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Comment L’etat Et Les Ong Ont Failli Dans La Lutte Contre L’excision Dans La Région De Kolda

Comment L’etat Et Les Ong Ont Failli Dans La Lutte Contre L’excision Dans La Région De Kolda

La répression légale et ses limites, entre arnaque, duperie et clandestinité !

Selon une enquête de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) datant de 2011, 26% des femmes sénégalaises de 15 à 49 ans sont excisées. La même étude situait ce taux à 28%, en 2005. Cependant, l’enquête révèle des disparités. La région de Kolda au cœur du Fouladou affiche un taux de 85% de femmes excisées.

L’excision est une pratique illégale sur l’ensemble du territoire sénégalais depuis décembre 1999. C’est l’Article 299 du code pénal sénégalais qui criminalise les Mutilations génitales féminines. Il s’inspire notamment des recommandations issues de la conférence du Caire sur la population et le développement, tenue en 1994, et la quatrième conférence mondiale des femmes qui s’est tenue à Beijing en 1995. Les peines prévues peuvent aller de deux à cinq années de prison voire la perpétuité. Dans la région de Kolda, le dernier procès lié à cette pratique remonte en 2007.

Mais cela semble loin d’intimider les nombreuses exciseuses, même si c’est dans la clandestinité qu’elles exercent la pratique de nos jours. Dans la clandestinité elles gagnent plus maintenant. Les exciseuses ont augmenté le prix pour exciser les petites filles parfois au berceau. Cette persistance relève à la fois des croyances religieuses et culturelle. Les réticences de certaines familles ont fait passer l’excision dans la clandestinité. Dans les communautés il y a de vieilles mamans qui ont encore des pouvoirs de décisions sur les familles. Ce sont celles-là qui sont dépositaires de la tradition par rapport à cette pratique. Parfois à l’insu de la maman et du papa, elles excisent les enfants de manière clandestine. Une réalité qui met en péril l’objectif affiché des autorités de venir à bout de l’excision d’ici 2015.

L’excision est une pratique culturelle aux origines lointaines puisqu’elle proviendrait de l’Egypte des pharaons et se serait ensuite étendue à l’Afrique noire. On ne vient pas la régler en deux ou trois secondes et partir. Le projet de loi avant d’être adopté avait à l’époque suscité beaucoup de débat en conseil des ministres et plus tard à l’Assemblée nationale. Les conséquences de l’excision avaient poussé à l’époque le gouvernement à adopter cette loi. Beaucoup de médecins, d’organismes et d’Ong ont alerté sur les conséquences néfastes sur la santé des jeunes filles excisées. Il fallait adopter la loi mais pour son application effective il fallait attendre pour mieux sensibiliser et informer les populations sur les dangers de cette pratique, surtout pour les sociétés qui sont concernées. Mais officiellement cela n’a pas été fait. Il n’y a pas eu un vaste programme de sensibilisation avant l’adoption de la loi interdisant l’excision. C’est dès le début de la lutte contre cette pratique que l’Etat du Sénégal et ses partenaires ont véritablement péché.

L’adage dit que nul n’est sensé ignoré la loi. Mais en réalité toutes les populations rurales ne sont pas au courant des lois votées à l’Assemblée nationale. La preuve, jusqu’en novembre 2012 il y a des exciseuses dans le Fouladou qui disent n’être pas au courant de l’existence d’une loi qui criminalise la pratique des mutilations génitales féminines ou excision. Nos frontières sont perméables dans le pathiana par exemple, zone frontalière à la Guinée Bissau dans ce pays, comme la Gambie, l’excision n’est pas interdite. Certaines familles amènent leurs enfants dans ces pays pour les besoins de l’excision. Au lieu de réprimer, l’Etat devait plutôt sensibiliser les populations de cette localité.

