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Les Inondations: échec De L’aménagement Et De L’urbanisme?

Les Inondations: échec De L’aménagement Et De L’urbanisme?

Les inondations au Sénégal ne connaîtront pas de solution tant que nos insuffisances en planification des territoires, en réglementation urbaine et en politique de logement d’urgence ne seront pas identifiées et corrigées.  À ce moment-là seulement, nous parlerons alors d’une solution structurelle, autrement dit d’un nouveau cadre de planification spatiale prospective et opposable au tiers pour lancer des programmes spéciaux de rénovation et de restructuration des zones urbaines.

 « Pour la fourmi, la rosée est une inondation. »
  Proverbe Indien

Dans une approche objective, contributive et technique d’abord, nous allons démontrer les limites de la logique politique actuelle, en justifiant la nécessité de mettre en place un programme cohérent de relogement d’urgence. Ensuite, nous montrerons la dimension centrale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, aussi bien dans le développement économique des territoires que dans la prévention des risques pour un cadre de vie apaisé. Enfin, nous conclurons en insistant sur le rôle ô combien décisif des collectivités locales pour un développement urbain cohérent.

1-L’octroi de logements neufs : entre démagogie politicienne  et incohérence technique.

Les erreurs du régime actuel ont été de promettre des maisons neuves aux sinistrés et de croire,  très naïf, qu’un prometteur privé peut proposer un montage financier accessible aux ménages pauvres de la banlieue. En effet, nos dirigeants devraient être capables de faire la différence entre les politiques sociales de constitution de parcs locatifs sociaux pour les ménages ne pouvant pas louer dans le privé, sans y mettre plus de 33 % de leur revenu, et les mesures financières et privées d’accession à la propriété dédiées à une classe moyenne solvable auprès des banques.

En principe, le logement social n’est pas à vendre, mais à louer. L’objectif n’est pas de faire  de ces familles des propriétaires, mais de disposer, dans toutes les grandes communes du pays, d’un parc locatif social pouvant offrir un loyer accessible aux familles pauvres ou en détresse sociale. Les projets de logement sociaux ne sont pas rentables, du fait de la gratuité du foncier ou des avantages fiscaux. Leur rentabilité provient principalement du revenu locatif que seul l’État peut se permettre d’étaler pour un retour sur investissement sur 60 voire 100 ans. Au Sénégal, certains bailleurs privés profitent de la détresse des populations et de l’ignorance de nos politiques pour bénéficier d’avantages fonciers et fiscaux sans qu’au rendez-vous la livraison ne soit en qualité, en quantité et à un prix accessible.

Ainsi, l’État sénégalais devrait avoir un programme communal de constitution d’un parc locatif social, même si devant l’urgence des inondations nous ne pouvons pas compter sur ces programmes de logement social locatif que dans 3 ou 5 ans. Cependant, il dispose encore de l’option de pouvoir se constituer un parc locatif sans délai depuis le parc privé dakarois bien fourni. Le relogement dans le privé permet de répondre rapidement à la situation d’urgence des familles en situation de mal-logement, c’est ce qu’on appelle l’intermédiation locative. La France utilise ce dispositif (j’ai eu à travailler dans ce dispositif comme chargé de mission logement) pour loger d’urgence les familles en situation de mal-logement. L’intermédiation locative  reloge les familles en fonction de leur niveau de ressource et en un temps record. Le coût par famille ne dépasse pas 2 millions par an (Salon + 3 chambres) et ce système donne suffisamment de temps à l’État pour lancer les programmes d’étude du phénomène socio-spatiale et les programmes d’indemnisation des sinistrés et de restructuration urbaine. Toujours, avec l’intermédiation que je propose comme solution rapide et peu coûteuse, on a l’avantage de pouvoir vider les sites inondables et de les réhabiliter pour en faire des poumons verts de la ville et des zones de maraichage. Par ailleurs, le fait de vider ces sites classés inondables et inhabitables par le relogement, doit être la première étape de tout programme de restructuration urbaine.

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B / De la planification des territoires à la réglementation  urbaine.

N’en déplaise à ceux qui se sentiraient morveux, j’affirme que ce sont nos carences en planification étatiques et, particulièrement, en planification spatiale qui sont la cause des innombrables sinistres qui sévissent dans le pays, et notamment les inondations. L’aménagement et l’urbanisme ont évolué depuis belle lurette et font aujourd’hui partie des sciences de la prospection et du développement économique territorial. L’aménagiste et l’urbaniste ne sont plus des techniciens intervenants dans des projets précis et ponctuels et encore moins des bureaucrates. Aujourd’hui nous en sommes à la prospection des ressources et des opportunités des territoires, à l’analyse des risques et des dynamiques socio-spatiales dans l’objectif d’une occupation et d’une exploitation des plus judicieuses des territoires. Nous en sommes à la protection de l’environnement, à la protection des terres et activités agricoles et à l’indication des zones habitables, des écosystèmes à protéger et des terres inondables. L’aménagiste et l’urbaniste sont devenus des chefs de projet appelés à coordonner différents corps d’experts (économistes, agronomes, paysagistes, architectes, génie civil et matériaux, environnementalistes, sociologues..) afin d’intervenir dans la fabrication des villes, la valorisation de la ruralité et la circonscription des zones propices à l’économie des territoires et à la définition des règles et procédures de zonages, de construction et d’habitation.

