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Discipline Et Développement

Discipline Et Développement

Les économistes divergent sur la compatibilité entre la démocratie et l’efficacité économique.

Le prix Nobel d’économie, Amartya Sen, pense que les droits civiques et politiques, comme la liberté d’expression, le droit de vote, l’existence d’une presse libre et la participation, poussent les gouvernements à rendre compte de leurs actions et à prévenir les crises économiques comme les famines.

D’autres économistes, se fondant sur le modèle des dragons et tigres asiatiques, défendent que la transformation économique et sociale ne peut se faire que dans le cadre d’une stabilité et d’un contrôle politique strict. Singapour est aujourd’hui le modèle le plus achevé de cette école dite de «l’autoritarisme capitaliste». Considérant que l’ordre social et la discipline sont nécessaires pour mener les réformes indispensables pour accélérer la croissance et le développement, le Premier ministre Lee Kuan Yew a mis en place à Singapour un «Etat fort» basé sur un système de restriction des libertés qui, paradoxalement, a reçu le soutien de ses compatriotes. S’il en est ainsi, c’est parce que cette politique a produit des résultats remarquables en termes économiques, faisant des Singapouriens de nouveaux riches et de leur pays un centre mondial de la manufacture industrielle et des services. En outre, le leader singapourien a eu comme unique préoccupation d’améliorer le bien-être de ses concitoyens et non de perpétuer son règne, en niant leurs droits les plus élémentaires comme c’est le cas dans certains pays en développement.

Le modèle singapourien, inspiré lui-même de celui du Japon d’après guerre, a fait des émules ailleurs dans le monde, notamment en Malaisie, sous Mahathir Mohamed, et en Chine, dans les zones économiques spéciales. Les performances de ces différents pays illustrent certaines vertus de «l’autoritarisme capitaliste», dans la phase qui conduit à l’émergence des pays pauvres, en échangeant un peu plus de croissance avec un peu moins de liberté.

Cependant, même les partisans du «modèle singapourien» conviennent que le style autoritaire ne peut pas survivre à la prospérité, d’une part parce que, devenus indemnes de la misère, les citoyens demandent plus d’ouverture démocratique, mais aussi du fait que la créativité permanente qu’exige l’économie du savoir ne peut être satisfaite que dans un cadre de liberté. Par ailleurs, des pays comme Maurice ont réussi à concilier une démocratie parlementaire active et une croissante forte, faisant de cette nation un îlot de prospérité et de maturité politique dans l’ensemble africain.

D’autres pays, comme les Philippines, offrent un contre-exemple, combinant une démocratie vivace mais instable et un faible dynamisme économique qui en fait un cas hors normes dans le Sud-Est asiatique émergent. Enfin, des exemples de pays cumulant une mauvaise gouvernance économique et politique font légion dans le monde.

Dans ce tableau multiforme, les recherches statistiques menées par le FMI et par d’autres instituts ne parviennent pas à départager les partisans de la liberté et ceux de l’autoritarisme. En d’autres termes, la corrélation entre le degré de contrôle politique et les résultats économiques est peu claire.

Mais, ce qui est constant, c’est qu’aucun pays n’a réussi à se développer dans un contexte de relâchement des comportements des citoyens, des élus et des agents de l’Etat. Indépendamment du modèle politique, la discipline, à tous les niveaux, s’impose, partout, comme une condition sine qua none du développement.

Et, la discipline n’est rien d’autre, comme le dit le dictionnaire, qu’une «règle de conduite commune aux membres d’une collectivité destinée à y faire régner le bon ordre».

Elle peut et doit être restaurée au Sénégal, tout en consolidant le choix du système de démocratie participative, en éduquant les citoyens (y compris, en encourageant la pratique des arts martiaux, comme le taekwondo, chez les jeunes), pour renforcer leur sens civique, puis en mettant un terme aux actes d’indiscipline caractérisée (occupation irrégulières des rues, constructions anarchiques, tapage nocturne, non respect des règles d’hygiène, laxisme, absentéisme, etc.), en appliquant rigoureusement, et dans tous les secteurs de la vie nationale, les normes standards menant à l’émergence économique et sociale. Et, il est heureux que plusieurs Imams aient abondé dans le même sens dans leurs sermons de la prière de la tabaski.

En somme, il nous faut réconcilier Amartya Sen et Lee Kuan Yew, en trouvant la voie médiane d’une liberté régulée. Le premier pas serait de remettre sur les rails le dispositif de suivi de la Discipline nationale qui a fonctionné un moment à la Primature.

 

Moubarack LO

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