Monsieur le Président de la République,
Après avoir réussi votre opération de très lourd endettement de 3.729 milliards FCFA au Groupe consultatif de Paris, vous appeliez les Sénégalais au travail : « Les Sénégalais doivent travailler…Nous devons nous mettre au travail sans tricher…Nous devons nous mobiliser pour développer notre pays et cesser de faire semblant de travailler…Nous devons travailler authentiquement, travailler et percevoir un salaire mérité à la fin du mois… » sont vos propos.
Vous touchez du doigt une problématique capitale de notre vouloir-vivre commun : notre rapport au travail. Notre faible productivité (nos agriculteurs travaillent deux mois sur douze), la tricherie (des milliers de travailleurs irréguliers et douteux découverts dans l’administration), notre taux de chômage officiel très élevé de 49% et le sous-emploi dans le secteur informel ne plaident pas en notre faveur. Cependant, cette problématique peut être approchée autrement : pourquoi nos dirigeants n’ont pas cultivé en nous le culte et l’amour du travail ?
Notre laxisme face au travail est un véritable paradoxe au vu de nos énormes ressources naturelles et nos importants besoins insatisfaits en tous genres. Pourquoi devons-nous importer les choses les plus élémentaires (des ustensiles de cuisine aux plus simples outils en passant par notre nourriture, nos matériaux et nos jouets) alors que le monde d’aujourd’hui et celui de demain exigent une compétitivité éprouvée dans le savoir-faire ? Le travail est dans la libération des énergies et la valorisation de ce que nous avons de plus précieux : notre matière grise.
Votre appel au travail avait déjà été lancé par votre prédécesseur (« il faut travailler, encore travailler, beaucoup travailler »), sans effet. Pourquoi ? A notre humble avis, on ne demande pas à un peuple de travailler, on n’invite pas un peuple au travail : on MET un peuple au travail. Je demeure persuadé que les Sénégalais ne demandent pas mieux que vous les mettiez au travail. C’est vous qui détenez aujourd’hui les leviers pour lancer des projets structurants et des investissements productifs qui doivent stimuler l’effervescence économique susceptible de vous faire réussir votre mission. Cela passe par une administration compétente, une sécurité maximale et un dynamique environnement des affaires ouvert mais ayant la préférence nationale comme axe central ; une justice sérieuse ; la stimulation et l’encadrement du génie et sénégalais ; l’éducation des mentalités ; des dirigeants qui brillent par la compétence, l’intégrité et l’exemplarité et non par la politique politicienne, les louanges serviles au chef et les illustrations grotesques. C’est votre travail de créer cela.
Lancez-nous des défis pour commencer à fabriquer ce que nous utilisons ; stimulez nos ingénieurs et techniciens à créer le label technologique sénégalais ; utilisez, vous et votre gouvernement, les produits de nos paysans et artisans ; assurez à nos filières et entreprises la protection adéquate.
Un peuple qui travaille est un peuple dont les dirigeants travaillent.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments patriotiques.
Mamadou Sy TOUNKARA
Animateur de « Senegaal ca kanam »
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