Le président de la République a la mission essentielle de définir la stratégie du pays et d’indiquer le cap à tenir pour accélérer le développement économique et social.
A cet effet, le Président Sall, suivant en cela son prédécesseur, le Président Wade, a choisi le réalisation de grands chantiers comme la «nouvelle frontière» à atteindre, justifiant cette option par une volonté de mener le Sénégal vers l’émergence..
D’autres explications peuvent être également avancées, comme la recherche d’une visibilité immédiate de l’action publique, de manière à consolider le soutien de l’électorat qui pourra dire que «le président travaille».
Les plus sceptiques peuvent aussi avancer l’hypothèse du financement électoral du parti au Pouvoir ; les liens entre les hommes politiques et les entrepreneurs qui gagnent des marchés publics faisant, partout dans le monde, l’objet de constantes rumeurs.
Quel que puisse être le véritable fondement de ces chantiers, personne ne peut nier que, s’ils sont effectivement réalisés, ils créeront de la valeur et des ouvrages de longue durée de vie.
Mais, deux questions ne peuvent manquer d’être posées. Une question de pertinence d’abord : ces chantiers sont-ils réellement les plus urgents pour mériter de focaliser toute l’attention du président au risque de générer des difficultés plus grandes ailleurs? Une question d’efficacité ensuite : ces chantiers permettent-ils, en eux-mêmes, de résoudre les vrais problèmes du Sénégal?
Globalement, on peut penser que la plupart des projets annoncés (dont certains sont retracés dans le Programme Sénégal Emergent, PSE) sont de bonnes idées et méritent d’être réalisées sur le moyen et le long termes. Mais, en consacrant toute son énergie à ces chantiers, le président Sall se détourne de priorités plus fortes, accordant peu d’intérêt aux vraies urgences du pays. Une illustration en est qu’il parle rarement, dans ses interventions publiques, et ne s’occupe, dans son action quotidienne, qu’avec dilettantisme, des vraies questions que sont : la levée des contraintes qui bloquent notre productivité, notre compétitivité et notre croissance économique, la promotion de la manufacture et du potentiel technologique du pays, la modernisation agricole ou la réduction durable de la pauvreté par le biais d’initiatives innovantes. Pour lui, les seuls et uniques nouveaux viatiques, ce sont les chantiers d’infrastructures du PSE (résumés pour l’instant à des projets de logements à Diamniadio et à Dakar).
Or, la responsabilité veut que, plutôt que de gouverner à travers des coups médiatiques, un leader politique parte de la situation réelle de son pays pour définir les actions à conduire sur le court, moyen et long termes.
Aujourd’hui, le Sénégal souffre d’un double déficit : un déficit de dynamisme économique (la croissance économique ne dépassant pas 3,2% en moyenne ces dix dernières années, parmi les plus faibles en Afrique de l’Ouest, dans un contexte de désindustrialisation rampante et de crise paysanne) et un déficit d’offre sociale (notamment pour les villages, communautés rurales et zones urbaines et péri-urbaines qui manquent encore de routes, de postes de santé, d’eau potable, d’électricité et d’opportunités de revenus et d’emplois).
Elu pour conduire le Sénégal vers le chemin du véritable développement (« Yoonu Yokkuté »), le Président Sall ne semble pas, pour l’instant, avoir bien compris le vrai chemin qui y mène.
Moubarak Lo
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