« Que chacune et chacun d’entre nous essaie selon ses moyens d’éteindre ce feu. Nous le devons au Sénégal qui nous a tout donné » disait fort justement mon ancien à l’Université Gaston Berger, le journaliste Gorgui Wade Ndoye se prononçant sur l’actualité politique de notre pays.
Par principe mais surtout pour observer la réserve que m’enjoint ma profession, je me suis toujours interdit, du moins publiquement, de réagir sur cette actualité politique. Mais au regard de la tension politique ambiante dans ce pays avec les prodromes qui s’amoncellent et présagent de lendemains lourds de dangers, aucun citoyen n’a plus le droit de se complaire dans cette position complice de spectateur non concerné face à la déviation de nos dirigeants politiques, surtout lorsque cette déviation peut avoir pour conséquence de compromettre la stabilité de notre cher pays, stabilité à laquelle nous devons tous nous sentir viscéralement attachés. Eh oui, il n’est point besoin d’être grand clerc pour se rendre à l’évidence qu’il y a lieu de se faire du mouron et qu’il ne manque plus que l’allumette pour mettre le feu aux poudres.
Face à cette situation, chaque sénégalais est interpellé dans sa conscience de citoyen pour répondre à la problématique suivante : l’emprisonnement, même injustifié voire injuste d’un citoyen, fût-il fils d’un ancien Président, est-il suffisant pour installer le chaos dans ce pays ?
Pour ma part, sans fard ni gant, je réponds péremptoirement par la négative. NON, NON et NON. Je le dis avec d’autant plus de conviction et d’objectivité que ma modeste expérience de 15 années de gestion d’établissements pénitentiaires m’a permis de constater que nos prisons sont remplies de personnes qui n’ont absolument rien à y faire parce que injustement condamnées, mais qui acceptent stoïquement leur sort.
Combien sont-ils en effet les malheureux innocents qui croupissent en prison purgeant de longues peines du seul fait de la mauvaise foi d’un mis en cause qui a voulu, pour une raison ou pour une autre, les entraîner dans sa chute ? Combien sont-ils ceux qui se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment et qui se sont vu imputer une infraction qu’ils ont nié à cor et à cri avoir commise ?
Qu’en serait-il si les familles de ces personnes décidaient de contester leur incarcération notamment par la sédition ?
Disons-le clairement, la confrontation ne sera profitable à personne. Bien au contraire, elle risque de se transformer en un cancer politique et social qui va ronger insidieusement notre tissu social et le diviser en factions divergentes avant de le faire plonger dans la confusion globale et l’insécurité.
La gravité de la situation, exige de chacun d’entre nous de ne ménager aucun effort pour mettre un terme à cette escalade avant que l’embrasement ne se produise.
Allah Le Tout Puissant nous ordonne la vigilance, la lucidité et la probité pour analyser les problèmes dans leur genèse, leur déploiement et leurs conséquences. C’est en cela que notre bien aimé Prophète (PSL) nous a montré deux voies de salut contre la ‘’ fitna ‘’ ou le chaos.
La première, lorsque nous sommes dans l’incapacité de discerner, est de refuser de prendre position et de polémiquer.
La seconde est de donner les instruments de clarification pour lever les ambiguïtés. Il ne s’agit pas de dire tout le monde est responsable pour finalement n’imputer la responsabilité à personne.
Il ne s’agit pas non plus de faire dans la langue de bois ou de faire dans l’hypocrisie. Il s’agit tout simplement de dire la vérité aussi déplaisante qu’elle puisse être : l’opposition tout comme les tenants du régime en place s’enferment dans des égoïsmes partisans et sectaires et se focalisent sur le pouvoir soit pour le conquérir soit pour le conserver et cela à n’importe quel prix au lieu de mettre le curseur sur l’intérêt de la patrie et son développement qui doivent constituer à nos yeux à tous le premier et le plus sacré des impératifs.
Il y a lieu de renvoyer dos à dos voire de morigéner ceux qui, avec un ‘’jusqu’au-boutisme’’ inapproprié menacent de brûler ce pays et les impétueux qui rétorquent avec assurance que force restera à la loi.
Faut-il leur rappeler à tous que la même atmosphère délétère avait prévalu à la veille des échéances électorales de 2012. Personne ne s’étant interposé entre les deux camps, ce que tout le monde redoutait, se produisit malheureusement avec la mort d’une dizaine de nos compatriotes dont l’étudiant Mamadou DIOP et le policier Fodé NDIAYE.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il serait regrettable que l’hydre de la violence s’invite à nouveau dans le champ politique et que, non pas plusieurs, mais qu’un seul compatriote en arrive à perdre la vie. Rappelons à ce propos les avertissements du Tout Puissant dans son Noble Coran « Quiconque tue intentionnellement un croyant, sa rétribution alors sera l’Enfer, pour y demeurer éternellement. Allah l’a frappé de Sa colère, l’a maudit et lui a préparé un énorme châtiment » Sourate 4, Verset 93 «…ne détruisez point la vie qu’Allah a rendu sacrée … » Sourate 17, Verset 33 « … Entraidez-vous dans l’accomplissement des bonnes œuvres et la piété et ne vous entraidez pas dans le péché et l’agressivité… » Sourate 5, Verset 2.
Le silence n’est plus permis.
Nous ne pouvons plus nous engoncer dans le mutisme et adopter une attitude qui pourrait être qualifiée de parve, il nous faut réagir. Nous sommes donc tous interpellés, autorités religieuses, coutumières, militaires, régulateurs sociaux, société civile, porteurs de voix, simples citoyens pour réagir avec courage et lucidité et nous poser en solides remparts contre l’agitation qui s’annonce. Embouchons tous la même trompette et disons : Halte aux discours byzantins, Halte aux philippiques !
Que ceux qui, comme moi, n’ont que leur plume pour s’exprimer la trempe non pas dans du vitriol mais dans l’encre de la sagesse !
Que ceux qui peuvent parler parlent là aussi avec sagesse et modération mais surtout qu’ils disent la vérité ! Mais il ne suffit pas d’appeler la paix de tous ses vœux pour l’obtenir. Les « paroles verbales » comme disent les diplomates ne sauraient suffire pour garantir la paix. Il faut aussi agir dans le sens de la favoriser.
Que ceux qui peuvent entreprendre des initiatives propres à ramener les uns et les autres à la raison s’y mettent dans les meilleurs délais !
Les protagonistes ne sauraient être sourds à toutes ces objurgations. Nous ne pouvons nous permettre de sous-estimer les risques que cette tension politique fait courir à notre pays car le danger n’épargnera personne comme nous l’apprend le Coran « Et craignez une calamité qui n’affligera pas exclusivement les injustes d’entre vous … ». Sourate 8 Verset 25.
Il n’y a qu’à voir les foyers de tension autour de nous et à travers le monde avec leur lot quotidien d’horreurs pour savoir que le bon sens nous commande de tout faire pour assurer la sauvegarde de la stabilité de notre pays qui est un acquis fondamental. Ce n’est pas intelligent de s’asseoir sur une branche et de s’atteler à la scier. Le vieux sage avait d’ailleurs raison de dire : « balaa ngay xam ni jaam neexéé nga yendu ci fitna ».
Alors œuvrons tous pour consolider la paix sans laquelle la vie n’a aucun sens. Nous le devons bien à notre pays. Dieu veille sur la barque ‘’ SUNUGAAL ‘’ !
Jummah Mubarak !!!
Mohamed Lamine Diop
Inspecteur de l’Administration pénitentiaire