Mais la décision d’interdire la pratique a été prise dans la précipitation sous le régime du président Abdou Diouf. C’est une pratique qui se fait dans la cachette et malheureusement les autorités locales n’ont pas les moyens d’assurer le suivi pour vérifier sur le terrain si en réalité les populations ont abandonné la pratique après les nombreuses déclarations verbales d’abandon de l’excision, organisées le plus souvent par les Ong locales et internationales. L’administration locale profite des cérémonies d’abandon de l’excision organisées par ces structures pour sensibiliser les populations, faute de moyens. Le gouvernement du Sénégal semble fléchir face à la détermination des foyers déterminés à poursuivre cette pratique. Les populations ne prennent même pas très au sérieux les acteurs de la lutte contre l’excision qui n’organisent que des déclarations d’intentions.

Depuis 1999 plusieurs organisations et projets s’activent dans la sensibilisation contre la pratique des Mutilations génitales féminines (Mgf) dans la région de Kolda. En dépit de cet activisme, l’excision est plus que jamais pratiquée dans cette partie sud du pays. C’est qu’il y a beaucoup de folklore lors des cérémonies de déclarations publiques d’abandon de l’excision. A l’occasion des cérémonies des ‘’exciseuses’’ sont invitées à venir déposer leur (s) couteau (x) pour dire qu’elles ont abandonné la pratique. En réalité, les exciseuses utilisent également des lames de rasoir que personne ne voit à l’occasion de ces cérémonies.

Sur le terrain il est clair que certaines d’entre elles n’ont jamais excisé et ne savent même pas comment attraper un couteau ou une lame pour coûter le clitoris, les petites ou les grandes lèvres. Ce qui se passe en réalité, selon plusieurs observateurs, c’est que les populations prennent part à ces cérémonies juste moyennant quelques billets de Cfa, mais aussitôt le dos tourné, elles retournent à leurs pratiques. Une vaste opération d’arnaque. La lutte contre l’excision est devenue un fond de commerce dans la région de Kolda. Il se dit également que dans la localité les Ong et autres associations locales ‘’fabriquent’’ des exciseuses.

Ces déclarations publiques d’abandon de l’excision sont faites à grand renfort de couverture médiatique. Elles invitent la presse, filmée, audio. C’est juste des opérations de charme des Ong et autres associations en direction de leurs bailleurs. Une seule déclaration peut coûter plus d’un million de Francs CFA pour les besoins du transport et la restauration des participants à une cérémonie de déclaration d’abandon de l’excision. C’est de grandes manifestations. Les Ong ont reçu des financements pour intervenir dans ces activités. Du coup, on en fait de grandes manifestations pour justifier où l’argent a été dépensé même s’il faut reconnaitre que cela n’a pas servit à grand-chose.

L’Ong américaine, Tostan appuyée par l’UNICEF et le Gouvernement du Sénégal, qui a comme principal bailleur, l’Unicef, intervient dans les trois départements de la région, Kolda, Vélingara et Médina Yoro Foulah. Des déclarations d’abandon de l’excision, l’Ong en a organisé plusieurs. Une seule cérémonie peut coûter plus d’un million de Francs CFA. Une manne financière importante dans des zones pauvres sans que Tostan/Kolda n’ait une idée exacte de l’évolution de la situation.

Voilà pourquoi dans le Fouladou, ce bastion culturel de l’excision, la lutte contre la pratique des mutilations génitales féminines n’est certainement pas gagnée d’avance. C’est qu’aussi Tostan, il faut le souligner qui a quand même le mérite de sensibiliser les populations contre l’excision fait face à une forte résistance. Dans les cités religieuses, comme Médina Gounass les acteurs de la lutte contre l’excision se heurtent souvent à la puissance des marabouts. Dans le département de Médina Yoro Foula il y a de grosses concentrations de villages traditionnels et les chefs traditionnels refusent encore d’abandonner de l’excision. Les mutilations génitales féminines se feront sans crainte.

En effet, nous découvrons aussi des bizarreries. Dans la commune de Kolda des exciseuses révèlent que des personnes en quêtent de gloire recherchent le clitoris coupé chez les petites filles. A ce rythme nous pouvons dire sans risques de nous tromper que l’objectif du Sénégal d’éradiquer totalement la pratique de l’excision d’ici 2015 n’est qu’un simple mirage.

 

Demba DIAO

Journaliste : e-mail : toumango@gmail.com

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