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Université Sénégalaise : De L’espoir à L’abîme

Université Sénégalaise : De L’espoir à L’abîme

L’université où nous avons envoyé nos enfants, nos frères et nos sœurs pour qu’ils en reviennent savants, compétents, aguerris, utiles pour eux même et pour leur nation, est devenue un mouroir pour étudiants. Cette université, jadis temple du savoir, est à présent un terreau de la violence, un champ de tirs, un camp d’entrainement pour nos forces de l’ordre. Ces forces, devenues celles du désordre, s’en sont données à cœur joie dans le matraquage de nos étudiants. Payées, de nos impôts et taxes, pour assurer l’ordre et la sécurité, elles ont apparemment oublié l’essence de leur mission.

Les images de l’université que nous avons vues sont simplement inadmissibles ! Du sang de jeunes étudiants à n’en plus finir, des bras et pieds cassés, des têtes ensanglantées, des portes défoncées, des habits brûlés. Pire, les outils d’apprentissage et de formation de ces braves jeunes détruits. Des cahiers et des livres déchiquetés et des ordinateurs cassés. L’image de ce jeune qui a sauté du premier étage de son bâtiment était intenable. Blessé et très mal en point, il a été pris à partie par une dizaine de policiers qui déversèrent toute leur rage sur ce pauvre garçon au lieu de le secourir et d’assurer sa sécurité. Que ces même gens puissent tirer froidement sur le jeune Bassirou Faye est tout à fait plausible. Cette police, dont on claironne partout son professionnalisme, n’a pas été à la hauteur. Elle n’a pas su maintenir l’ordre dans l’espace universitaire. Elle s’est simplement contentée de mâter nos étudiants et de tuer Bassirou Faye. Comme un chien enragé, elle s’est défoulée sur ces jeunes dont le seul tord a été de réclamer leurs maigres bourses qu’ils étaient censés recevoir il y a 10 mois.

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La situation à l’université est déplorable. Les étudiants ne sont pas exempts de reproches. Nous leur en voulons tous lorsqu’ils nous empêchent de traverser l’avenue Cheikh Anta Diop et qu’ils nous obligent à faire des détours et passer des heures dans les embouteillages. Il nous arrive de les traiter de « mal polis » ou « d’enfants gâtés ». Cependant, une réflexion plus poussée sur le « pourquoi ? » plutôt que sur ces moments de révoltes, nous fait aboutir à la grande part de responsabilité de l’Etat, ou plutôt de son irresponsabilité.

La réforme universitaire en cours a ôté aux étudiants beaucoup d’acquis et a fait naitre, auprès d’eux, beaucoup d’obligations dont la plus importante et la plus amère est surement le montant des inscriptions. Malgré la brutalité de la mesure, le manque de concertation préalable et les conditions financières insoutenables des ménages sénégalais, le montant des inscriptions est passé pour certains de 5 000F à 75 000F. La mesure a été pourtant acceptée. Comment alors comprendre après cet effort considérable des parents et des étudiants que les bourses ne soient pas payées jusqu’au mois d’août ? L’argument, fallacieux du reste, de l’identification des ayants droits ne tient pas la route. Car si l’Etat n’est pas capable d’identifier depuis plus de 10 mois les ayants droits à une bourse, c’est que cet Etat est vraiment incapable. A l’heure du numérique et du traitement automatique de l’information une dizaine de jours devrai t être largement suffisant.

En tout état de cause, la responsabilité de l’Etat est plus que engagé. Si aujourd’hui Bassirou Faye est mort c’est que l’Etat a failli à ses missions. L’Etat a failli dans sa mission d’assurer l’ordre, la sérénité et la sécurité dans l’espace universitaire. L’Etat a failli dans sa mission de garantir une formation universitaire dans de bonnes conditions à ses étudiants. L’Etat a failli dans sa mission de donner une bourse, à temps, aux étudiants qui y ont droit. L’Etat a failli dans la conduite de la réforme universitaire car « on ne peut pas faire passer des réformes en utilisant les muscles » (selon la formule de l’ancien recteur Abdou Salam SALL).

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Dès lors, il est de la responsabilité des plus hautes autorités de l’Etat en l’occurrence le Président de la République et son Premier Ministre de tirer toutes les leçons de cette tragédie et d’agir.

Agir pour que plus jamais un étudiant ne soit tué par les balles des forces de l’ordre censées les protéger.

Agir pour que le problème des bourses n’en soit plus un. Un pays en retard comme le notre ne peut se permettre de perdre tous les ans des semaines, voire des mois de cours pour le non paiement de misérables bourses de 36 000F tandis que les épouses des ambassadeurs sont gratifiées à hauteur de 500 000F.

Agir pour qu’enfin l’université redevienne un espace d’apprentissage, de formation, de recherche et d’échange et non un abattoir pour nos étudiants.

Agir pour que l’université suscite espoir et fierté. Que ces jeunes qui la fréquentent en soit fiers et qu’ils soient sûrs qu’elle leur ouvrira les portes d’un avenir meilleur.

Il est vraiment temps d’agir, car si de l’éducation de nos jeunes dépend l’avenir de ce pays, le moins qu’on puisse dire, aujourd’hui, est que nous allons droit vers l’abîme.

 

Baye Mama FALL

Association des Militants de l’Education pour Tout et pour Tous – AMETT

bayemama@yahoo.fr

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