Et si l’exposition internationale de DAK’ART 2014 : la Biennale de l’art africain contemporain, la plus grande manifestation dédiée aux Arts plastiques sur le Continent, était présentée dans un Musée Dynamique réhabilité, comme un signal fort du Président Macky SALL pour un renouvellement et une redynamisation de la politique nationale d’éducation artistique du public ?
« Le plus grand scandale culturel du Sénégal qui, logiquement, aujourd’hui, doit finir, par déranger le Président Macky SALL »
« Lu sotti rek, am borom »[1]
Nous n’oublierons jamais ce diction wolof bien connu que nous avez servi un jour le doyen Eddje Diop (+)[2] en arrivant au Musée Dynamique, où il nous a trouvé dans la cour en compagnie d’ouvriers, de manœuvres et d’agents de maintenance et de mon ami de toujours Joe Ramangel Issa Samb dit Joe Ouakam, nous affairant dans tous les sens autour des travaux de désherbage, de nettoyage et de réfection de l’institution, alors que nous venions, deux mois auparavant, de prendre fonction en qualité de son Conservateur en Chef.
Dire qu’après le départ volontaire du pouvoir du Président Léopold Sédar Senghor en 1980, la fermeture du Centre Africain de Perfectionnement et de Recherches des Interprètes des Arts du Spectacle Mudra-Afrique (un autre Musée Dynamique) en décembre 1982, créé sous la supervision du grand chorégraphe franco-sénégalais Maurice BEJARD, et où un travail remarquable et remarqué de notre amie Germaine ACOGNY a permis, depuis, à la danse africaine contemporaine de connaître un rayonnement planétaire, l’édifice du Musée Dynamique originel était resté là planté dans la Baie de Soumbédioune comme une grande sculpture que personne ne se donnait plus la peine d’admirer parce qu’envahi de toutes parts par de hautes herbes et la poussière, et qu’il était même en passe de devenir un grand dépotoir d’ordures de toutes sortes.
Après notre nomination en qualité de Conservateur en Chef, nous nous sommes employé, de toutes nos forces, à restituer à ce grand Témoin du Premier Festival Mondial des Arts Nègres tout son lustre d’antan, avec, bien sûr, le soutien, d’abord, de Monsieur Joseph Mathiam, le Ministre de la Culture, ensuite, de son remplaçant Monsieur Abdel Kader Fall, et enfin de Monsieur Makhily Gassama, sans oublier notre réseau d’amis à travers les divers secteurs de l’administration, des artistes plasticiens et de nombreux intellectuels.
Très vite le Musée Dynamique est redevenu le haut lieu de visites de hautes personnalités (Le Président Abdou Diouf et son épouse, Paul Okumba d’Okwasègué S.G. de l’ACCT, Jack Lang ministre de la Culture et des Grands Travaux de la France, Mme Danièle Mitterrand, des Ambassadeurs accrédités au Sénégal,…), de rencontres d’artistes et d’hommes de culture autour de grandes manifestations et d’expositions où les vernissages se suivaient à un rythme respectable. L’institution attirait de plus en plus l’attention des hommes de culture, des animateurs des différents secteurs artistiques, des universitaires, des hommes politiques de notre pays.
En renouant avec la tradition des Grands Salons des Artistes Sénégalais présidé par le Chef de l’Etat, le Musée Dynamique venait ainsi de rétablir son continuum historique à la grande satisfaction de tous ses Amis qui avaient d’ailleurs décidé de formaliser la naissance de leur Association.
Malheureusement cette nouvelle dynamique des actions d’éducation artistique du public, un impératif dans toute politique culturelle nationale qui se respecte, ne sera que de courte durée avec la fermeture brutale, en mai 1988, du Musée Dynamique suite à l’affectation, sans aucune note administrative, de son édifice à la Cour Suprême, et de l’expulsion manu militari des membres du personnel et de tout ce que contenait l’institution.
