Peut-on encore soutenir que « l’école fait l’homme » ?
L’affirmer suscitera des débats contradictoires, eu égard au fait que le secteur de l’éducation et de la formation sénégalaise a perdu son lustre d’antan.
L’école sénégalaise est malade, si bien qu’elle ne semble plus viser les objectifs qu’elle s’est fixée dans le cadre du développement de notre pays.
Ces problèmes, de plusieurs ordres ont dénaturé l’école à cause des politiciens, qui la manipulent à leur guise par le truchement des syndicats d’enseignants, d’étudiants et élèves. Les vrais problèmes sont relégués au second plan et rangés aux calendes grecques.
Aujourd’hui, au Sénégal on assiste à la prolifération anarchique des écoles boutiques, dont le seul objectif, est l’enrichissement. Ces écoles dont les promoteurs ne sont pas des professionnels ne se soucient plus des critères exigés par le ministère de tutelle.
Car, ceux-ci constituent un frein à leur enrichissement. Ainsi, assiste-t-on à une formation au rabais et au développement de la médiocrité culturelle. Les élèves médiocres, il y en a de toutes catégories. Les parents sont exposés non pas à l’éducation des maîtres, mais à l’éducation de la rue.
En effet, l’école doit apprendre à écrire et à lire, à respecter les règles de la morale et du civisme, sans oublier certaines activités manuelles.
Quant aux parents, ils jouent un rôle de complémentarité. En mettant l’enfant dans les conditions d’apprentissage ou d’éducation, lui apprenant le respect de soi-même, de ses parents et d’autrui, ainsi que d’autres éléments importants de la vie humaine.
Si ces deux parties abandonnent, c’est la société qui se charge de l’éducation de l’enfant. Ici justement, c’est à ce schéma que nous assistons. Les écoles ont dévié les objectifs pour lesquels elles ont été créées. L’école publique, submergée, est devenue improductive. Les écoles privées, elles, poussent sans arrêt.
L’école publique ayant abdiqué, fuit ses responsabilités, les privées n’ont d’autres choix que de recruter ceux qui sont rejetés par celles-ci. La désolation est de mise dans les deux camps. Le nombre pléthorique d’élèves ou d’étudiants dans les classes, le manque criard d’enseignants. Et même quand ils existent, ils ne sont pas du tout motivés, en raison du mauvais traitement dont ils font l’objet au quotidien.
Dans ces conditions, l’élève mieux nanti, devient quelques fois le parrain ou le financier du maître. Mais, où est donc passé l’honneur de celui-ci ? Si les choses restent en l’état encore trop longtemps, il y a un vrai risque de délitement de l’école publique…
L’éducation est galvaudée par les maîtres et les institutions scolaires, car ce n’est plus le mérite qui compte, mais plutôt l’intérêt pécuniaire et les avantages. Souvent, des élèves, suspendus pour fautes graves, ont curieusement été priés de reprendre les cours avant même l’expiration du délai de la suspension. Au-delà, de cette considération pécuniaire, il y a l’influence politique.
Les élèves et étudiants, confinés dans des syndicats scolaires ou universitaires constituent de véritables moyens de dissuasion des responsables du système éducatif. Dès qu’il y a un problème au niveau politique, l’école est automatiquement paralysée. C’est dire que la ficelle de l’école est détenue par les politiciens, qui ont ainsi les moyens de manipuler l’école à leur guise.
L’école sénégalaise n’est pas seulement politisée au niveau des apprenants, mais aussi au niveau des maîtres, c’est-à-dire des enseignants. Loin de leurs objectifs éducatifs, certains enseignants sont devenus de véritables politiciens. Ils sont toujours en train de mener des actions en faveur de partis politiques en quête de légitimité afin de garantir des lendemains meilleurs.
Ainsi, les affectations, les recrutements et nominations se font sur la base politique. Au regard de toutes ces missions que s’assignent des apprenants et des maîtres, on ne peut pas nier que les objectifs de l’école sont oubliés en faveur des objectifs politiques, à savoir « comment se maintenir au pouvoir ? ».
Et pourtant, dans les colloques et les séminaires du secteur éducation/ formation, des objectifs sont plus ou moins clairs :
– mise en place d’un dispositif plus dynamique de formation professionnelle, d’encadrement, de suivi et d’insertion socio- professionnelle de la population.
– amélioration de la qualité de l’enseignement et son adaptation aux besoins du développement économique et social ;
– meilleur accès à l’éducation pour tous les citoyens.
– réduction du taux d’analphabétisme.
Tous ces objectifs, s’ils sont atteints, devront corriger les faiblesses du système éducatif. Car cela suppose : la gratuité effective de l’école depuis la maternelle à la classe de Terminale en commençant par les zones les plus défavorisées ; le transfert effectif des compétences en matière d’analphabétisation aux collectivités locales en liaison avec les directions régionales du ministère de l’éducation nationale et des ONG ; l’augmentation des capacités d’accueil par la construction de plusieurs autres classes par an ; la réhabilitation des internats ; la création des foyers d’accueil d’élèves à l’intérieur ; la résorption du déficit d’enseignants à tous les niveaux tout en les recyclant progressivement, et enfin, l’instauration d’un encadrement spécial des élèves en difficulté d’apprentissage.
Au demeurant, il faut surtout stimuler la formation des personnes vulnérables, particulièrement chez les jeunes filles, les handicapés, et les orphelins déscolarisés. Tous ces efforts devront redorer le blason de l’école sénégalaise.
Cependant, cela doit se faire dans un dialogue permanent entre l’Etat, les partenaires de l’école, les financiers et les enseignants, de sorte à asseoir progressivement un climat apaisé et non un bras de fer. Aussi, le secteur privé et l’Etat doivent se concerter en vue de l’adaptation des programmes de formation aux réalités socio-économiques actuelles, en vue d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emploi.
Par ailleurs, des efforts pour l’assistance à l’auto emploi devront être intégrés dans les formations. Au-delà de cet aspect, il faut dépolitiser l’école si l’on veut accroître les performances de celle-ci et donner une orientation profitable à tous. A ce niveau, des mesures politiques pourraient contrôler ou interdire le syndicalisme à l’école, en rapport avec les problèmes politiques.
Car, quand l’école va mal, c’est l’avenir du pays qui est compromis sur de longues années.
Patrice SANE
Militant APR, membre Convergence des Cadres Républicains &
Club des Intellectuels et Cadres Républicains (CICR)