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Déguerpissement Aux Allées Du Centenaire: Pour Une Fois, On Peut Dire Que Les Marchands Tabliers Et Ambulants Ont Raison, Sans être Dans Les Normes

Déguerpissement Aux Allées Du Centenaire: Pour Une Fois, On Peut Dire Que Les Marchands Tabliers Et Ambulants Ont Raison, Sans être Dans Les Normes

La mairie de Dakar a fait déguerpir, de force, les marchands tabliers et ambulants du Boulevard du Général Charles De GAULLE, appelé encore Allées du Centenaire, ce samedi 22 mars 2014. Les marchands tabliers et ambulants se sont indignés d’être déguerpis, alors que les commerçants chinois sont laissés sur place. Après avoir vainement résisté aux forces de l’ordre, ils ont promis de revenir après la fête nationale du 04 Avril. Cette attitude de défiance à l’égard de la puissance publique mérite d’être analysée.

Au nom de la préférence nationale, ces marchands ne comprennent pas que des étrangers soient ménagés, alors qu’étant sénégalais travaillant pour gagner honnêtement leur vie chez eux, dans leur pays, ils soient les seuls déguerpis, sans ménagement. Ce qu’ils ne mentionnent pas, c’est que les commerçants chinois sont dans les normes, en étant dans des magasins bien placés et dûment loués. Ils omettent également que ce sont eux, sénégalais, qui occupent anarchiquement la voie publique, au point de donner un visage hideux à ce boulevard prestigieux.

Au-delà des considérations d’hospitalité et de diplomatie qui plaident en faveur des commerçants chinois, le seul argument de l’occupation anarchique de la voie publique donne entièrement raison à la mairie de Dakar, dans cette opération de déguerpissement. Pour autant, tout le tord ne peut être porté par les marchands tabliers et ambulants, dans la mesure où ils peuvent faire prévaloir le fait que, depuis tout le temps que les Allées du Centenaire existent, ils n’y ont été vus qu’après l’installation des chinois. Par conséquent, les sorts des commerçants chinois et des marchands sénégalais sont étroitement liés. A cet égard, ils ont parfaitement raison sur la puissance publique, Etat et autorité municipale confondus.

Autrement dit, l’Etat et plus particulièrement la municipalité de Dakar ne devaient pas permettre que le prestigieux Boulevard des Allées du Centenaire se transforme en vitrine chinoise. Une artère au symbole très fort, en ce sens que c’est là où se déroule le défilé commémorant la célébration de la fête nationale. La situation actuelle de ce boulevard est la preuve qu’au Sénégal, on est plutôt adepte de la gouvernance réactive et réparatrice que de celle préventive et active. Une option toujours porteuse de fautes, de désagréments, de colère, d’indignation, d’insatisfaction, de réprobation, d’incurie, de sanctions négatives et de conséquences néfastes de part et d’autre.

La logique et le bon sens voudraient que le Boulevard des Allées du Centenaire soit plutôt une vitrine sénégalaise que chinoise. Il n’est pas trop tard pour corriger cette situation qui pourrait être qualifiée d’aberration. Il est clair que les commerçants chinois sont liés aux propriétaires de magasins riverains du boulevard, par des contrats de location qui relèvent du domaine privé. Mais, au nom de la sauvegarde d’une certaine image du Sénégal, symbole entre autres de sa souveraineté, l’Etat et la municipalité de Dakar ont le pouvoir de faire en sorte que les commerçants chinois soient réinstallés ailleurs, sans préjudice de leurs commerces et des intérêts des bailleurs des magasins des Allées du Centenaire. L’opération serait menée de sorte qu’elle ne puisse affecter non plus les bonnes relations entre le Sénégal et la Chine.

Dans le même ordre, l’Etat et la municipalité pourraient trouver des arrangements avec les propriétaires de magasins, pour maintenir les mêmes valeurs locatives qui prévalaient avec les commerçants chinois. A ce prix, les magasins, loués à des sénégalais ou à d’autres nationalités, ne devraient servir que de vitrine sénégalaise. Autrement dit, tous les produits exposés et vendus ainsi que les services doivent être sénégalais dans leur écrasante majorité.

Sur ce boulevard, il y a déjà des agences bancaires et d’assurances, des pharmacies, des restaurants et d’autres services. Il y a aussi la vitrine luxueuse d’une grande marque de couture sénégalaise de renommée internationale. L’Etat et la municipalité pourraient encourager l’installation, à leurs cotés, d’autres grandes marques sénégalaises de divers produits et services. Par la même occasion, ils pourraient promouvoir l’installation de superettes, d’épiceries et de grandes surfaces offrant une vitrine aux produits de transformation de ressources agricoles, végétales et animales. La Foire Internationale de l’Agriculture et des Ressources Animales (FIARA), qui se tenait sur la place de l’obélisque avait indiqué la voie.