Nous nous sommes déjà largement expliqués sur les tenants et les aboutissants de cette opération scandaleuse à plus d’un titre, pour qu’il soit encore nécessaire d’y revenir.[3]
Cette absence d’une quelconque note administrative affectant au Ministère de la Justice l’édifice du Musée Dynamique, qui relevait du Ministère de la Culture depuis son inauguration le 31 mars 1966, à la veille du Premier Festival Mondial des Arts Nègres, allait nous fournir le prétexte pour faire un peu de la résistance face à ce déménagement commandé verbalement, qui allait consacrer, on ne sait pour combien de temps, la distraction de cette prestigieuse institution de sa vocation première, unique, et légitime.
Nous le savons, les aménagements effectués à l’époque pour y installer « inconfortablement » la Cour Suprême ont coûtés un peu plus d’Un Milliard de nos francs. Alors qu’avec la même somme, un édifice doté d’un programme architectural défini par nos magistrats aurait pu être construit. Quel gâchis !
Suite à l’Appel que nous avions lancé à S.E.M. Abdou Diouf Président de la République, à l’occasion de DAK ’ ART 92 : la Biennale Internationale des Arts, pour un rétablissement du Musée Dynamique, Appel qui était signé par l’écrasante majorité des participants à cette manifestation (artistes, critiques d’art, conservateurs de musée, journalistes, galeristes, collectionneurs, etc.), et après avoir réaffirmé lors de son message à la Nation du 3 avril 1995, parlant de la Culture, que : « En ma qualité de Protecteur des Arts et des Lettres, je veillerai à ce que la Culture, toujours, continue d’éclairer notre , chemin », le Président Diouf annonçait au cors du Conseil des ministres du mardi 12 mars 1996 que : «Le Musée Dynamique va être rétabli dans sa vocation première et rendu au Ministère de la Culture dès achèvement des travaux de construction du nouveau Palais de justice qui sera érigé sur l’ancien site du Camp Lat-Dior ».
Malheureusement, le nouveau Palais de justice a été inauguré et nous attendons toujours que la Cour Suprême quitte le Musée Dynamique. N.B. : Le terrain nu, sis en face de ce nouveau Palais de justice, pourrait bien abriter un édifice destiné à abriter la Cour Suprême avec un programme architectural adéquat.
Il revient aujourd’hui au Président Macky Sall, le 4ème Président de notre pays, fort de la légitimité incontestable que lui a donné souverainement le Peuple sénégalais le 25 mars 2012, de rétablir à nouveau le continuum historique de ce grand « Temple des Arts » unique sur le Continent africain, à la veille de la 11ème édition de DAK’ART : la Biennale de l’Art Africain Contemporain prévue du 9 mai au 8 juin 2014. Nous le lui demandons solennellement au nom de tous les intellectuels et acteurs du monde artistique de notre pays et du Continent africain.
En construisant le Musée Dynamique, œuvre des architectes M. Chesneau et J. Verola, le Premier Gouvernement du Sénégal post – indépendance, constate le doyen Mamadou Seyni M’Bengue,[4] dans la Politique culturelle du Sénégal : « a fait un effort considérable [et de pionnier] pour doter sa capitale d’un édifice répondant à toutes les exigences de la muséographie moderne ».
Comment donc, dans un pays comme le Sénégal, peut-on se résigner à accepter, sans broncher, et sans élever la voix, la fermeture définitive d’une institution culturelle de la dimension du Musée Dynamique ? Ses premiers plans, nous le savons, remontent à décembre 1963, à un moment où, dans la plupart des pays africains, personne ne pensait encore à la réalisation d’infrastructures culturelles de cette dimension. Comment peut-on vouloir rayer définitivement de notre mémoire individuelle et collective la contribution remarquable et remarquée, même par la communauté internationale, ce que le Musée Dynamique a déjà apporté dans le rayonnement culturel de notre pays, le Sénégal ? Le Président Léopold Sédar Senghor, jusqu’à sa disparition, a toujours porté une affectueuse attention à ce Grand Témoin du Premier Festival Mondial des Arts Nègres, tel qu’il l’avait lui-même baptisé. Nous le savons tous, et il n’a jamais cessé de nous le rappeler : « la Culture doit toujours être au début et à la fin de tout développement ».
