En avril 2014, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) s’est doté d’un nouveau matériel de monitoring des médias (télévision et radio) grâce au soutien de l’Etat pour renforcer son dispositif de régulation. Avec l’acquisition de ce nouveau matériel, le CNRA pourra suivre 24 télévisions et 36 radios, démontrant ainsi l’importance du média monitoring dans la gouvernance étatique et la gouvernance publique/privée.
En effet, le média monitoring considéré comme un processus d’observation et d’alerte continu ou à intervalle régulier, de la couverture médiatique d’une institution, d’une entreprise, d’une marque, d’une problématique, d’un événement, de produits/services, d’une campagne, et de la façon dont les médias assurent le traitement de l’information, aide les acteurs de développement à disposer des outils d’alerte, d’anticipation et de prise de décisions. Ceci d’autant qu’en plus, d’être des instruments d’information, les médias sont de plus en plus des révélateurs de position et de prise de position et participent pour toutes ces raisons, au façonnement des consciences.
Média monitoring, outil d’alerte
L’alerte en fil continu est d’autant plus nécessaire dans un contexte marqué par le pluralisme médiatique et la concurrence des événements ; elle offre la capacité de réactivité et permet de développer selon Jean Michel « une compréhension des évolutions ». Deux faits qui se sont déroulés durant le mois de mai justifient l’urgence de l’utilisation du média monitoring pour la veille.
Premièrement, le suivi médiatique réalisé par le cabinet Afrique Communication en mai 2014 a permis d’observer plusieurs tendances lourdes sur l’évolution de la drogue au Sénégal, marquées entre autres par la massification du réseau de la drogue au Sénégal avec l’émergence des « dealers guerriers », le recrutement de jeunes désœuvrés pour la redistribution. Il en résulte une densification et internationalisation des flux avec une implication des étrangers en provenance de la sous-région du fait de la porosité des frontières.
A cela s’ajoute une « banlieusardisation » du phénomène qui ne saurait occulter l’implication de quelques personnes issues des forces de sécurité dans le réseau de distribution, mais aussi, un glissement de produit chanvre indien vers la drogue dure (cocaïne, héroïne, cannabis).
Deuxièmement, le média monitoring du mois de mai nous alerte sur les risques d’instabilité, de fragilisation de l’Etat et du parti au pouvoir liés à la loi sur la parité. Il s’agit du débat sur le statut spécial de Touba et celui de la Casamance, la remise en cause de la laïcité et de l’Etat de droit. Les divergences observées parmi les responsables étatiques et l’indécision de la Commission électoral nationale autonome (CENA) nous renvoient à la nécessité d’étudier plus sérieusement cette question, avec la plus grande prudence.
Média monitoring, outil d’anticipation
Face aux défis identifiés, le média monitoring offre des outils de préparation de la réaction aux défis dont la réponse communicationnelle. Selon l’Association française de normalisation (AFNOR), la veille médiatique est une « activité continue et en grande partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement scientifique, technologique, juridique, commercial, sociopolitique, etc. pour en anticiper les évolutions. »
En effet, le média monitoring permet d’identifier des informations favorables à conforter, des informations fausses à corriger, des bruits médiatiques à réajuster, des besoins d’information à satisfaire et des orientations possibles et souhaitables à formuler.
Aussi, le média monitoring aide à faire l’inventaire des options de décisions possibles. Si nous restons dans la problématique de la parité, nous repérons cinq options décisionnelles possibles:
– conférer le statut spécial à Touba,
– installer une délégation spéciale à Touba,
– abroger la loi sur la parité,
– reporter les élections locales,
– accepter la liste de Touba telle qu’elle est.
En même temps qu’il offre une diversité d’alternatives, le média monitoring propose des idées sur les stratégies possibles de négociation et de contournement et donne l’opportunité aux décideurs de préparer un plan prévisionnel, prédictif et réactif avec l’identification des moyens, des démarches et des acteurs à mobiliser en cas d’urgence ou de crise.
Média monitoring, outil de prise de décisions
Le média monitoring constitue ainsi un instrument de prise décision approprié surtout si l’action de veille est prolongée par une analyse approfondie des résultats de l’observation des médias. Pour François Jakobiak, la veille médiatique est « l’observation et l’analyse de l’environnement suivies de la diffusion bien ciblée des informations sélectionnées et traitées, utiles à la prise de décision stratégique ». Au cours du dernier mois, le média monitoring réalisé par le cabinet Afrique Communication a révélé que le Sénégal va abriter plusieurs grandes conférences internationales dont, la conférence et exposition de l’Organisation mondiale des douanes sur les Technologies de l’Information et de la Communication prévue à Dakar en 2015.
Ces informations indiquent des opportunités d’affaires pour les hôtels et les acteurs de l’industrie touristique, pour les agences de communication et d’événementiels, les experts des secteurs concernés. Chacun d’entre eux devrait dès à présent commencer à engager des démarches marketing en direction des organisateurs, à faire des investissements pour anticiper sur les appels d’offres, à mettre en place un suivi des appels d’offres, définir un système de suivi des plans de passation de marché et à construire la relation publique avec les acteurs du secteur et de la mise en œuvre des décisions.
Au total, le média monitoring contribue à la gouvernance publique de l’Etat, des entreprises et des organisations de la société civile en termes de gestion prévisionnelle, d’évaluation des options et des prises de décision et du suivi de la mise en œuvre de celles-ci.
Quelles décisions pour mieux exploiter le média monitoring
C’est pour cela qu’il importe à tous ces acteurs de prendre des mesures appropriées pour exploiter les atouts des dispositifs de média monitoring au Sénégal.
L’Etat devrait renforcer ses pôles de veille stratégique en exploitant les ressources de média monitoring disponible, renforcer les capacités d’analyse média de son personnel chargé de la communication par la formation et le conseil en média monitoring. En effet le média monitoring permettrait d’évaluer les retombées médiatiques des campagnes de communication de chaque ministère sur ses projets ou programmes d’émergence et d’en déduire les points forts et les points à améliorer ainsi que des mesures correctives.
Les entreprises quant à elles devraient utiliser les prestations de service média monitoring pour renforcer leur réflexion stratégique, outiller leur mécanisme de planification et d’aide à la décision, surveiller leurs concurrents et procéder au bilan de leur campagne de communication, etc. Ainsi, les entreprises seraient plus à l’aise dans l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience de leur plan marketing et de leur budget de communication ou de sponsoring
S’agissant de la société civile, il conviendrait de s’organiser en pool pour veiller ensemble sur les problématiques majeures telles que les violences faites aux enfants et aux femmes, les questions de santé de la reproduction et du VIH SIDA, ainsi que sur l’environnement et les changements climatiques, la gouvernance du secteur public en particulier de l’efficacité de l’aide au développement, etc. Ainsi la société civile aura une meilleure visibilité sur les priorités des populations et une meilleure visibilité sur les orientions de ses projets et/ou programmes.
Le CNRA a donné l’exemple de l’utilisation du média monitoring pour la régulation du secteur de l’audiovisuel. L’Etat, les entreprises et les organisations de la société civile gagneraient à s’inspirer de cet exemple pour tirer profit des nombreux avantages du média monitoring et améliorer la performance de leurs activités.
Dr Thiendou Niang
Directeur du Cabinet Afrique Communication
niangthiendou@yahoo.fr