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Le Droit Douanier Gêne Des Professionnels Du Droit

Dans son discours prononcé pour les besoins à l’occasion de la Cérémonie de la rentrée des cours et tribunaux, le Secrétaire général de la Cour d’Appel de Dakar a considéré certaines règles du code des douanes comme étant « des dispositions qui violent le droit à un procès équitable ». Il a ajouté que ce sont des « dispositions, source de chantage » sur la base desquelles les personnes « deviennent des coupables, obligés d’accepter le chantage ou d’aller en prison »

Auparavant, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats avait affirmé que le « code des douanes viole les droits fondamentaux des citoyens par une présomption de culpabilité qui s’impose au juge et neutralise les défenses ». Qu’est-ce qui gêne Monsieur le Secrétaire général de la Cour ? S’agit-il du mandat dépôt obligatoire contre les personnes sur lesquelles pèsent des présomptions irréfragables d’atteinte aux intérêts des entreprises et du Trésor public (art. 262 CD) ou de la défense faite aux juges d’excuser les contrevenants sur l’intention (art 265 CD), ou du « renversement » de la charge de la preuve. Voudriez-vous remettre en cause la définition de l’infraction douanière qui exclut l’intention des éléments constitutifs de l’infraction ?

La Direction générale des douanes et ses experts seraient plus disposés à discuter avec vous sur le fondement juridique de toute cette architecture juridique appelée « droit douanier ». Ce serait aussi une occasion pour rappeler les objectifs de recettes (réalisés à hauteur de 520 milliards en 2012 en argent frais), de lutte contre la fraude, de sécurisation de la chaîne logistique internationale de transport des marchandises etc. Il est par conséquent préférable, pour la Cour d’Appel de Dakar et l’Ordre des avocats, de participer aux travaux de réforme du code des douanes que le Service des douanes a engagés depuis plus de deux ans, en rapport avec le secteur privé.

S’agissant du Bâtonnier, tout le monde peut comprendre que les avocats éprouvent beaucoup de difficultés à interpréter et à disserter sur le contentieux douanier, tant les règles sont rigoureuses et précises. Et comme pour les hommes d’affaires, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, ceux-ci choisissent toujours la transaction douanière. Pour l’opinion publique et à l’endroit de ces illustres hommes de droit, il nous parait utile d’éclairer sur l’opportunité de maintenir le droit douanier, dans sa partie relative au contentieux, sous sa forme actuelle.

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Le droit douanier est un arsenal de règles et procédures destinées à protéger les économies des Etats.L’économie des Etats repose sur un ensemble d’entreprises de production de biens et services normalement gérées et un marché bien organisé. Celle de nos Etats se caractérise par la fragilité des entreprises et l’accès facile au marché. La moindre fraude perturbe le marché et le développement des entreprises. Les branches d’activités du sucre et des piles électriques, les huileries et autres sont toutes sur le qui-vive.

Il suffit de l’introduction de quelques tonnes de sucre ou de litres d’huile à des prix « anormaux » pour que ces entreprises ferment leurs portes. N’oublions jamais le nombre impressionnant d’entreprises en difficulté qui sont tombées en faillite suite aux libéralisations, aux normes imposées à l’étranger et aux importations frauduleuses imparables durant les années 80 à 94. Le secteur textile a totalement disparu du paysage sénégalais malgré les avantages comparatifs dont disposait le Sénégal. L’on se souvient que le marché américain était à l’époque, demandeur de « jean » fabriqué par les entreprises sénégalaises.

Il importe de préciser qu’en dehors des produits qu’elles fabriquent et commercialisent, ces entreprises entretiennent des relations d’affaires avec d’autres entreprises locales relevant de secteurs d’activités différents. Les multiples liens tissés entre ces entreprises solidifient notre tissu économique et permettent de résister aux chocs exogènes.

Le Sénégal dont l’économie est portée à plus de 50% par les services, a choisi de s’industrialiser autant que faire se peut pour rétablir les grands équilibres macro-économiques et se développer harmonieusement. Il compte entièrement sur ces entreprises pour atteindre ses objectifs. Il a évidemment laissé une place importante au commerce licite pour assurer la liaison entre la production et les consommateurs et, à titre exceptionnel, approvisionner le marché en produits non disponibles ou insuffisants. Enfin, il a accepté la libre concurrence sur le marché, sous réserve qu’elle soit loyale.

Le développement et la réussite des différents projets de ces entreprises contribuent fortement au développement du pays, mais surtout à la création et à la multiplication des emplois. Et si les gouvernements successifs du Sénégal ont placé l’emploi en tête des priorités, c’est parce qu’il permet le maintien de la stabilité politique du pays. Et c‘est pourquoi, tous les efforts sont fournis par l’administration sénégalaise pour aider les entreprises en difficulté.