Nous voulons redire ici au Président Macky Sall, le nouveau Protecteur des Arts et des Lettres de notre pays, ce que nous avions déjà dit à propos de DAK’ART : la Biennale de l’art africain contemporain, « la Panafricaine des arts plastiques », au Président Abdou Diouf, lors de la cérémonie d’inauguration de la manifestation, le 9 mai 1996 au Théâtre National Daniel Sorano :
« C’est à la politique originale, clairvoyante et dynamique que vous avez définie pour notre pays, et au rôle de pionnier que le Sénégal a toujours joué dans la promotion des artistes du continent, depuis le Premier Festival Mondial des Arts Nègres de 1966, que nous devons DAK’ART : la Biennale de l’Art africain contemporain qui nous réunis aujourd’hui. Instrument de l’intégration africaine dans la perspective du marché commun culturel africain, la Biennale de Dakar se veut essentiellement une plate-forme d’accès des artistes plasticiens du continent au marché international de l’art, à travers un Marché des Arts Plastiques Africains (MAPA) que nous voulons organiser et systématiser ici à Dakar, en collaboration avec les autorités communales de notre capitale, et avec le soutien de la coopération bilatérale et multilatérale, et de tous les partenaires au développement au niveau national et international ».
Monsieur Le Président Macky Sall, DAK’ART 2014 vous offre donc une très belle occasion pour lancer le rétablissement du Musée Dynamique dans sa vocation première, normale, originelle et légitime, afin que le défunt Poète-Président Léopold Sédar Senghor, qui l’avait voulu sous la forme d’un Temple péristyle grec, puisse enfin reposer en paix sur cette Terre africaine du Sénégal.
Pour son promoteur, le Président Léopold Sédar SENGHOR, le Musée Dynamique tire son nom du fait que : « Toute manifestation d’art est collective, faite pour tous avec la participation de tous. Les Arts, et plus particulièrement en Afrique, sont fonctionnels et collectifs ». S’il s’agit de musique ou de danse, il est facile de concevoir cet aspect « dynamique » des Arts, mais le problème devient plus complexe si l’on se réfère aux Arts plastiques, peinture et sculpture, disait André Terrisse son conseiller culturel.
Le Musée Dynamique était donc destiné à devenir la plus grande Galerie moderne d’exposition du Continent, et sa vocation devait être un moyen puissant d’éducation artistique et d’échanges culturels. Le Musée Dynamique devait aussi s’affirmer comme la tête de pont, enfin jetée, entre l’Occident, l’Orient et le Monde Noir, comme le point d’osmose entre les Valeurs spécifiques de la Négritude et de la Civilisation de l’Universel, et enfin, comme un animateur « dynamique » du Dialogue des civilisations auquel notre pays se doit de s’attacher profondément ; car « Pays poreux au souffle fécondant des apports extérieurs, le Sénégal – disait encore le Président L.S. Senghor – entend se situer au niveau le plus fort du dialogue des cultures et de l’auto – compréhension des hommes ».
Pour les hautes Autorités de notre pays : «Le Sénégal se doit aussi, malgré les impératifs contraignants de son redressement économique et financier, de mettre en évidence sa Culture et d’en accroître en priorité, les expressions les plus représentatives de son originalité.
La définition d’une politique culturelle qui soit le reflet de notre authenticité et la mise sur pied d’infrastructures fonctionnelles propres à l’application de cette politique, sont un pari que le Sénégal a toujours voulu tenir. D’abord, parce que c’est sa vocation, et ensuite parce que c’est sa mission ».
Personne ne pourra jamais rayer de notre mémoire individuelle et collective que, c’est à cause, notamment, de la grande qualité de ses divers éléments architectoniques et muséographiques, que seul le Musée Dynamique, sur tout le Continent africain, a permis à notre pays seul, d’avoir eu le privilège d’abriter des expositions prestigieuses telles que :
-Avril 1966 :« l’Art Nègre : sources, évolutions et expansion », la plus grande et plus importante exposition d’Art Nègre jamais réalisée dans toute l’histoire mondiale de la muséographie ; exposition réalisée dans le cadre du Premier Festival Mondial des Arts Nègres inaugurée par S.E.M. Léopold Sédar Senghor, Président de la République, en présence de nombreuses personnalités étatiques, politiques, artistiques, culturelles et scientifiques venues de tous les Continents.
