«Vous vous demandez ce qui ne va pas dans le monde ? C’est que vous assistez aujourd’hui à l’explosion de la croyance dans le non causé et l’immérité. Tous vos gangs de mystiques de l’esprit et de mystiques du muscle se disputent farouchement le pouvoir de vous gouverner, en grognant que l’amour est la solution à tous vos problèmes spirituels et que le fouet est la solution à tous vos problèmes matériels, vous qui avez renoncé à penser. » Ayn Rand, La Grève, 2011.
Depuis des décennies, nos écoles et universités sont en proie à des crises cycliques structurelles qui ont fini de déstabiliser profondément ses fondements : la production d’un savoir au service de notre pays. La cartographie des acteurs permet d’identifier les protagonistes : Etat, élèves, étudiants, enseignants, personnels administratifs techniques et de service, parents d’élèves. A tour de rôle ou concomitamment, au gré des lectures et des contextes, ces acteurs paralysent le système éducatif. On se demanderait avec Ayn Rand pourquoi le monde semble-t-il se détraquer ? Pourquoi, sans raison apparente, un sentiment de désespoir et de frustrations se répand-il partout ? Pourquoi sommes nous toujours en grève ? Pourquoi les “hommes de l’esprit” ne se retirent pas de la grève ?
Ces questionnements “Randien”s sont terrifiants et interpellent notre pays sur la pertinence des trajectoires et de la crédibilité des luttes syndicales et des instruments de lutte utilisés depuis plus de 50 ans et au delà.
Tout les démocrates ont dénoncé les interventions disproportionnées des forces de l’ordre plus formatées dans une psychologie jouissive de la violence que dans le maintien de l’ordre. Toutes les générations en ont fait le frais, parfois de façon dramatique, avec morts d’hommes. Les démocrates ont aussi fustigé les saccages injustifiés opérés sur des biens publics universitaires.
Des concertations sur l’enseignement sont régulièrement convoquées : des Etats Généraux sur l’Education et la Formation (EGEF) aux Concertations Nationales sur l’Enseignement Supérieur, des diagnostics ont été posés, des recommandations formulées, certaines appliquées, d’autres faisant l’objet de fortes résistances. Au finish, on se demande à quoi servent ces foras, contestés, dés que les conclusions sont publiées par tout ou partie des protagonistes.
J’ai la ferme conviction que les crises cycliques qui secouent notre enseignement supérieur résultent plutôt du comportement des acteurs que de la pertinence des projets de réformes que j’estime globalement pertinents. Sans déconnecter les contextes, les enjeux et les acteurs, je voudrais cette fois ci me limiter à un acteur important : les étudiants, et à travers eux, leurs mouvements syndicaux.
Nous avons avec le mouvement étudiant, une question sérieuse de pilotage stratégique qui se traduit notamment par un déficit démocratique évident dans les procédures de prise de décision, une majorité sociologique silencieuse plus suiviste que réactive, une tendance plus nette de la primauté de l’argument de la force sur la force de l’argument, un profil moins politiquement et idéologiquement marqué.
Au delà de la crise, actuelle, il est important que le mouvement étudiant fasse sa mue et son auto critique. Sa faiblesse organisationnelle et structurelle modifie la nature de la crise, complexifie les enjeux et rend difficile des sorties de crise durables. Cette faiblesse renforce les logiques de violences au sein des universités et facilite les manipulations politiciennes de groupes qui disposent d’agendas cachés.
Bref, la crédibilité, l’organisation, la vision stratégique du mouvement étudiant font parti des solutions à la crise de notre système enseignement supérieur. Les réformes, pertinentes qu’elles soient, doivent tenir compte de cette exigence tactique minimale. Lorsque ce mouvement étudiant s’organisera plus conséquemment, il pourra mieux exiger son implication dans les réformes au lieu d’être le plus souvent convier aux foras de deux ou trois jours de validation.
J’ai lu le papier de Aboubakr Tandia portant sur “Parents, élèves et étudiants du Sénégal : entre trahisons syndicales et complot élitiste”. Une intéressante épistémologique de la cartographie des acteurs. “L’association des parents d’élèves et d’étudiants censée les représenter tous, partout et tout le temps, n’a jamais ressemblé à autre chose qu’une fratrie de clients corrompus au service des gouvernements successifs” dixit Tandia.
Je trouve le propos excessif pour ne pas dire sans nuance. Les fais décris sont réels mais n’en constituent pas toute la réalité. Le propos disqualifie et discrédite des actions collectives qui ont aussi du mérite. Avant l’UNDS en passant par la CESL, la CED.., le mouvement étudiant sénégalais s’est battu à améliorer les conditions de vie et les libertés démocratiques. Le sous estimer, c’est pieds joints, singulariser des complexités syndicales qui méritent d’être décrites avec plus de nuance.
Si ce complot existe d’ailleurs, on pourra s’interroger sur quelle Ecole devons nous bâtir pour notre futur. Une Ecole islamique ? laïque ? pour quels objectifs de formatage de l’homo senegalensis ?
Abdou Ndukur Kacc Ndao
Socio-anthropologue
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