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Pour Une Réforme De Notre Système éducatif

Pour Une Réforme De Notre Système éducatif

« La performance d’un système éducatif se mesure à l’aune de la qualité du produit qu’il forme ».

Le Sénégal s’est toujours glorifié de la qualité de ses ressources humaines, qualité qui est mondialement reconnue et qui lui a valu la présence remarquable et remarquée de ses fils dans les hautes instances de décision des organismes internationaux et dans les institutions sous-régionales, régionales et internationales. Cela, il le devait et le doit encore à la qualité de son système éducatif dont la réputation n’est plus à démontrée. Aujourd’hui c’est devenu un secret de polichinelle que le talon d’Achille de ce système éducatif est la baisse progressive de niveau constatée à tous les niveaux d’enseignement.

Les raisons de ce déclin progressif sont à chercher dans la conjugaison d’un ensemble de facteurs socioéconomiques, politiques, pédagogiques, etc. dont l’analyse profonde exige une expertise diversifiée et pointue. Par conséquent, il serait prétentieux de notre part que de vouloir en faire le diagnostic exhaustif ici encore moins de préconiser les solutions idoines. Toutefois notre ancienne appartenance à ce secteur et l’intérêt que nous lui portons pour la place qu’il occupe dans le développement de toute nation, nous autorisent à y jeter notre regard critique afin de partager avec vous notre modeste point de vue sur la question et dégager quelques pistes de réflexion.

L’une des principales causes de cette dégradation tant décriée de la qualité de notre système éducatif est l’absence d’une gestion planifiée et rigoureuse prenant en compte tous les déterminants humains (amélioration de la formation initiale et continue – valorisation de la fonction enseignante), infrastructurels (construction et équipements), pédagogiques (adaptation des contenus et définition de nouveaux curricula), etc. Nos dirigeants ont longtemps dormi sur leurs lauriers, se contentant de notre héritage colonial, avantagés que nous étions par notre position privilégiée dans l’Afrique occidentale française qui eut comme capitale Saint louis où fut créée la première école française en 1817 par Jean Dard. Cela a eu comme conséquence un délaissement (volontaire?) de l’école publique au profit du privé dont la croissance anarchique et incontrôlée n’est pas sans conséquences néfastes sur la qualité des enseignements que nous décrions tous, . La baisse de niveau de nos élèves et étudiants a atteint des proportions inquiétantes.

Il s’y ajoute que les profondes mutations sociologiques et économiques intervenues dans notre tissu social ne cessent d’introduire de nouveaux paradigmes exigeant de nouvelles approches dans la délivrance du savoir et de manière globale dans la gestion du système. De nos jours, avec la démission avérée des parents dans l’éducation des enfants, l’enseignant qui n’éduque plus (en a-t-il les moyens?), se contentant seulement d’instruire (et encore !), la rue et les autres environnements (télévision, Internet, etc.) ont malheureusement pris le relais, puisque la nature à horreur du vide.

Les rapports enseignants-enseignés, et enseignants-Etat, déterminants dans l’instauration d’une atmosphère propice à la transmission du savoir, ont négativement changé, installant une crise d’autorité sans précédent qui impacte tout le système. L’enseignant, ayant prêté le flanc de par son comportement très souvent répréhensible envers ses autorités et ses élèves (le métier n’étant plus un sacerdoce pour lui), n’est plus vu comme un modèle, il est maintenant démythifié par l’élève qui, victime d’un manque de repères et de références solides tente d’imiter ce qui lui vient d’ailleurs. S’installe alors une logique de tension et de conflits permanents de tous ordres préjudiciables à une bonne marche de l’école, et partant, à une qualité des enseignements.

Un de nos anciens ministres de l’Education trouvait, à chaque occasion qui lui était offerte, le malin plaisir de dire partout qu’il était un élève turbulent, qu’il fut renvoyé de toutes les écoles qu’il a eues à fréquenter et qu’il a fini en prison pour fait de grève et que c’est de là-bas qu’il a eu à préparer sa licence. N’était-ce pas là le meilleur moyen de faire l’apologie de l’indiscipline et ainsi de donner le mauvais exemple aux jeunes élèves et étudiants en leur faisant croire par la preuve que être indiscipliné n’empêchait pas la réussite? Une des conséquences perceptibles de son autoglorification mal placée est que son passage au Ministère a été marqué par deux à trois faits inédits : le célèbre étudiant Mbathe qui avait battu publiquement son professeur, un ministre qui se querellait avec les enseignants à l’occasion de fora qu’il organisait partout dans le pays et, le comble, une année blanche dont notre système éducatif continue toujours de subir les contrecoups.

