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Faire De La Place De Dakar Un Hub De La Finance Islamique

Le terme finance islamique recouvre l’ensemble des transactions et produits financiers conformes aux principes de la Charia, qui supposent l’interdiction de l’incertitude, de l’intérêt, de la spéculation, l’interdiction d’investir dans des secteurs considérés comme illicites (alcool, tabac, paris, etc.), ainsi que le respect du principe de partage des pertes et des profits. Selon une étude présentée au Women’s Forum de Deauville, les investissements  »charia compatibles » pourraient à terme financer de grands projets structurants.

Le prochain sommet du 9e Forum économique islamique mondial se tiendra à Londres du 29 au 31 octobre. Nul ne doute qu’un tel événement confirmera la place de plus en plus importante occupée par l’économie islamique dans le monde, mais surtout celle de la finance islamique, qui se répand bien au-delà des pays musulmans.

Comment pallier les difficultés d’accès au financement des entreprises ? En recourant à des sources de financement alternatives, parmi lesquelles la finance islamique. Une étude présentée au Women’s Forum de Deauville, plaide pour le développement des investissements compatibles avec la loi islamique. Si ce marché reste de petite taille-les actifs  »charia-compatibles » pesant pour seulement 1% des actifs de la finance conventionnelle -, la finance islamique présente de fortes perspectives de croissance. Ses actifs ont crû de 20% dans le monde en 2011 pour atteindre près de 1.550 milliards de dollars. Selon une étude du cabinet Ernst & Young, ils devraient continuer à progresser sur le même rythme, pour atteindre près de 4.500 milliards de dollars en 2020. Rien que sur le continent africain Moody’s estime que dans les prochaines années on pourrait arriver jusqu’à 240 milliards de dollars gérés sur la base de la charia.

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Une demande croissante

Un essor qui s’explique par une demande croissante émanant des pays musulmans, mais aussi des pays où l’islam n’est pas majoritaire. Les opérations « charia-compatibles » reposent essentiellement sur des actifs réels. Dans ce contexte spécifique, cet aspect peut attirer un certain segment d’investisseurs qui cherchent à diversifier leurs supports d’investissement. Et, donc, intéresser des entreprises en quête de financement. En août 2012, les émissions de  »sukuks » (titres islamiques s’apparentant à des obligations) destinées à financer des infrastructures ont dépassé les 25 milliards de dollars.

Mais, dans les pays occidentaux, l’enthousiasme pour la finance islamique a vite été balayé par la crise européenne. Bien que quelques pays européens aient annoncé des émissions de « sukuks », celles-ci ne se sont pas concrétisées. Il semble que les émetteurs ont été découragés par l’incertitude financière causée par la crise de la zone euro ou par la nature politique et sociale de ces instruments, a noté Standard & Poor’s dans une étude publiée en mai dernier.

Dakar hub de la finance islamique

Le Sénégal est un petit pays, mais il peut devenir un hub de finance islamique comme d’autres pays du Sud-est asiatique (Malaisie) ou du Moyen-Orient (Bahreïn). Avec 21 établissements financiers, le Sénégal est le deuxième pays, après la Côte d’Ivoire, à abriter le plus grand nombre de banques dans l’espace Uemoa. Le pays demeure une plateforme financière attractive pour les investisseurs, les fonds de développement ainsi que les banques internationales ; pour preuve, les investissements directs étrangers (les IDE) ont été de 467 milliards de francs CFA en 2012. Le pays a déjà démarré dans la finance islamique et se prévaut d’acquis. C’est ainsi qu’un accord cadre pour un partenariat stratégique a été signé entre la Banque Islamique du Sénégal (la BIS) et le gouvernement pour la période 2012-2015. Ce protocole d’accord d’un montant de 680 milliards de FCFA, soit 170 milliards par an, cible principalement les secteurs de l’agriculture, de l’énergie, du transport, de l’assainissement, de l’éducation et le développement du secteur privé. Mais ce partenariat exemplaire et salutaire se fera avec des structures comme la Société Islamique pour le Développement du Secteur Privé, la Société Islamique pour l’Assurance des Crédits d’Exportation et des Investissements et la Société Islamique pour le Financement du Commerce International. Il reste cependant à valoriser un marché bancaire qui ne compte pour le moment qu’une seule banque islamique. L’élaboration d’un cadre juridique régissant les produits financiers islamiques sur le marché sénégalais semble être le défi majeur auquel le gouvernement devrait faire face. Seule l’émergence de ce cadre réglementaire permettra de favoriser la bancarisation qui inclura la supervision d’émissions obligataires (sukuk), de l’assurance islamique (takaful), et des produits de trésorerie interbancaires. Cette réglementation va faciliter l’accueil des produits financiers islamiques aussi bien pour les banques que pour les fonds d’investissement islamique, la micro finance et les soukouk islamiques. Une fois cette réglementation réglée et finalisée, un travail de communication et d’explication devra être engagé pour permettre au Sénégal de se lancer efficacement sur le chemin de la finance islamique.

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Le Sénégal doit se positionner comme le centre majeur de l’économie islamique de la sous-région pour mieux en tirer profit. Actuellement, l’économie de biens et de services conformes à la charia est estimée à 8000 milliards de dollars, pour une population mondiale de 1,6 milliard de musulmans. Le taux de croissance annuel de l’économie islamique mondiale est de 10% à 15%, quand le taux de croissance de l’économie mondiale est de 3,3% en 2013 selon les prévisions du FMI.

Toute une stratégie doit être élaborée pour saisir ces opportunités qui s’offrent à notre pays. La création des organes de réglementation et des lois nécessaires au développement du secteur seraient une première étape.

La finance islamique peut être un levier additionnel pour financer les grands projets d’infrastructures. Les besoins sont assez importants puisque, de 2013 à 2017, plus de 3.700 milliards de francs CFA d’investissements sont prévus, notamment en transport et énergie, selon le document relatif à la Stratégie Nationale de développement Économique et Social du Sénégal (la SNDES).

Pour attirer les investisseurs  »charia-compatibles », un environnement réglementaire et fiscal adapté ne suffit pas. Car les limites au développement de cette activité aujourd’hui sont plutôt liées à l’offre et non pas à la demande.

Mais il est de l’intérêt stratégique pour notre pays de réunir au plus vite les conditions de son développement car la finance islamique peut constituer un moteur pour notre économie.

 

Alioune Badara SY

Délégué Thématique au Club de l’Économie Numérique,

Ingénieur Spécialiste des PME/PMI en Afrique et Expert en Management de Projets Industriels. A notamment participé au projet de la Banque Mondiale  »Promouvoir des Pôles de Compétitivité en Afrique » et au Programme  »Yonnu Yokkuté’

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