Dans une récente sortie, Tounkara dénonce une loterie prisée de plus en plus par des mineurs, le pari sportif, en alertant sur les conséquences nuisibles de l’appât du gain facile. Ce n’est pas tant le contenu de son discours que l’agencement de sa pensée qui vient nous chercher, nous provoquer et, mieux, nous convaincre de sa force de persuasion. Il ne se complait pas dans la rhétorique habituelle de mollah pour faire peur et prédire la pénitence; il s’appuie sur des faits et gestes avant d’apprécier raisonnablement l’impact du phénomène sur les équilibres sociaux.
Plus de prédicateurs en verve, toujours davantage de sermons perçants, et pas encore à bout de la dépravation supposée des mœurs. Nos grands-mères savaient à peine réciter la Fatiha et, pourtant elles étaient beaucoup plus trempées dans les valeurs aujourd’hui assimilées islamiques à tort. Ce qui a changé, c’est davantage les gens que les circonstances. La rhétorique des craintes insufflées ne suffisent plus à fléchir nos esprits expansifs, autrefois maniaques des suites d’actes isolés, aujourd’hui attentifs aux sens de toute action.
Tounkara, de son nom de croyant branché, use de l’intérêt partagé des significations immédiates pour attester de la nocivité sociale du jeu de hasard. Inspiré de convictions moralisantes, il s’improvise tout de même rationnel dans sa démarche. Le focus change tout le cheminement : il ne s’agit plus de professer l’inébranlable prescription, mais de démontrer l’inéluctable ravage qu’implique le projet affairiste du pari sportif.
Les sénégalais tentent de s’en accommoder, écartelés entre l’aspiration à une société vertueuse et les tendances réelles à la modernité. Les prêches urbi et orbi renforcent la confusion parce qu’ils ne s’enracinent pas à la réalité des moules psychologiques de discernement rationnel. Trouvez l’erreur dans notre effort titanesque de constance. Nous nous accrochons à des apparences alors que nous suivons le style universalisé du goût des finesses et des plaisirs simples. Voilà que le lassant souci de ressemblance aux anciens et la feinte fidélité nous accable de contradictions et de caricatures.
Trop compliqué, direz-vous? C’est à la mesure de la complexité de notre condition d’hommes friands du beurre et de l’argent du beurre. Un choix s’impose : celui jusque-là des faux-semblants ou celui du sang-froid. Dans le premier cas de figure, la masse se retrouve paumée et vouée à tergiverser entre regret et radicalité. Dans le deuxième, la démarche politique d’ajustement du discours officiel commande des mises à jour et une inspiration directe aux stades successifs d’organisation sociale.
Tout à son honneur, Tounkara fait l’économie de son penchant à l’absolu ordre divin pour ne faire valoir que son approche moralisante, mais tout aussi rationnelle, de préférence nationale. Pour lui, le pari sportif obéit à une logique de gains financiers et de retombés fiscales, mais le jeu n’en vaut pas la chandelle. Même si la Loterie Nationale Sénégalaise constitue un fleuron de l’économie sénégalaise, les enchainements sauvages qu’elle implique dissuadent du bienfait des libéralités qu’elle procure, semble dire l’animateur.
Les reproches et les condamnations ne suffisent plus à conserver l’harmonie de la mythique société unifiée et standardisée des grands-parents. Désormais, à qui mieux-mieux, il faut plus que s’identifier aux autres spécimens pour s’exciter et s’épanouir. La quête de sens, moteur de l’action citoyenne, dicte à elle seule les conduites personnalisées à jamais. Alors, nous pouvons soupçonner le penchant islamisant de Tounkara, mais il s’avère beaucoup plus efficace que ceux-là qui prêchent dans le vide. « Allahou a’lem »
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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