Depuis quelques années déjà, une personnalité de la scène politique sénégalaise est montée au créneau pour monter une association dénommée « les porteurs de pancartes ».
En la circonstance, le fait est en rapport direct avec la tournée du général de Gaulle en Afrique française. Le chef de l’Etat français que les évènements d’Alger en Mai 1958 ont propulsé à la première charge de la république française a décidé d’un voyage en Afrique pour vendre son projet de « Communauté française ». Un long périple qui le conduit à Dakar en Août 1958 après qu’il ait fait au paravent plusieurs capitales africaines dont Conakry, Abidjan, Brazzaville, etc.
Me Mbaye Jacques DIOP puisque c’est de ce personnage politique que nous parlons, se présente aujourd’hui comme « Homme » organisateur au premier chef de la manifestation de la place Protêt, actuelle place de l’Indépendance. Pour l’histoire, rappelons que cette manifestation a été largement dominée par les voix défavorables au projet du chef du gouvernement français venu vendre son projet de communauté « franco-africaine » à ses colonies.
Donc, pour Me Mbaye Jacques DIOP, cet accueil mémorable de la place Protêt est son œuvre et il en est particulièrement fier au point de mettre en place non seulement une association à son goût mais, même créer aujourd’hui des « diplômes d’honneur ».
L’homme est véritablement un cas si l’on analyse froidement et historiquement son « œuvre » car on aura beaucoup de mal à saisir d’abord dans quel cadre politique il est le chef de ces porteurs de pancartes. En effet, Me est bien un des responsables de la jeunesse de son parti politique en l’occurrence BPS (Bloc Populaire Sénégalais) à partir de Août 1956 et UPS (Union Progressiste Sénégalaise) à partir de Mars 1958.
Est-il utile de le rappeler, cette formation politique est celle de Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Me Lamine Guéye, etc. c’est-à-dire ces dirigeants politiques dont l’attachement à Paris ne fait l’ombre d’aucun doute au regard de leur trajectoire passée, présente – au moment de cette tournée – et future c’est-à-dire au moment où notre pays, par la force des choses, accède à l’indépendance en 1960. Ces dirigeants politiques ne sont-ils pas considérés par divers milieux comme ayant largement aidé à jardiner les intérêts du colonisateur ?
Me Mbaye Jacques Diop est donc responsable au moment des faits, de la jeunesse de ce parti politique senghorien qui n’a jamais esquissé véritablement une action réelle contre la domination coloniale. L’une des preuves évidentes de cette situation est que LSS comme Mamadou Dia ont fait déjà comprendre, depuis que de Gaulle a annoncé son projet de visite en Afrique française c’est-à-dire en Juillet 1958, qu’ils ne seront pas à Dakar pour accueillir le Chef du gouvernement français, très probablement de crainte d’être en désaccord profond et total avec
les forces politiques du pays largement opposées à tout maintien du système de domination coloniale.
Incontestablement, ce sont bien ces forces qui sont les porteurs de pancartes, titre que Me Mbaye Jacques (Duclos) Diop, tient à s’approprier contrairement à la réalité des faits et nous pouvons même dire de façon honteuse.
Depuis le lancement de l’idée d’une tournée de de Gaulle en Afrique française, en Juillet 1958, les cercles dirigeants de Paris savent à quoi s’attendre à Dakar, lors du séjour du Général. Du reste, la modification du projet dont le sens initial était Dakar, Conakry puis Abidjan, Brazzaville et Madagascar s’expliquait bien, si l’on croit Jacques Foccart que personne ne peut soupçonner d’être défavorable aux hommes politiques africains de l’époque proches du pouvoir à l’Elysée, par le fait qu’il ait dissuadé de Gaulle pour lui faire adopter le sens contraire. Lui-même explique absolument pour faire le voyage dans ce sens. Pour Foccart – qui réussit après tout à convaincre de Gaulle – « les premiers pays visités dans le sens que vous prévoyez, sont assez opposés à l’idée de Communauté. C’est le cas au Sénégal où il y a eu un parti favorable à l’indépendance, le PAI, assez puissant et où, de plus LSS et Dia manquent tout à fait de courage en la matière, puisqu’ils ont déjà fait savoir l’un et l’autre qu’ils seraient absents. »
Jacques Foccart qui ne manque pas de poids dans la politique française de l’époque, en proposant pour ne pas dire imposant sa vision des choses à de Gaulle, c’est pour éviter tout effet de boule de neige car Dakar et Conakry pouvaient jouer un rôle « négatif » sur les autres étapes du périple, en des termes plus faciles à comprendre, il faut éviter que Dakar et Conakry influencent dans le sens opposé au projet. Voir ouvrage : « le non de la Guinée » (1958) cahier d’Afrique n°25, l’Harmattan.p.84
Bref, encore ce Dimanche 31 Mars 2013 lors d’une émission dont il était l’invité sur les antennes d’une des radios de la place à Dakar, Me Mbaye Jacques Diop n’a même pas cru devoir citer le PAI (Parti Africain de l’Indépendance) dans cette folle journée que Dakar a connue le 26 Août 1958 lorsque de Gaulle foule le sol de cette ville. Les porteurs de pancartes, pour lui, c’est la jeunesse de l’UPS qui les a organisés et surtout lui, le Secrétaire à l’Organisation et à la propagande.
