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Halte à La Culture Du « masla » Au Détriment D’une Culture De La Reddition Des Comptes

Halte à La Culture Du « masla » Au Détriment D’une Culture De La Reddition Des Comptes

Notre pays peinera à s’engager dans la voie de l’émergence pour peu qu’il continue de s’empêtrer dans une culture qui magnifie le « masla » voire la compromission au détriment d’une culture de la reddition des comptes.

« Cela m’a excessivement fait mal à mon retour d’Abidjan d’entendre ce qui est arrivé à mon frère et ami Thione Seck », a indiqué vendredi dernier une icône de la musique sénégalaise. Une autre non moins célèbre l’avait déjà précédé dans le registre mélodramatique de l’expression de la solidarité en demandant à l’avocat du prévenu de dire à ce dernier qu’il est « avec lui » et « qu’il considère que ce qui lui arrive est le coup du destin ». Ces deux grandes figures ont donc tenu à marquer leur compassion à l’endroit de leur collègue chanteur, actuellement dans les liens de la prévention pour une implication présumée dans une affaire de trafic de faux billets de banque.

Rien d’anormal à cela. Ce qui interpelle toutefois c’est de voir certains se complaire dans une politique de l’autruche, feignant de ne pas comprendre que les policiers en charge de l’enquête avaient retrouvé 43 millions d’euros, soit 26 milliards de francs Cfa en faux billets et 32,9 millions de francs Cfa et 50 euros en vrais billets au domicile de Thione Seck. Ce qui insupporte surtout, c’est de voir d’aucuns convoquer les fourches caudines d’un destin inexorable, donnant ainsi le sentiment d’expliquer, voire de justifier l’injustifiable. Comme s’il y avait une force extérieure, une sorte de « Djiné Moussa » qui pousserait à commettre une action malgré soi et contre soi.

Aussi cette empathie teintée de « ndeyssane » enveloppés dans une compassion qui patauge dans les eaux fangeuses d’une connivence avec un destin aussi inique a-t-il de quoi inquiéter ? De fieffés prévaricateurs ont d’ailleurs eu l’outrecuidance de « pardonner » leurs bourreaux, s’ils n’ont pas tout simplement affirmé que la réclusion carcérale est une voie obligée pour tout responsable politique qui aspire à gouverner le pays. Comme si tous les emprisonnements se valaient. Comme si on pouvait comparer le séjour d’un combattant pour les libertés avec celui d’une tierce personne qui s’est retrouvée là pour s’être rempli les poches avec l’argent des contribuables.

En somme, ce type de discours donne l’impression qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, qu’on peut se permettre de faire tout ce que l’on veut dans ce pays, sans en payer le prix. Que l’on soit voleur de poule, violeur de pubère ou kleptomane, se sachant d’emblée absous par un destin dont on ne serait qu’un instrument. Dépossédés de notre statut de sujet nous voilà réduits à une posture d’objet sous la coupe réglée d’une force aveugle qui accomplit son plan ignominieux en se servant de nous. Loin d’être comptables de nos actes, nous serions devenus au contraire des victimes expiatoires à plaindre. Drôle de renversement de situation dont les Sénégalais sont si friands ! La manœuvre consiste en effet à changer d’échiquier et à chercher à noyer le poisson, en faisant comme si de rien n’était. Faut-il le rappeler, il ne s’agit pourtant ni de pardonner ni d’absoudre mais de répondre à des accusations d’enrichissement illicite et de fabrication de faux billets de banque.

A n’en pas douter, ce qui se joue donc aujourd’hui est capital dans la mesure où le Sénégal peinera à s’engager dans la voie de l’émergence économique, politique et sociale tant chantée, pour peu qu’il continue de s’empêtrer dans une culture qui magnifie le « masla » voire la compromission au détriment d’une culture de la reddition des comptes. L’urgence est par conséquent, sur fond de résistance soutenue et sans concession contre toutes les formes de pression, de déconstruire une certaine vision des choses qui fait le lit de toutes les forfaitures, en repositionnant la valeur travail comme source centrale de création de richesses.

Aussi importe-t-il, au moment où des yeux enamourés pour le destin cherchent à nous enfermer dans une posture victimaire, de mettre en place non point une démocratie rentière mais plutôt une démocratie transparente capable d’impulser un véritable leadership. Il est en effet question de faire face sans faiblesse coupable aux valeurs rétrogrades, aux agressions multiformes des politiques de désinvolture et d’impunité qui plombent depuis plusieurs décennies les efforts de développement du Sénégal.

 

Vieux SAVANE

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