S’il est vrai que l’apparence est parfois trompeuse ; il va s’en dire que discerner un tel fait n’est pas une chose facile. Et nous allons illustrer cela par l’exemple de la démocratie Sénégalaise. En effet le Sénégal est cité comme un modèle de démocratie par excellence aussi bien en Afrique qu’à travers le monde ; on parle même de” l’exception Senegalaise” ;mais cela n’est que pure apparence. Mais attention cette exception ne repose que sur trois piliers, qui à mon avis, restent insuffisants pour qualifier le Sénégal de modèle d’une vraie démocratie. Ces trois piliers sont :
- La pratique du vote (on vote au Sénégal depuis 1848 bien que ce droit de vote était réservé à l’époque à une minorité de citoyens, sujets Français.)
- L’absence de coup d’Etat militaire (Jamais un Président n’a accédé à la magistrature suprême du Sénégal par la force des armes)
- Le dialogue interreligieux (Un pays où vivent dans la convivialité et le respect mutuel, des musulmans, des chrétiens ; des fidèles de la religion traditionnelle, des confréries; des ethnies…etc. ).
Alors même si ces trois piliers restent des atouts pour la démocratie force est de reconnaitre qu’ils ne traduisent pas fondamentalement une réelle démocratie; d’où la contradiction du Sénégal apprécié de l’extérieur mais très critiqué de l’intérieur. Une vraie démocratie, au delà du droit de vote, du dialogue ; d’une armée républicaine ; c’est aussi : des institutions fortes qui transcendent les personnes et les clivages politiques, une justice indépendante, une liberté d’expression, un respect et une protection des droits humains, une bonne gouvernance et un Etat de droit. Autrement dit une telle démocratie, a pour conséquence un développement durable. Or pour dire la vérité, nous savons tous que de Senghor à Macky Sall la démocratie Sénégalaise n’a toujours pas pour effet un développement durable.
En effet notre tradition en matière de droit de vote et nos deux alternances n’ont pas parvenu à améliorer les conditions de vie des populations ; les maux sont encore innombrables. Et comme disait le feu artiste Ndiaye Doss dans Gelowar “ndibeel bi gnou jeel mo gnu rey ; c’est l’aide que nous recevons de l’occident qui nous tue “Autrement dit si notre démocratie reste une copie collée de celle de l’occident sans tenir compte de nos réalités sociales et culturelles, il va s’en dire que nous allons uniquement construire une fausse démocratie .
En effet les tares de la société sénégalaise qu’on le veuille ou non, sont contradictoires à la démocratie occidentale mais nos gouvernants africains en général et sénégalais en particulier essaient de l’incarner ; rien qu’une pure hypocrisie. Ces tares (ou contre valeurs) sont nombreuses mais je vais juste en citer quelques unes :
- « le Gnaak fayda» dans le sens péjoratif : quand on accède au pouvoir c’est pour se servir et non pour servir sans quoi on est qualifié de « le Gnaak fayda». Autrement dit on peut détourner les deniers publics aujourd’hui et demain se tenir sans vergogne devant le peuple pour solliciter un suffrage et même devenir Président.
- « Alaalu buur la jarul sakanal »Pas besoin d’économiser au sein de l’administration puisque ce sont les biens de l’Etat (gaspillage de l’eau ; l’électricité ; le téléphone ; carburant…etc.)
- « Mbeedu buur la luma neex la ci def »On peut jeter les ordures et les tasse de café dans la rue ou même uriner au pied des édifices étatiques parce que la rue n’appartient à personne (aucun civisme)
- « le Gnaak jom» substitué au « ngor» nous pouvons citer ici l’exemple des transhumants politiques qui préfèrent vendre leur « ngor» pour aller brouter l’herbe ;un cas récent avec l’achat de conscience au niveau de l’Assemblée Nationale lors du renouvellement de son bureau. Sans oublier bien entendu certains membres de la société civile qui se disaient hier combattants du peule mais préfèrent maintenant oublier le peuple à cause des avantages du pouvoir.
- « le Puukaré» substitué au « sutura» Au lieu que les riches dans la discrétion aident les pauvres ; ils préfèrent aller chercher des louanges à Sorano et au grand Théâtre en jetant les billets d’argent à terre comme pour se moquer de celui qui n’a pas de quoi manger. Et pire c’est souvent des autorités ou élites de ce pays qui accomplissent de telles choses devant la télé.
- « Borom kuddu du lak» Nous pouvons citer ici l’exemple de notre justice, qualifiée de justice à double vitesse. On ne s’inquiète plus d’avoir commis un délit pénal car on a de bonnes relations avec les gens du pouvoir. Ou encore le fait de cautionner le vol par le biais de la médiation pénal. (Ère Macky)
- « le Paacco rewmi » substitué au « pencco rewmi» Au lieu de mettre les gens compétents à la place qu’il faut, on privilégie le népotisme. Le Paacco illustré récemment par le député Moustapha Diakhaté Pdt. du groupe parlementaire BBY ; lui-même dixit « Niass à la présidence de l’Assemblée Nationale est une décision du Président Macky Sall avant le 25 Mars 2012»alors que ce choix revient de droit aux députés eux-mêmes. (…)Nous sommes des relais du Président Macky Sall à l’Assemblée Nationale, nous agissons pour le défendre. Alors à votre avis sont-ils des députes du peuple ou des députés marionnettes de Macky Sall?
S’agit-il là d’une vraie démocratie ? En effet la liste de ces tares est très longue c’est pourquoi je voudrais inviter les citoyens Sénégalais à répondre au dilemme suivant : Voulons-nous une démocratie à l’image de l’occident pour être magnifié de l’extérieur? Ou plutôt voulons-nous une démocratie en phase avec nos réalités socioculturelles et en rupture avec ces tares? Cependant en répondant à ce dilemme ; il va falloir s’engager à définir le type de leaders ou d’élites de la base au sommet, pouvant incarner une démocratie qui a pour conséquence un Sénégal émergent et un développement durable. Mais aussi pour éradiquer ces tares le « ndeepp national» dont parlent nos sociologues et psychanalystes devient nécessaire. Toute fois il faudrait reconnaitre que les Assises Nationales ont joué un rôle fondamental dans ce processus à travers un exercice endogène de réflexion et de critique collective pour les 50 dernières années de démocratie de notre pays. C’est pourquoi ce serait dommage de ranger les conclusions de ce travail inclusif (et non réalisé par échantillon) dans les territoires de l’Etat.
DENIS NDOUR
AIUSA Email: denisndour@hotmail.com