Le sigle LMD (Licence, Master, Doctorat) aujourd’hui en vogue dans les universités est galvaudé par certains observateurs qui lui donnent la signification de Lutte, Musique et Danse pour montrer les nouvelles orientations de la société sénégalaise. En passant au caspel les divers masques de notre société, on découvre des pratiques et comportements qui frisent l’anomie. Le titre de l’ouvrage du sociologue Malick Ndiaye (L’éthique ceddo et la société d’accaparement) est très évocateur de la désintégration des normes sociales et de la décrépitude des valeurs morales et civiques.
Les pratiques ostentatoires, les activités budgétivores et chronophages, les démarches altières, les sournoiseries et les manières affectées sont légion. Les propos irrévérencieux, les invectives et les jactances se multiplient et se banalisent. Le niveau du débat politique est en chute libre.
Leaders politiques, avocats, enseignants, syndicalistes… sont à couteaux tirés et s’échangent des insanités et propos comminatoires qui occupent la manchette des journaux. On fait trop de politique sans morale et on érige trop l’ingratitude en vertu politique. Nombreux sont ceux qui, après avoir reçu un fatal coup de Jarnac, finissent par réaliser qu’ils ont réchauffé dans le sein un venimeux serpent.
En perte de repères, les jeunes s’adonnent à des activités ludiques, à la lutte, à la musique et à la danse. Il urge dès lors d’inverser le sigle LMD, trouver un nouvel anagramme et inventer un autre système appelé DML (Discipline, Mérite et Lumière).
Discipline
Un des facteurs d’émergence des pays de l’Asie-Pacifique, c’est la discipline. Les citoyens doivent savoir qu’ils ont certes des droits mais aussi des devoirs. Ils doivent respecter les institutions publiques et privées, les symboles de la République, la voie publique, l’école publique. Les manifestations doivent être pacifiques pour préserver les édifices publics, privés et les agences des sociétés concessionnaires de services.
Le saccage des édifices et l’autodafé des documents par des grévistes ou émeutiers portent souvent préjudice aux usagers. Dans les mairies, ce sont des registres d’état civil et autres documents de référence d’une grande importance qui disparaissent.
La discipline voudrait aussi qu’il y ait un respect mutuel entre citoyens. Être discipliné c’est accepter la différence et respecter l’altérité de l’autre. Être discipliné c’est respecter le serment d’Hippocrate dans les hôpitaux, c’est mettre en avant les intérêts des élèves dans les écoles, c’est défendre son client sans écarts de langages dans le Palais de Justice, c’est veiller à la sûreté de l’Etat et à la sécurité des citoyens sans attenter à la vie personnes dans l’espace public, c’est débattre des idées et des projets et non des personnes sur les plateaux de télévisions.
En politique, il faut surtout éviter de descendre très bas, crier haro sur le baudet en se prononçant à tort ou à raison sur l’orientation sexuelle de ses adversaires. Un leader politique doit être otage de la prudence et circonspect dans ses déclarations. L’erreur étant humaine, il doit savoir venir à résipiscence et se rectifier.
Mérite
Chaque citoyen doit mériter le poste qu’il occupe. Le mérite individuel produit de l’efficacité et de l’efficience et booste l’économie. Les recrutements ou nominations à des postes sur des bases affectives et non objectives freinent l’économie. L’incompétent pistonné multiplie les bourdes et les bévues et entraîne des dysfonctionnements graves. Mériter son salaire c’est être assidu, ponctuel et faire correctement son travail en respectant les termes du contrat avec son employeur (l’Etat dans la fonction publique et le patron dans le secteur privé).
Un pays qui aspire au développement doit aussi mettre fin aux privilèges des petits fils opportunistes, paresseux qui vivent du fort capital symbolique de leurs ancêtres (Antonio Gramsci).
Lumière
Lux mea lex (la lumière doit être ma loi), telle est la devise de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Temple du savoir, l’Ucad a formé des générations d’intellectuels et de cadres du Sénégal. C’est le savoir savant universitaire qui, par transposition didactique, projette sa lumière et alimente le savoir enseigné scolaire et éclaire les jeunes.
C’est par l’éducation qu’on obtient des citoyens éclairés, disciplinés et capables de prendre leur destin en main. Faisons donc de sorte que les universités et établissements scolaires ne soient pas des lieux où recrutent les lobbies obscurantistes qui éclipsent la raison et forment des séides. Ce qui risque de nous plonger dans les ténèbres.
Mamaye NIANG
Professeur d’Histoire et de Géographie
Lycée Zone de Recasement de Keur Massar
mamayebinet@yahoo.fr