Près de trois semaines après le fameux groupe consultatif Sénégalais de Paris des 24 et 25 février, «l’événement » occupe encore les médias et alimente les discours des acteurs politiques de la majorité présidentiel au premier rang desquels le président Macky Sall. En les entendant en parler, des contradictions me frappent.
« Pour réussir l’engagement, (du PSE) nous devons tous nous mettre au travail sans tricher », dira Macky Sall d’une part, à son retour au Sénégal après le groupe consultatif de Paris. D’autre part, certains relient la réussite du Plan Sénégal Emergent au changement de mentalités du Sénégalais. Ce dernier est ainsi subitement devenu un fainéant, inorganisé et incompétent. Il vrai qu’il n’y a de peuple parfait et que des gestions nébuleuses des deniers publics sont à bannir. Bien sûr qu’il faut un sursaut de la vertu et de la dignité humaine au Sénégal. Il est évident qu’il faut penser à de profondes réformes du cadre du travail dans notre pays. Mais on ne peut pas, aussi rapidement, faire abstraction de la détermination et le professionnalisme du Sénégalais.
Par ailleurs, certains responsables politiques de la mouvance présidentielle parlent des promesses d’investissements faites au groupe consultatif de Paris comme s’il s’agissait de l’argent acquis de suite par le Sénégal et que le gouvernement peut utiliser partout et dans tous les secteurs. Ce qui n’est pas le cas, car les 3729,4 milliards d’engament des partenaires techniques et financiers ne sont que des projections d’investissement dans les secteurs identifiés et inscrits dans le PSE.
Enfin, ce PSE est à la fois une forme de charrue avant les bœufs et le plan donne surtout l’air d’aller plus vite que le temps.
En effet, penser à construire une nouvelle université à Dakar suppose que les cinq autres qui existent déjà aient les infrastructures et les moyens financiers, humains et techniques qu’il leur faut. Ce qui est loin d’être le cas. Se lancer dans de gros projets routiers et ferroviaires devrait s’accompagner de véritables projets du même type pour le désenclavement de certaines régions au Sénégal, ce qui n’est pas visible sur le plan.
En matière de santé, les prévisions d’efforts restent concentrées, comme dans beaucoup de projets, à Dakar. Or à l’intérieur du pays, des femmes continuent à mourir en donnant la vie à cause de l’éloignement des centres hospitaliers et du manque justement de voiries. Partout au Sénégal, il y a un manque criard de sages-femmes alors que des hommes et des femmes diplômés de l’ENDSS sont au chômage. Certains types de handicaps sont encore très mal voire pas pris en charge au Sénégal.
On remarque ainsi que les besoins de base semblent moins préoccuper les concepteurs du PSE au centre duquel des projets pharaoniques figurent pourtant en bonne place.
Sur le plan de l’agriculture, il est consternant de voir l’Etat imaginer les formes, les contenus et les types de projets agricoles à place des agriculteurs qui devaient prendre activement part à la conception de ce document stratégique.
En attendant sa mise en marche effective, le PSE est loin d’être la baguette magique qui sonnera le départ de ce Sénégal émergent dont nous rêvons.
Je continue à croire que le salut économique et social de notre pays viendra inévitablement des entrailles du Sénégal profond à travail une agriculture renforcée et adaptée, la valorisation de la ressource humaine locale et la décentration des activités de production.
Mamadou DIOP
diopthemayor@yahoo.fr
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