La Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, dans son article 7 alinéa 5, dispose : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions ». Sans doute, dans sa volonté de rendre effectif ce principe, le législateur, sur initiative des autorités politiques sous le magistère du président Abdoulaye WADE, avait adopté le 28 mai 2010 la loi instituant la parité absolue Homme-Femme dans les institutions totalement ou partiellement électives.
Je puis vous dire d’emblée que je suis fondamentalement contre cette idée de Parité ! Et mes raisons, bien loin d’une quelconque pensée misogyne, s’avèrent multiples :
D’abord, cette loi, en mon sens, est tout simplement anticonstitutionnelle. En effet, d’une part, notre loi fondamentale, de façon impérative, réfute toute pratique discriminatoire fondée sur la religion, le sexe, la race, l’origine et autres, ceci au nom du principe imprescriptible et sacro-saint de l’ÉGALITÉ des citoyens. Alors qu’à mon humble avis, cette loi sur la parité est en soi une discrimination fondée sur le sexe. Aussi, la conséquence de ce principe majeur se manifeste au sein de l’administration par les principes corollaires de l’égal traitement et de l’égal accès dans le service public (même si la parité concerne les fonctions électives, il demeure vrai que la notion de service public, au sens large, est présente au sein des trois pouvoirs institutionnels de l’État). D’autre part, le législateur s’est donné une mauvaise perception des dispositions constitutionnelles de l’article 7 alinéa 5 sus énoncé. A mon sens, l’«égal accès» des femmes et des hommes ne signifie pas une égalité mathématique dans la représentativité effective, mais plutôt cette obligation générale à instaurer toutes les conditions nécessaires pour permette une égalité absolue des chances dans les candidatures à toutes les institutions électives et de nomination, ceci sans discrimination fondée sur des considérations de genre.
Ensuite, sur un plan beaucoup plus pratique, cette parité, telle que conçue par le législateur, tue le mérite parce qu’il n’est plus question de compétence ou du meilleur profil requis pour l’exercice efficace de la fonction étatique, mais plutôt d’un favoritisme pur et simple. Outre l’impérieuse obligation de promouvoir la compétence, la meilleure, pour la nécessité d’une bonne administration de la chose publique, cette loi, sur le plan électoral, pose notamment un problème de légitimité car le choix de l’électeur ou de l’électrice est contraint et bien limité par des considérations de genre.
Cependant, cette approche genre, dans d’autres domaines, est plus que salutaire et s’avère être une réalité de nos jours. C’est le cas lorsqu’il est question de corriger des injustices liées à des situations de fait spécifiques et temporaires relativement au statut de femme. Elle est liée au changement du statut de la femme qui passe de l’état de femme objet à celui de femme dotée d’une personnalité juridique effective. Le législateur sénégalais, l’ayant bien compris, a usé du levier légal pour pallier lesdites injustices. Les exemples sont multiples (En droit de la famille : Compétence du tribunal de la résidence de l’épouse en cas de divorce, pension alimentaire accordée à la femme en cas de divorce à la requête du mari pour maladie grave ou pour incompatibilité d’humeur, défaut d’entretien de la femme comme cause de divorce alors que les époux se doivent assistance mutuelle, etc.. En droit pénal : Sursis interdit lorsque les coups sont portés sur une femme en état de grossesse etc.).
Dès lors, il est sans conteste, par exemple, que la protection de cet état physiologique de grossesse, fondée sur la dissuasion de la sévérité de la sanction encourue par le délinquant, n’est guère en contradiction avec le principe fondamental d’égalité des citoyens. Ainsi, répondant à un souci d’ordre public de protection, ces dispositions légales corrigent des injustices ou plus précisément des situations compromettantes et spécifiques à la femme et ne sauraient donc être étendues à la question de la compétence intellectuelle qui ne peut être l’apanage d’un sexe. Cette dite compétence ne doit souffrir d’aucune discrimination, surtout lorsqu’elle est requise pour l’exercice de la chose commune. Descartes n’avait-il pas raison d’affirmer dans le Discours de la méthode : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée »? A cette interrogation, le législateur, à travers cette loi sur la parité, répond tout bonnement par la négative.
A l’appui de cette approche genre, d’autres seront tentés de justifier cette loi sur la parité par la trouvaille de la «discrimination positive». Mais c’est méconnaître, à mon avis, que cet oxymore, en l’espèce, prône une sorte de communautarisme qui est en contradiction même avec les valeurs véhiculées par la forme républicaine de l’État.
Enfin, la parité peut être perçue, bien au contraire, comme un manque de considération envers nos bonnes femmes car constituant un favoritisme, un «pistonnage institutionnalisé», donc un aveu voilé d’infériorité de celles-ci aux hommes sur le plan de la compétence intellectuelle, laquelle infériorité ne saurait être exacte.
Par ailleurs, la solution légale et légitime pour pallier le trop peu de présence des femmes dans les fonctions électives et de responsabilité au sein de la nation, doit être cette volonté politique d’éduquer les consciences à une culture citoyenne pour y bannir toute conception misogyne de la compétence intellectuelle afin que les suffrages soient gage d’objectivité.
AMADOU SALMONE FALL
Greffier au Tribunal régional de Saint-Louis
Email : amadousalmone@yahoo.fr