun moyen de financer les mesures annoncées, en phase de diagnostic ou en cours d’exécution. Car toutes demandent énormément de moyens financiers sans pour autant générer des richesses. Prenons le cas de la mesure sociale phare du gouvernement consistant à la création de la Caisse Autonome de Protection Sociale Universelle (CAPSU) qui coûtera à l’Etat la somme de 120 milliards de Fcfa par an. La CAPSU prendra en charge le financement de la Bourse de Sécurité Familiale (BSF) qui s’élève à 25 milliards de Fcfa et qui concernera plus de 250 000 familles en raison de 100 000 Fcfa par an, la Bonification de Retraite estimée à 5 milliards de Fcfa par an et le système de Couverture Médicale Universelle (CMU). Pour financer la CAPSU, l’Etat compte sur les « prélèvements concertés » pour service universel dans les activités à forte rentabilité (télécoms ; industries extractives, pharmaceutiques et de tabac ; transactions financières). Or, si on ne prend que cet exemple, la plupart des industries extractives sont détenues par des multinationales dont les parts de l’Etat dans le chiffre d’affaire dépassent rarement 10%.

Autre mesure non moins importante mais aussi coûteuse que les autres est celle de la création de 30 000 emplois – de jeunes surtout – par an. Mais au regard de l’environnement économique du Sénégal, cet objectif reste un idéal. D’ailleurs – sans doute pour faire acte d’effet d’annonce – le ministère de la fonction publique du travail et des relations avec les institutions vient de lancer une campagne de recrutement de « seulement » 5 591 agents dans la fonction publique même si Macky Sall garantit que ces agents ne font pas partie des 30 000 emplois à créer pour l’année 2013. Pendant ce temps, les enseignants sont plus souvent dans la rue pour réclamer leur paie. Pendant ce temps, les agents d’hôpitaux comme Abass Ndao font grève faute de salaires et de manque de moyens de travail. Ce projet de création de 30 000 emplois a pour effet la création du Fonds de Garantie d’Investissements Prioritaires (FONGIP) entièrement financé par l’Etat.

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Un an quasiment d’exercice du pouvoir, aucune réforme de création de revenus en vue, aucune mesure de ce type annoncée par le gouvernement. Les 6 pôles de développement économique annoncés par le programme Yoonu Yokkute ne sont apparemment pas prêts à être lancés. Ce sont le Pôle Ouest-Littoral comprenant la Grande et la Petite Côte, avec les régions de Dakar et Thiès destiné à la promotion des services, des nouvelles technologies, du tourisme, des BTP, de l’industrie, le Pôle Centre (Sine-Saloum, Diourbel): Tourisme, Agriculture, Elevage, Pôle Vallée du Fleuve (Matam, Saint-Louis et Bakel) pour l’hydraulique, l’agriculture, et l’élevage et les BTP, le Pôle Sénégal Oriental (Tambacounda et Kédougou) consacré à l’agriculture, à l’élevage, à la géologie, aux mines, à l’énergie, et à l’industrie, le Pôle Sud (Ziguinchor, Kolda et Sédhiou) ayant pour points focaux l’agriculture, l’élevage, le tourisme, la menuiserie, l’ébénisterie, les services de santé et le pôle Zone Sylvo-Pastorale du Ferlo et Louga dont les axes prioritaires restent l’élevage, l’agriculture, les services et l’énergie. Ces pôles auraient en effet servi de moyens de création de ressources financières et d’une main d’œuvres qualifiée. Mais en attendant, le gouvernement se trouve obligé de recourir à l’endettement, encore à l’endettement.

 

Mamadou DIOP

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