Pour Me (Duclos) Diop, depuis 5 heures du matin, ses hommes du MJUPS ont occupé tous les points stratégiques que le cortège du Général doit emprunter. La place de l’indépendance – à l’époque Protêt – ne fait pas exception bien au contraire. Et donc les cris « Indépendance », « Momsarew », etc. ne fusaient que de ses hommes.
Dommage pour ce Me. L’histoire n’a pas retenu cette « vérité » car même l’Etat-major de l’armée de l’AOF que personne ne peut soupçonner de connivence avec le PAI, chiffre à 4.000 les effectifs dans la presqu’île du Cap-vert et indique que son influence est très grande. Dans son
document de renseignement, l’Etat-major note dans un rapport de 7 pages, dans sa fiche 42 pour l’année 1958, en rapport avec la tournée de de Gaulle, en parlant du PAI et du PRA : « les partis extrémistes, véritable pool de subversion, ont montré, en Août et Septembre 1958, qu’ils peuvent menacer sérieusement l’ordre public… et peuvent se livrer au terrorisme urbain. »
Et l’Etat-major de l’AOF d’indiquer que les journaux du PAI, tirant pour 4.000 exemplaires pour l’organe central « la Lutte » et 2.000 pour l’organe territorial « Momsarew ». En conséquence de cette situation d’opposition totale et conséquente du PAI à l’administration coloniale, l’Etat-major d’AOF n’a pas manqué de lister tous les responsables de cette formation et probablement avec les adresses exactes des domiciles, les structures et même les déplacements dans ce qu’ils appellent le « rideau de fer ».
L’Etat-major envisage même, la perspective de couper la presqu’île du Cap-vert de reste du pays à partir de Mbao si les forces subversives entraient en action (emplacement actuelle de la LGI). Dans ce rapport de l’Etat-major, l’UPS n’a droit qu’à une seule page contre 07 consacrées au PAI et au PRA, ce qui nous amène à comprendre que le parti du Me Mbaye Jacques Diop et surtout son mouvement de jeunesse n’ont représenté, face à l’arrivée du Général, aucun intérêt particulier. En somme l’ennemi du PAI ne considère pas le MJUPS comme acteur d’une manière ou d’une autre, dans cet accueil mouvementé de de Gaulle à Dakar.
Si on s’en tient au simple débat historique, voila des faits qui ne peuvent pas être travestis. L’UPS n’a jamais donné consigne de recevoir de Gaulle par des « Indépendance, Momsarew ». Comment sa jeunesse pourrait en prendre l’initiative ? Si l’on sait que dès début Octobre 1958, réunie à Rufisque, la direction de ce parti politique n’a sanctionné aucun de ses militants pour action « subversive » preuve qu’elle n’en a pas identifié dans ses rangs.
Alors, il serait intéressant que Me Diop nous dise, lui le responsable à l’organisation et à la propagande, membre du bureau politique et aussi du Comité Directeur, s’il a rendu compte, à l’occasion de ces assises de son parti, de l’activité de « porteurs de pancartes qu’il a déployée avec le MJUPS et partant quelle a été la réaction des hauts responsables même du parti.
Depuis des années déjà, d’anciens hauts responsables du PAI n’ont cessé de rétablir la vérité sur cette question des véritables porteurs de pancartes par des contributions multiples dans la presse et aussi par des publications.
Et pourtant, le faussaire continue de plus belle son action. Quelles en sont ses véritables motivations? L’histoire qui ne se laisse jamais berner, répondra objectivement à la question. Car ce qui est sûr, c’est qu’elle ne se trompe jamais. Me Mbaye Jacques (Duclos) Diop perd certainement son temps et sa véritable personnalité et les raisons réelles de cette action de faussaire apparaîtront dans une vérité sure demain.
Cheikh Faty FAYE
Professeur