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L’agriculture, Un Métier Encore Par Défaut Au Sénégal

L’agriculture, Un Métier Encore Par Défaut Au Sénégal

Pour redonner une nouvelle image à l’agriculture et lui donner toute sa place dans le développement économique du Sénégal, l’école devrait pouvoir jouer un rôle important.

« Toutes les idéologies politiques qui ont voulu modifier le monde paysan ont échoué parce que le monde agricole ne peut être géré par des théories, il est régi par la réalité.  » Olivier de Kersauson

Selon le rapport provisoire du Recensement Général de la Population et de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Elevage de 2013, le Sénégal compte environ « 755 559 ménages agricoles, soit 49,5% des ménages du Sénégal ». Ce taux peut laisser faussement voir l’intérêt des sénégalais pour l’agriculteur au sens large du terme. Le même document nous permet d’enlever toute équivoque. En effet à la page 25, le document précise que « la pratique agricole est plus répandue à Fatick, à Matam et à Sédhiou où plus de huit ménages sur dix s’y adonnent ». Or dans ces territoires, les familles sont majoritairement rurales en raison de 80% en moyenne. Ce qui implique corrélativement que les agriculteurs vivent majoritairement en milieu rural. Celui du Sénégal est caractérisé par l’absence d’emploi massif des secteurs secondaire et tertiaire. Cet intérêt pour les divers métiers agricoles restent alors les seules possibilités qui s’offrent naturellement aux sénégalais du monde rural. Ces métiers constituent aussi un choix par défaut même pour ceux qui le pratiquent depuis des décennies.

Pour un début d’explication, les termes wolofs Bay kat  « paysan », napp kat  « pêcheur », samm kat « éleveur » qui désignent des corps de métiers agricoles restent encore négativement connotés. Ayant grandi dans un milieu rural et agricole, il était paradoxal d’entendre jeunes, vieux, hommes et femmes, pourtant bien occupés par les travaux champêtres, de remettre en cause ces métiers transmis naturellement de génération en génération.

Ce désintéressement est-il lié à la nature des métiers même ? J’en doute. A mon avis ce rejet est lié à trois facteurs : d’un côté, le manque de formation des agriculteurs les empêchent d’adapter leurs méthodes aux nouvelles techniques et technologies, d’un autre côté, la majeure partie des agriculteurs du nord, de l’est du centre et du sud du Sénégal continuent alors de pratiquer leurs métiers avec les mêmes techniques traditionnelles, enfin, les paysans, pêcheurs, éleveurs entre autres agriculteurs souffrent surtout du manque de valorisation de leur métier.

Ainsi les jeunes se tournent de plus en plus vers les grandes villes du Sénégal et vers l’étranger à la recherche de nouvelles ressources de revenus plus rentables et dès fois pour faire le même travail mais ailleurs. L’exode rural continue de dépeupler les villages sénégalais. L’occident continue de fantasmer les jeunes villageois souvent prêts à tout pour rallier le « monde développé ».

Pour redonner une nouvelle image à l’agriculture et lui donner toute sa place dans le développement économique du Sénégal, l’école devrait pouvoir jouer un rôle important.  Cela passe nécessairement par l’adaptation des programmes scolaires, universitaires et de formation professionnelle. Cela semble de plus en plus  incontournable dans un monde d’intelligence technique et numérique. Laisser les agriculteurs rater ce tournant c’est mettre à mal l’agriculture sénégalaise pour des dizaines d’années à venir.

Pourtant cette nécessaire interconnexion entre la pratique agricole, la formation professionnelle et la recherche scientifique semble échapper aux autorités actuelles du Sénégal dans bien des projets jusque là mis en place ou en phase de démarrage.

Les Concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur prônent la promotion des STEM (Sciences-technologies-ingénieries et mathématiques) sans prévoir de les adapter au secteur primaire de l’économie sénégalaise.

Les assises nationales de l’éducation et de la formation misent sur une adaptation sociétale du curriculum scolaire.

Les Pôles de développement (PD) dont le démarrage est entamé par Casamance et les Projets de développement inclusifs et durables (PDIDAS) sont financés en grande partie par la Banque mondiale qui dicte ses lois au gouvernement ne prenant pas forcément compte des exigences locale et nationales du moment.

 

Mamadou DIOP

diopthemayor@gmail.com

 

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