L’avènement de l’alternance a coïncidé, fort heureusement pour le régime sortant, à la finalisation du Programme Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF) pour la conception duquel votre serviteur a participé à travers la rédaction du volet informatique. Première ébauche d’une véritable planification dans notre système, elle remplaçait la politique des projets dispersée et peu efficace par celle d’un programme décennal, plus cohérent, mieux structuré et axé sur des résultats. Cela lui a permis de faire de grandes réalisations sur le plan de la construction et de l’équipement de nouveaux établissements au point de presque résorber l’énorme gap qui existait.

Si, à ce niveau, l’équation de l’accessibilité géographique est en grande partie résolue par le grand nombre d’écoles et de lycées construits un peu partout, il n’en est pas de même de l’accessibilité économique et la qualité des enseignements. L’éducation est plus que jamais coûteuse et la qualité n’y est plus au grand dam des parents et de toute la nation. Quoi de plus normal pour un gouvernement qui ne mesure ses performances que par sa capacité à dépenser, peu important pour lui l’efficacité et l’efficience (40% du budget national est dit être consacré à l’éducation)?.

Nécessité de refonte des programmes

Sur le plan des contenus, notre système éducatif, largement inspiré par celui de la France, pour ne pas dire calqué sur celui-ci, une véritable singerie asynchrone puisque toujours en retard de plusieurs grimaces, devrait être réformé en profondeur pour enfin épouser nos réalités sociologiques, économiques et religieuses. C’est quoi pour nous un jeune homme bien formé ? Est-ce un jeune homme de 25 ans, agrégé ou titulaire d’un doctorat et qui ignore totalement les fondamentaux de sa religion (connaissances de base de ses obligations religieuses), maîtrise plus l’histoire de Napoléon, des romains, de Gandhi que celle de Cheikh Ahmadou Bamba ; Elhadj Omar, Elhadj Malick, Ndaté yalla, etc. ? Un tel jeune capable de dessiner, les yeux fermés, la carte de l’Europe, de l’Amérique et de l’Asie et d’y ajouter les caractéristiques géographiques et qui ignore totalement où se trouve le bassin de l’Anambé et le potentiel hydro-agricole qui s’y trouve, le dandé mayo, les énormes falaises du Bandiagara est-il bien formé à nos yeux? Assurément non.

Au milieu des années 80 on avait assisté à la création d’une structure dite de «formation continuée» qui théoriquement devait appuyer la formation continue des professeurs de quelques disciplines (mathématiques, français, anglais, etc.) et qui était financée par la coopération française. En réalité le but était moins de nous aider à améliorer nos enseignements que de régler un problème économique auquel la France était confrontée.

En effet avec les changements fréquents de programmes très bien réfléchis, les éditeurs français se retrouvaient avec d’énormes stocks de manuels didactiques devenus obsolètes dont il fallait trouver le moyen de s’en débarrasser. Quoi de plus ingénieux que de nous faire adopter aveuglément ces programmes abandonnés pour trouver un marché pour leurs éditeurs ?

La crise que nous décrions ici, comme dans tous les secteurs de la nation, est, pour nous, avant tout d’ordre identitaire, une perte de valeurs, une absence de repères et de référentiels. Sa conséquence première est une acculturation qui nous rend vulnérables et sa résolution passera inéluctablement par l’école à travers un recentrage des contenus sur nos valeurs culturelles et sociales. La pire des dominations n’est ni économique, ni militaire, elle est culturelle. Et dans ce rendez-vous du donner et du recevoir cher à Senghor, celui qui ne sait pas qui il est, est facilement aliénable et subit inéluctablement le diktat de l’autre.

Enfin un des maillons faibles de notre système éducatif est la place réservée à l’enseignement religieux. Celui-ci devra systématiquement être introduit à tous les niveaux d’enseignement afin que le jeune sénégalais qui termine le cycle secondaire puisse maîtriser parfaitement ses obligations de bases (Farata) pour les musulmans et catéchisme pour les chrétiens. Les contenus devront aussi être revus et adaptés à nos réalités socioculturelles ; l’histoire de nos grandes figures et leurs hauts faits d’armes, la géographie de nos régions, nos valeurs culturelles et morales, notre système philosophique, notre histoire ancienne et contemporaine, sont entre autres autant de contenus qui doivent, enfin, prendre leur place dans nos enseignements.

En résumé le nouveau gouvernement doit consolider les acquis et mettre en chantier les améliorations. A ce titre, nous pensons qu’il est nécessaire de:

 

Mor Ndiaye Mbaye

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