-Décembre 1966 -1967 : « Témoins des Temps passés ». Exposition sur l’histoire du Sénégal inaugurée par S.E.M. Modibo Keïta, Président de la République du Mali et S.E.M. Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal.
-1967 : « Préhistoire de l’Ouest – africain » Exposition réalisée dans le cadre du Congrès panafricain de Préhistoire, et organisée par l’Université de Dakar.
-1968 : « L’Art Afro-Brésilien » Exposition organisée par Le Maître D.M. De Santos, prêtre suprême du Culte obalouaiye.
-1969 : « Les Fresques du Tassili N’Ajjer » Réalisée avec la collaboration du préhistorien Henri Lothe.
– 1970 : « Trois grandes expositions itinérantes de l’UNESCO » :
- a – « Les Dessins de Léonard De Vinci » : sélectionnés en 1952 à l’occasion de la commémoration du cinq centième anniversaire de la naissance du grand maître.
- b – « Aquarelles » exposition présentant des œuvres chinoises de la Dynastie T’SIN, de Paul Klee, de Kandinsky et de Miro. Une grande rétrospective sur cette technique d’expression plastique vieille de plusieurs siècles : la peinture à l’eau.
- c – « La peinture de 1900 à 1925 » : exposition retraçant les grands moments de la peinture moderne : l’impressionnisme, le postimpressionnisme, le fauvisme, l’expressionnisme allemand, le cubisme, le surréalisme et le dada ; les résultantes de ces différents mouvements que sont l’art figuratif moderne et l’art abstrait.
-1971 : a – « Les gravures de Marc Chagall », exposition présentée dans le cadre de la série des Grands maîtres de l’art contemporain mondial.
-1972 : du 9 mars au 4 avril, « La Tapisserie et les Grands maîtres »
-1972 : du 6 avril au 6 mai, « Pablo Picasso » Sous le Haut Patronage de S.E. Monsieur Georges Pompidou, Président de la République française et de S.E. Monsieur Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal
-1972 : 13 juillet au 6 novembre, « Deux mille ans de peinture chinoise » exposition itinérante de l’UNESCO réunissant soixante œuvres de toutes Dynasties chinoises
-1973 : du 23 novembre au 8 décembre, « Malcom De Chazal », sous le Haut Patronage de S.E. Monsieur Léopold Sédar Senghor Président de la République du Sénégal.
-1974 : du 21 mai au 30 juin : « L’Art artisanal chinois »
-1974 : du 29 novembre – 29 décembre, « Pierre Soulages », sous le Haut Patronage de S.E. Monsieur Léopold Sédar Senghor Président de la République du Sénégal.
-1976 : du 28 mai au 30 juin, « Alfred Manessier », exposition placée sous le Haut Patronage de S.E. Monsieur Valéry Giscard D’Estaing, Président de la République françaises et de S.E. Monsieur Léopold Sédar Senghor, Président de la République du Sénégal.
-1976 : du 4 novembre au 4 décembre, « Hundertwasser », plasticien allemand
-1977 « Ibar Ndiaye », avec le concours du Ministère français de la coopération et de l’Association pour le développement des échanges artistiques et culturels à Paris ; catalogue réalisé avec la contribution de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique.
and Débat, avec une participation remarquable de l’Ordre des architectes du Sénégal, autour de « la Loi dite du 1% » et son application.
Année 1986 : -du 7 au 27 avril : « Olivier Debré », peintre français ;
Année 1987 :-du 4 au 22 mars : « Chefs – d’œuvres des Collections privées sénégalaises », Une première en Afrique au Sud du Sahara, quelques 300 peintures, sculptures, tapisseries et dessins provenant de 26 collections privées sénégalaises, sous la présidence effective de Madame Elisabeth Diouf.
-du 30 mars au 15 avril : « Luigui Pastori » peintre italien, en collaboration avec la Fondation « Léopold Sédar Senghor : ceinture de mains fraternelles » et le Centre Culturel Italien de Dakar.
Ousmane sow HUCHARD, Ph. D.
Anthropologue, muséologue, musicologue, critique d’art et Consultant international
Ancien Conservateur en Chef du Musée Dynamique
Directeur du Cabinet d’ingénierie culturelle « CIWARA…Arts, Actions »
Téléphone : 77 639 72 05 ; soleyama@orange.sn