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L’autosuffisance En Riz Est Bel Et Bien Possible Au Sénégal

L’autosuffisance En Riz Est Bel Et Bien Possible Au Sénégal

Une problématique aussi importante — que dis-je, vitale ! — pour notre pays aurait mérité un meilleur sort, assurément. Hélas, aussitôt émise, cette belle idée a été noyée dans le flot ininterrompu de nouvelles de toutes sortes qui caractérise la vie nationale.

C’est à peine si elle a constitué la manchette des journaux ou si elle a retenu l’attention des commentateurs. Lesquels, il est vrai, s’intéressent plus à la liste des “Lions” –qui-ne-gagnent- jamais publiée par l’entraîneur national Alain Giresse, ou au prochain choc de mastodontes de la lutte, voire à la sortie de la cassette de telle star sur le déclin, si ce n’est la dernière histoire de cœur d’une starlette connue du seul landerneau dakarois qu’aux questions d’intérêt national !

En tournée dans le Nord du pays, donc, il y a une dizaine de jours, le président de la République s’est lancé et a lancé aux producteurs de la Vallée un défi de taille : celui de réaliser l’autosuffisance du pays en riz afin qu’à partir de 2017, plus aucune tonne de cette céréale ne soit plus importée par le Sénégal. Y a-t-il donc, aujourd’hui, problématique plus importante pour les Sénégalais que nous sommes que celle de notre alimentation ?

Or, celle-là est constituée essentiellement par le riz qui constitue notre denrée de base. Le “thiébou dieune” n’est-il pas notre plat national ? Hélas, cette denrée, nous ne la produisons pas, ou si peu. Pour l’essentiel, nous l’importons à coups de milliards depuis notre indépendance — pour ne pas remonter plus loin. Une tyrannie du riz qui coûte excessivement cher aux finances publiques à côté de la facture d’hydrocarbures. Pensez donc : rien qu’en 2011, les importations de riz ont coûté au Sénégal 175 milliards de francs. Pas étonnant dans ces conditions que notre balance des paiements soit si déficitaire, un véritable gouffre !

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Face à une telle saignée de devises, un minimum de bon sens voudrait donc que nous produisions nous-mêmes cette céréale pour réduire notre facture des importations à hauteur des milliards décaissés chaque année pour acheter du riz principalement en Asie, notamment en Thaïlande, au Cambodge, en Inde ou au Viet-Nam. L’argent ainsi économisé resterait au pays et ferait travailler des Sénégalais. Sans compter qu’il est même dangereux pour un pays, sur un plan purement stratégique, de dépendre totalement de l’étranger pour son alimentation.

Or, le Sénégal dispose de toutes les conditions requises pour produire du riz : des centaines de milliers d’hectares de terres irriguées, donc avec de l’eau en abondance, une expertise en matière de riziculture, un ensoleillement exceptionnel, des paysans travailleurs. Mieux, les rendements à l’hectare dans la Vallée sont parmi les meilleurs au monde.

Certes, les coûts d’aménagement de la Saed (Société d’Aménagement et d’Exploitation du Delta) sont parmi les plus élevés d’Afrique pour ne pas dire du globe du fait en particulier de la lourdeur bureaucratique de cette structure, certes le financement constitue un goulot d’étranglement — normal du fait de l’inexistence de titres fonciers, d’où l’impossibilité pour les banques de prendre des garanties — mais enfin, la vallée du fleuve Sénégal et aussi le bassin de l’Anambé sont des zones rizicoles par excellence.

Depuis des décennies, en particulier au Nord, des groupements d’intérêt économique (Gie) s’y adonnent à la culture du riz, épaulés par la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (Cncas) et la production qui y est réalisée — au bas mot 300.000 tonnes par année — pourrait même nourrir les Sénégalais pendant au moins cinq mois voire la moitié de l’année.

Il suffirait donc d’investir davantage dans cette Vallée, que les paysans bénéficient de plus d’encadrement et que l’accès au crédit leur soit facilité, il suffirait également qu’ils disposent d’équipements comme les moissonneuses-batteuses pour qu’ils réalisent des récoltes records. Et, pourquoi pas, réalisent l’autosuffisance alimentaire. Laquelle, contrairement à ce que soutiennent les nihilistes, est parfaitement possible. Peut-être pas à l’horizon 2017 mais sans doute aux environs de 2020 si toutes les conditions sont réunies.

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Et de toutes façons, un tel objectif ne pourra être atteint que graduellement, par étapes. L’essentiel c’est d’y croire, de vouloir y parvenir et de s’en donner les moyens. Qui veut peut, a-t-on l’habitude de dire. Et le président de la République a eu raison de fixer cet objectif qui est loin d’être irréaliste.

En fixant l’horizon 2017, il sait sans doute que le délai est trop court pour l’atteinte de cet objectif mais il a sans doute fait exprès pour galvaniser les producteurs et les pousser à se surpasser de manière à ce que même si en 2017 ils ne parviennent pas à réaliser l’autosuffisance qu’ils aient au moins effectué des pas de géant et un grand bond en avant en direction de l’objectif fixé. L’essentiel, encore une fois, c’est d’y aller hardiment et résolument.

Or, plutôt que d’encourager le président de la République dans ce seul combat qui vaille, celui consistant pour les Sénégalais à cultiver ce qu’ils mangent, ne voilà-t-il pas que des Cassandres prédisent déjà… l’échec de cette bataille. Et ce avant même qu’elle n’ait commencé ! Après quoi, on est retourné à la seule chose que l’on sait faire vraiment dans ce pays : la politique politicienne. Déjà, certains sont en train d’échafauder des stratégies pour… 2017, l’élection présidentielle bien sûr, alors même que les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, sont, eux, obsédés par le présent !

Mais bon, ainsi sommes-nous. Plutôt que d’entreprendre quitte à rencontrer l’échec au bout, ils préfèrent jeter l’éponge dès le départ et dire que c’est mission impossible ! Si c’était les Asiatiques qui étaient aussi dépendants que nous de l’étranger pour leur alimentation, ils auraient considéré leur autosuffisance comme un défi et se seraient donné les moyens de le relever !

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C’est pourquoi, ne réussissons jamais rien et nous sommes fait dépasser par les Asiatiques depuis longtemps. Pour ces derniers, la seule limite à leurs efforts, c’est le Ciel. Ils cherchent tous les jours à conquérir des Bastilles industrielles, scientifiques, commerciales, agricoles tandis que nous, comme les vaches, nous regardons les trains du progrès passer ! A ce niveau, nous osons quand même une suggestion : si on avait donné les terres de la Vallée aux marabouts mourides, il y a longtemps que le Sénégal aurait atteint l’autosuffisance en riz.

Pour le reste, ne nous leurrons pas : au vu du niveau lamentable de ses étudiants — dont au moins une génération peut être considérée comme perdue —, au vu également de l’incapacité chronique et congénitale de la Senelec à produire suffisamment d’électricité, le Sénégal ne sera jamais émergent. Soutenir le contraire, serait un leurre.

Par contre, il pourrait au moins poursuivre l’objectif raisonnable de nourrir sa population ! Ce qui fait que, ventre plein Nègre étant content, les lutteurs que nous produisons en masse pourront livrer tous les combats qu’ils veulent, et nos danseurs trépigner tout leur soûl. Car une Nation de “mbeurs” et de “mbandkat”, nous serons à l’horizon 2050, à défaut d’avoir un pays d’ingénieurs et de scientifiques. Car, encore une fois, pour l’émergence, il nous faudra repasser !

 

Mamadou Oumar Ndiaye

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