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Le droit douanier que l’administration des douanes est chargé d’appliquer, protège ces entreprises et réprime sévèrement toutes les personnes qui introduisent des marchandises de fraude, présentent de fausses déclarations, s’abstiennent de rapatrier le produit de leurs exportations, se constituent des avoirs à l’étranger sans justification, toutes infractions douanières qui perturbent le marché des biens et services et anéantissent les efforts de développement des entreprises et des milliers de travailleurs sénégalais.

Des prérogatives de puissance publique y ont été prévues qui dissuadent les fraudeurs, sécurisent le marché local et encouragent les investisseurs à prendre le maximum de risques. Il s’agit du pouvoir et de l’obligation des agents des douanes de constater les infractions douanières sus indiquées. Je ne crois pas que les hommes de droit leur refuseraient cette faculté. Il importe de préciser que les commerçants et citoyens honnêtes ne commettent pas d’infractions douanières. Seuls les grands délinquants violent les règles pour gagner plus et s’abstenir de payer les impôts, droits et taxes. Il n’y a pas un seul prévenu pour infraction douanière qui n’ait pas au préalable reconnu les faits dommageables. D’ailleurs, les obligations qui pèsent sur les douaniers ainsi que leur formation leur empêchent de convoquer et de poursuivre une personne contre laquelle aucune charge n’a été relevée.

Les « compte-rendu » et procès verbaux de douanes sont vérifiés à plusieurs niveaux avant d’être signés par un minimum de deux agents. Je ne crois pas non plus qu’ils contestent la force probante attachée aux procès verbaux de douanes puisque tous les documents établis par les officiers de police judiciaire sont crus jusqu’à preuve contraire ou ont valeur de renseignement. Le serment prêté par les signataires de tels actes leur confère une primauté sur les justifications et déclarations des prévenus. Ces pratiquants du droit sont habitués à se prononcer sur la validité de tels documents.

Alors, que veulent-ils ? Doit-on protéger les grands fraudeurs et à quel prix ? Selon le Bâtonnier, le droit à un procès équitable doit être préservé. Qu’est ce qu’un procès équitable ? S’agit-il d’un procès où les parties sont placées sur le même pied ? Cela veut-il dire qu’il faut considérer l’Etat et les délinquants sur le même pied ? Concrètement, doit-on supprimer la force probante des documents douaniers et exiger des fonctionnaires qu’ils apportent des preuves de ce qu’ils constatent? Ainsi, l’avocat pourrait considérer les constats des douaniers comme des mensonges alors même que les marchandises ont été saisies et les délinquants arrêtés.

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Voulez-vous revenir sur la défense faites aux juges d’excuser le contrevenant sur la base de l’intention ? Cette interdiction est directement liée à la nature de l’infraction douanière. La prise en compte de l’intention dans la définition de l’infraction conduirait les douaniers d’abord et les juges ensuite à introduire des considérations subjectives aux moments de la constatation et de la répression de l’infraction. Elle détruirait immédiatement toute l’architecture juridique douanière. Attention !!!

Non, la douane ne veut pas aller vers l’inconnu, ce qui n’existe nulle part. La source matérielle du droit sénégalais, le droit français (du pays des libertés), a toujours exclu l’élément intentionnel de la définition de l’infraction douanière. Pourquoi plonger vers l’inconnu alors même que l’économie informelle handicape sérieusement le développement économique ? Non, la douane ne veut pas renoncer aux prérogatives de puissance publique ; elle ne veut pas supprimer le droit douanier.

Le droit douanier protège l’économie de notre pays, voire le bien-être des entreprises et des sénégalais. Mais aussi, il offre aux opérateurs économiques convaincus de fraude la possibilité de sauvegarder leurs entreprises en demandant le bénéfice de la transaction douanière. A cet effet, les poursuites judiciaires sont arrêtées sous réserve du paiement des droits et taxes et d’une amende fixée en tenant compte de la situation de l’entreprise et de l’entrepreneur. Ce n’est pas du chantage comme le qualifie le bâtonnier. C’est un mode alternatif légal de règlement des litiges douaniers dont la rapidité et la confidentialité constituent des avantages appréciables. Et généralement, à plus de 98%, les opérateurs économiques choisissent la transaction plutôt que d’aller en justice.

Pour eux, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un procès. Et pendant qu’on y est, quel est le principal reproche que font les hommes d’affaires à la Justice. Qu’est-ce qui gêne le climat des affaires au Sénégal ? La lenteur dans la résolution des conflits, la mauvaise publicité des entreprises et surtout l’insatisfaction des justiciables ne sont-elles pas souvent évoquées ? Chers frères, interrogez les tribunaux sur le nombre de dossiers de douanes pendants en justice et comparez-les aux litiges définitivement réglés. Mettons-nous tous à table et discutons franchement et sérieusement pour l’intérêt exclusif du pays. Le Sénégal et les sénégalais souffrent.

 

Colonel des douanes e.r. Ibrahima DIAGNE

Auditeur et Consultant en douane

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