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L’ecole Supérieure Polytechnique, Un Centre D’excellence à Réformer

L’ecole Supérieure Polytechnique, Un Centre D’excellence à Réformer

Le développement d’un pays peut se faire et durablement si et seulement s’il est adossé à un enseignement supérieur moderne et performant. Il doit en effet être corrélé positivement à l’existence d’un système d’enseignement supérieur capable de prendre en charge la formation universitaire de la jeunesse du pays pour lui donner une qualification en adéquation avec les besoins des entreprises. Aussi, au-delà de la formation des citoyens, le but ultime des universités et écoles d’ingénieurs est-il le développement économique, social et culturel des nations.

Cette vocation de l’enseignement supérieur est quasi unanimement reconnue dans tous les continents et les pays qui se la sont appropriée sont aujourd’hui soit développés soit émergents. Sans doute, l’arriération économique de l’Afrique est liée au retard dans la prise de conscience du rôle de l’université dans le processus de développement des nations.

L’émergence du Sénégal se fera donc avec un enseignement supérieur capable de former pour les industries et les services des ressources humaines hautement qualifiées dans des universités modernes disposant des laboratoires de recherche capables de prendre en charge les besoins de création et d’innovation du pays.

Depuis sa création, l’Ecole Supérieure Polytechnique s’est positionnée en centre d’excellence au service du développement de la nation sénégalaise. Dans un espace réduit, à l’intérieur du périmètre de l’UCAD, l’ESP regroupe toutes les spécialités dont ont besoin les entreprises : génie chimique, génie biologique, génie alimentaire, génie électrique, génie mécanique, génie civil, génie informatique et gestion des entreprises. Ce format où sont rassemblés les enseignements du génie et de la gestion pour la qualification des jeunes est une spécificité de l’ESP. C’est l’évolution des besoins de l’économie et de l’administration sénégalaise qui est à l’origine de ce format original et unique dans la sous région.

L’Institut Polytechnique, fondé en mai 1964, est l’ancêtre de l’ESP. L’IP formait des techniciens à partir du BEPC. Devenu l’Institut universitaire de Technologie en novembre 1967, l’IUT délivrait des DUT à des jeunes préalablement titulaires du baccalauréat. Après plusieurs réformes et la création de nouvelles filières tenant compte de la demande des entreprises, l’IUT devint en 1974 l’Ecole Nationale Supérieure Universitaire de Technologie. En plus des DUT, l’ENSUT délivrait des Diplômes d’Ingénieurs Technologues et des DESCAE.

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De 1964 à 1974, la demande des entreprises en personnel qualifié a évolué et l’actuelle ESP a parfaitement accompagné le secteur privé avec ces 3 mutations d’adaptation : IP, IUT, ENSUT.

En 1990, la France a arrêté toute subvention à l’ENSUT. Les départements se sont retrouvés alors sans budget. La partie pratique des enseignements (TP) se faisaient dans des conditions très difficiles car les réserves des laboratoires pédagogiques s’épuisaient. Ne pouvant pas compter sur le budget alloué par l’Etat car ce budget n’étant jamais disponible, l’ENSUT était au bord de la cessation d’activité. C’est à cet instant et face à la gravité de la situation financière de l’école que le génie des enseignants s’est mis en action. Sur la base d’une analyse objective de la situation (découragement et démotivation généralisés des enseignants, dévaluation du Franc CFA, forte attractivité de l’ENSUT, épuisement des réserves pour les TP), de façon simultanée mais avec l’autorisation de la direction de l’école, que des formations payantes ont été crées dans tous les départements en 1992-1993.

La formation payante correspondant finalement à une forte demande des élèves et des parents d’élèves, les départements ont dû refuser du monde lors de l’inscription des premiers étudiants. Les fonds récoltés permirent de reconstituer les stocks des laboratoires pédagogiques, de motiver le personnel (PER et PATS) et de donner des fonds additionnels à la direction pour faire face à certaines charges incompressibles. La formation continue dans les différents départements est la manifestation concrète de la capacité d’adaptation de l’ESP, c’est la quatrième mutation de l’ESP qui intègre dans son offre de formation des options payantes.