L’option de servir une vitrine aux produits sénégalais, à cet endroit précis et prestigieux de Dakar, encourage la création et la pérennisation d’un marché de la consommation nationale, avec une offre de produits pour la classe moyenne qui se bouscule dans les superettes et les grandes surfaces. La production intensifiée de valeur ajoutée sénégalaise, source d’une richesse nationale, aura ainsi un effet d’entrainement sur la création d’emplois à travers les PME et les PMI qui seront à l’œuvre dans ce schéma. Ce qui serait bénéfique aux nombreux groupements féminins et organisations paysannes ou périurbaines ayants diverses expériences de transformation de produits variés et prisés sur le marché. Lesquels produits peuvent obéir aux normes standards qui leur permettent d’entrer dans un schéma de production semi-industrielle ou industrielle.

Cette vitrine sénégalaise sur le Boulevard du Centenaire appelle donc la création d’emplois divers, sur tout le circuit de la production à la distribution, en passant par les spécifications, le contrôle de qualité, le conditionnement, la manutention, le transport et la promotion. Plus près du boulevard, les ateliers de fabrication de chaussures de la rue 11 de la Médina pourraient être réservés exclusivement à la fabrication, tandis que des magasins de luxe pourraient leur servir de vitrine et de lieux d’écoulement, à portée des sénégalais et des consommateurs de la sous région qui ont déjà abondamment adopté ces chaussures « made in Sénégal ».

Le Sénégal sert de marché pour les produits chinois dont l’écoulement favorise le maintien en vie de l’entreprise chinoise ainsi que la sécurité et la multiplication de l’emploi dans « les ateliers du monde », en assurant la croissance de la Chine. Le pays de la Téranga doit avoir la même posture à l’endroit de ses agents économiques pour son développement et sa croissance économiques. Au demeurant, un accord mutuellement avantageux avec les opérateurs chinois voudrait que ces derniers, en venant s’installer au Sénégal, se limitent à être des fournisseurs, qui pourraient avoir des hangars installés en zones franches, en laissant le commerce de gros et de détails aux sénégalais. Ces derniers, installés dans des magasins aux normes, n’auraient point besoin de squatter les devantures des magasins d’autrui, en encombrants les voies publiques.

Dans tous les cas, le Boulevard du Centenaire doit être et demeurer une vitrine sénégalaise. Même si le dernier nom, peu usité, du Général Charles De GAULLE, dont il a été baptisé, peut déranger quelques nationalistes puristes, il n’en demeure pas moins que l’ancien président français fait partie intégrante de l’histoire de l’indépendance et de l’histoire tout court du Sénégal.

Le pavage des espaces piétons de ce boulevard aura plus de charme avec d’autres espaces gazonnés et fleuris. L’éclairage des deux monuments, l’obélisque et le minaret de la grande Mosquée, qui se regardent de part et d’autre du boulevard, est souhaitable. Leur éclat retrouvé donnerait plus de splendeur et d’attrait au boulevard. Enfin, une vue aérienne nocturne de Dakar devrait mettre en évidence les trois monuments alignés et éclairés, la Cathédrale du Souvenir Africain, la grande Mosquée et L’obélisque, symboles de l’indépendance du Sénégal et d’une vie harmonieuse entre chrétiens et musulmans.

Cette vision de la vie au long du Boulevard du Centenaire donne ainsi l’opportunité de faire d’une pierre deux coups, voire plusieurs. La mairie aura atteint son objectif d’embellissement et d’amélioration du cadre de vie, dans cette partie de la capitale. L’Etat pour sa part, arriverait enfin à faire en sorte que le « consommer sénégalais » ne soit plus un slogan creux, bruyant et vide, parce que trouvant un cadre d’expression et de matérialisation sur cette artère courue de la capitale, qui deviendrait ainsi le meilleur support du message patriotique. Le Boulevard du Centenaire serait ainsi un terrain d’expérimentation d’un « Sénégal Emergent » voulu par le chef de l’Etat, en termes de renforcement de l’entreprise sénégalaise, de création d’emplois, de croissance, de production de richesses nationales et de visibilité d’un label sénégalais.

Il est heureux que le Parti Socialiste, auquel appartient le maire de Dakar, soit en coalition avec l’APR du chef de l’Etat. Ce qui favorise une bonne entente pour l’atteinte des objectifs de l’un et l’autre, et qui passe par les réalisations du premier, dans ce cas précis. Il est à noter et à souligner que, même dans le cas où le maire de Dakar serait de l’opposition, il est évident que toutes ses réalisations, au bénéfice des populations, porteront la bénédiction et la marque de soutien du pouvoir étatique en place.

Par conséquent, le bénéfice politique de ces réalisations, entre autres, sera indubitablement partagé entre le pouvoir et l’opposition. Le bénéfice politique du pouvoir se mesurant à l’aune du fait que rien ne peut se faire dans un pays, sans l’aval de l’Etat. De ce point de vue, tout ce qui peut aider la mairie dans son action bienfaitrice pour la population, pour les citoyens, est une aide et un soutien incommensurable pour le pouvoir étatique. Au-delà des visées politiques de l’un et de l’autre, c’est le Sénégal et les sénégalais qui gagnent avec ces réalisations et c’est le plus important.

 

Kadialy DIAKHITE

journaliste écrivain

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