In fine, Il nous appartient donc de comprendre les dynamiques, les forces et les formes de chaque territoire pour en utiliser pleinement les atouts tout en maîtrisant les risques. En somme, il faut un cadre juridique opposable au tiers (autrement dit une loi technique sur l’aménagement du territoire et sur l’urbanisme municipal et dans une logique de développement territorial et de contrôle de l’espace urbain) et qui s’appuie sur des structures de prospection qui matérialisent l’orientation de l’État en matière d’aménagement des terres, de planification des infrastructures, de protection de l’environnement, de développement territorial et du cadre d’habitat. C’est donc par des PPT (Plan de Planification Territoriale) à l’échelle de chaque territoire que nous allons pouvoir organiser le territoire en zone, suivant les potentialités et les risques avec un zonage suivant :

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Zone A : agricole et environnementale

Zone B : zone d’habitation

Zone C : commerciale, Industrielle, touristique

Zone D : zone de transit et projets spéciaux (infrastructures structurantes allant jusqu’à l’aménagement d’une infrastructure numérique des territoires). Malheureusement, dans ce pays bon nombre de ceux qui se présentent comme des urbanistes ont fait de la géographie urbaine, donc n’ont aucune compétence en ingénierie de la planification et encore moins en technique de réglementation urbaine…

C – les collectivités locales : acteurs majeurs du développement urbain.

Une fois que la planification spatiale a identifié les territoires du Sénégal et indiqué  le bon usage de chaque territoire à travers un cadre juridique, réglementaire et organisationnel (PPT), l’urbanisme intervient par la suite à l’échelle communale avec la collectivité territoriale comme chef de projet du Plan d’Urbanisme (PU) et du plan de zonage. Cette planification urbaine et cette réglementation municipale portées par la municipalité doivent être conformes au PPT en vigueur sur le territoire et doivent s’inscrire dans une logique de contrôle et de maîtrise de l’espace urbain. La détermination de la zone (B) habitable, donc à urbaniser, permet d’éviter les problèmes des inondations, car le cadastre ne peut autoriser l’occupation à des fins d’habitation pour un site zoné inondable, humide, agricole, commerciale ou industrielle par le PPT et donc le PU. Le PU et le Plan de Zonage doivent être des documents juridiques qu’on oppose aux citoyens et que la municipalité doit strictement respecter une fois validés et déclarés conformes au PPT.

Au Canada, par exemple, une municipalité ne peut changer l’usage d’un site sans une procédure encadrée par la LAU (Loi sur l’Aménagement du territoire et l’urbanisme). Nous devons donc comprendre que les collectivités locales doivent demeurer les ouvriers et les sentinelles d’un développement urbain durable par une intégration de la gestion du risque dans une planification urbaine totalement assumée et acceptée par les collectivités territoriales. Pour ce faire, la collectivité territoriale doit se doter d’une planification urbanistique opposable au tiers de par la Loi, conforme au PPT et par la suite basée sur une analyse des composantes telles que l’urbanisation existante, les projets à venir, le régime des pluies et la nature des sols. Ainsi, dans le long terme, nous devons évoluer vers des solutions de planification urbaine, de gestion des eaux pluviales et de réglementation de l’habitat.

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Je termine en rappelant que si gouverner c’est d’abord prévoir, c’est aussi agir par la suite pour avoir des résultats attendus par les populations. La planification spatiale, globale et stratégique où les 3 composantes d’une Planification Étatique permettent d’anticiper les risques, de comprendre les enjeux et pour ensuite faire une programmation de l’action publique permettant d’éviter nos éternels échecs dans la mise en œuvre et c’est sur ce point que nos gouvernants pèchent depuis les indépendances ! Quand la vision politique est dans le brouillard, quand les cafouillages dans la communication politique deviennent chroniques et que les résultats se font désirer, on réunit sans conteste les symptômes d’une carence en planification étatique, en programmation des programmes d’action et projets et par voie de conséquence on aboutit à une incapacité à exécuter une gestion axée sur les résultats. La planification bonifie la vision politique. Quand la vision est claire, la programmation devient possible et sa mise en œuvre passe comme une lettre à la poste. Je terminerai ce texte en rappelant cette définition de la planification qui résume son importance : « La Planification (…) relève de la philosophie de la science, elle renvoie à l’utilisation de la science dans l’encadrement des actions à effectuer. » (CAMHIS, 1979)

 

Moussa Bala Fofana (CanadaMontréal)

Moussa Bala FOFANA

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