C’est cette innovation majeure de l’ESP qui est à l’origine de la création de la plupart des universités privées du Sénégal. Il est regrettable que cet aspect ne soit pas souvent rappelé et compris comme une réponse à une situation donnée. Cette initiative était venue à un moment de forte demande de formation insatisfaite de la jeunesse sénégalaise. Le label ESP est tributaire présentement de la formation continue. Face au succès des formations payantes à l’ESP, les facultés et autres instituts se sont aussi lancés dans cette activité qui s’est généralisée finalement dans tout l’enseignement supérieur sénégalais.

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Le 24 novembre 1994, l’ENSUT est transformée en Ecole Supérieure Polytechnique avec la fusion EPT et ENSUT. Cette fusion est la conséquence du retrait du Canada de l’EPT qui s’est retrouvé sans moyens à la hauteur de ses besoins. C’est la cinquième mutation de l’école passant de l’ENSUT à l’ESP. Cette réforme est à l’origine de la création du Diplôme d’Ingénieur de Conception qui s’est ajouté aux diplômes traditionnels de l’ENSUT.

En 2007, le Centre de Thiès de l’Ecole Supérieure Polytechnique est redevenu l’Ecole Polytechnique de Thiès comme avant sa fusion avec l’ENSUT.

L’Ecole Supérieure Polytechnique, dix neuf ans après la réforme de 1994, a retrouvé son format du temps de l’ENSUT. La mission de l’ESP actuelle est la formation des cadres et techniciens supérieurs pour la Production, la Gestion, la Recherche Appliquée et les Services dans les domaines du Génie et de la Gestion des entreprises (Techniciens Supérieurs, Ingénieurs Technologues, Ingénieurs de Conception, Managers en Gestion d’Entreprises, Docteurs). Avec son personnel à l’expertise avérée, l’ESP procède également à des expertises à l’intention des entreprises publiques et privées.

L’ESP est aujourd’hui une école d’ingénieurs cinquantenaire dont le leadership dans la formation des cadres techniques et de gestion est incontestable au Sénégal et dans la sous région.

Pour que la première école d’ingénieurs du Sénégal demeure un outil de référence de l’enseignement supérieur sénégalais, l’ESP doit encore une fois opérer des changements conformes aux nécessités du contexte et aux besoins des entreprises. Ce serait la sixième mutation de l’ESP pour des raisons d’adaptation à la conjoncture et à sa mission évolutive d’école de développement.

La direction de l’ESP devra comprendre, analyser, décrypter et s’approprier les mutations du moment tant au niveau du Sénégal qu’au plan international. Il y a un vent de changement imparable et incontournable dans l’enseignement supérieur mondial touchant tous les secteurs gouvernance, pédagogie, recherche, coopération, financement, filières, programmes,…

Le Sénégal ayant bien compris le rôle de l’enseignement supérieur dans le développement de notre nation, est résolument engagé dans la modernisation de nos universités avec comme toile de fond la conformation des filières de formation aux besoins des entreprises. A cette fin et pour mettre le Sénégal sur les rails de l’émergence, des investissements massifs sont en train d’être faits dans le secteur afin de moderniser les universités existantes et d’élargir la carte universitaires avec la construction des universités de Diam Niadio et du Sine Saloum de Kaolack.

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L’ESP est un outil de référence dans la formation des cadres techniques et gestionnaires du Sénégal et de la sous région aussi bien dans la formation initiale que celle payante. C’est un modèle à suivre pour les autres établissements d’enseignement supérieur mais aussi un exemple à encourager et à soutenir par la tutelle.

Toutefois, l’ESP est confrontée à des difficultés structurelles très préoccupantes: perte de l’esprit d’école en faveur des départements qui se comportent comme des écoles dans l’école ; perte de la transversalité entre départements et entre laboratoires de recherches ; programmes et filières pas toujours en adéquation avec les besoins des employeurs ; pollution des relations humaines à cause des fonds de la fonction de service qui sont de plus substantiels ; augmentation du déséquilibre de plus en plus inexplicable du nombre d’étudiants payants et non payants; infrastructures pédagogiques dégradées, obsolètes et hors normes.

Il y a lieu de mener au plus vite des réformes stratégiques pour que l’ESP demeure une école d’excellence, leader dans la formation des cadres techniques et de gestion, une école au service du développement du Sénégal et des pays de la sous région.

 

Professeur Demba Sow

Docteur en Génie des procédés, Centrale Paris

Ancien député

Pr Demba SOW

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