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Je Suis Vraiment Inquiet Pour L’avenir De La Police Nationale

Je Suis Vraiment Inquiet Pour L’avenir De La Police Nationale

Je suis un citoyen sénégalais, imbu des valeurs républicaines, né bien avant les indépendances et ayant servi son pays pendant à peu près 40 ans. J’ai eu la chance, alors que j’étais jeune élève d’avoir fêté dans les rues de Dakar, avec plusieurs gamins de mon âge, l’accession de notre pays à la souveraineté internationale. J’ai vu Senghor et ses partisans bâtir nos institutions.

La Police Nationale est l’un des piliers de notre architecture étatique, une institution qui joue un rôle important pour assurer la sécurité publique. Cette police est une vitrine. Elle protège, elle enquête, elle anticipe pour assurer à tous la tranquillité. Cependant, il est malheureux de constater que cette police perd de plus en plus du prestige, secouée par des scandales, des meurtres d’étudiants, des comportements aux antipodes de nos valeurs, des jeunes agents de police qui n’ont que l’insulte à la bouche. Tout citoyen honnête doit aider son pays, le soutenir ; et ce soutien doit commencer par dire aux autorités ce qui ne vas pas. Tout le monde en parle : dans les Grand-Place, dans les bus, les tatas, au stade, au marché….

La police est infectée d’éléments pourris : des agents indisciplinés qui stressent les citoyens qu’ils sont censés apaiser, de jeunes recrus sans formation poussée, sans base solide qui insultent d’honnêtes citoyens, qui, parce qu’ils portent l’uniforme se croient tout permis, des agents qui violentent des sénégalais pour un oui ou pour un non, des sénégalais qu’ils doivent protéger. On en rencontre des agents tellement indisciplinés, trop imbus de leur personne et qui pensent qu’ils sont le centre du monde.

J’ai longtemps été outré par ces manquements, ces comportements. Avec des amis, on a toujours eu des discussions sur ce sujet. Je me suis toujours retenu d’écrire mais ce qui s’est passé l’autre jour dans les locaux de la Direction de la Police des Etrangers et des Titres de Voyage (plus connue sous le nom de la Direction des Passeports) m’a totalement bouleversé. Et c’est d’ailleurs le prétexte de cette contribution.

C’était le vendredi passé, le 03 juillet 2015, aux environs de 12h30mn. Ce jour j’étais venu accompagner ma fille, étudiante qui doit se faire établir un passeport. D’ailleurs elle n’a pas pu déposer, il fallait auparavant prendre un rendez-vous. Bref. Assis sur une chaise juste à l’entrée, en face des vitres de retrait, un jeune homme, la trentaine environs, est entré, la mise bien soignée, une apparence vraiment correcte. J’ai suivi toute la scène. C’est un jour saint du mois béni de ramadan, donc je ne raconte que les faits, des choses qui se sont effectivement passées devant mes yeux et devant les yeux d’une dizaine de témoins. J’étais juste assis devant le poste de police, juste en face du bâtiment.

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Le jeune homme ayant constaté que le policier chargé de filtrer les entrées était occupé à parler avec deux jeunes dames, il a sagement attendu. Par la suite, il s’est présenté au jeune policier comme étant Conseiller Technique du Ministre de l’Intérieur et qu’il voulait voir le Directeur et déposa en même temps sur la table sa carte professionnelle. Le policier en question, taille courte, teint noir, poids moyen, lui a répondu qu’il ne pouvait pas monter voir le directeur parce que son nom n’est pas sur la liste d’audience. Je suivais toute la scène de prés, j’ai même enregistré avec mon téléphone cellulaire cette discussion qui va devenir bientôt houleuse. Le Conseiller lui répondit qu’il n’est pas un visiteur étranger, qu’il est du ministère de l’intérieur et que le directeur est son collègue avec qui il a eu un entretien téléphonique quelques minutes auparavant.

Le policier lui a répondu qu’il n’avait pas rendez-vous et point final, il l’a dit avec un ton impertinent et vraiment discourtois. Le policier ne devait pas parlait ainsi à un citoyen, et à plus forte raison, un citoyen qui est Conseiller technique du ministre de l’intérieur. En tant que ancien fonctionnaire, cela m’a vraiment révolté. Le Conseiller technique, certainement outré, lui rétorque en disant qu’il manquait vraiment de discernement et qu’il jouait à un jeu dangereux. Finalement toutes les personnes assisses à mes côtés prêtèrent attention à cette discussion insolite, et les gens murmuraient, chacun à sa façon déversa sa bille sur les tares de certains policiers. Par la suite, le Conseiller lui posa la question suivante : Si le DAFE (je ne sais pas encore ce que cela signifie) venait ici sans rendez-vous pour voir le directeur, tu allais le laisser entrer ? Sur ce, le policier répondit : bien sûr, parce que le DAFE est un Commissaire de Police alors que toi tu n’es rien, tu ne connais rien.

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Et le Conseiller s’est mis à rire, en disant : si tu connaissais un peu l’organisation administrative, tu allais comprendre que sur le plan hiérarchique un directeur, fut-il un commissaire de police n’est pas plus responsable que moi ; tu fais une grande erreur. Sur ce, un autre agent de police, un peu élancé, mince et de teint noir, qui était du côté de la vitre s’approche et lui dit avec un ton sec : pourquoi tu te mets là à menacer mes agents. Le jeune conseiller s’est mis à leur parler, avec un niveau de langue assez élevé, en entrant dans des considérations globales et de réflexions profondes en leur demandant d’éviter de ternir l’image de la police et de soigner leurs comportements. Au fur et à mesure, les nerfs ont commencé à chauffer, toutes les protagonistes étant relativement jeunes.

Ayant entendu les discussions, un autre policier, de taille moyenne et de forte corpulence est sorti du bâtiment, et sans demander il a sommé au Conseiller de sortir, d’aller dehors, en le poussant, en le brutalisant. C’était un fait inédit, inacceptable. Quoi qu’il en soit, un policier n’a pas à brutaliser un simple citoyen sans pour avoir au préalable demander ce qui se passe. L’image était tellement insoutenable, qu’un homme d’une soixantaine d’années environs est sorti rejoindre le conseiller en lui demandant d’avoir un esprit de dépassement et de na pas répondre à la provocation. Quelques minutes après je suis parti rejoindre le jeune homme dans son véhicule.

J’ai demandé son nom et il a refusé de me le donner catégoriquement en disant qu’il prend ceci comme un petit incident et cela n’enlève en rien tout le respect et la considération qu’il a pour ce grand corps de l’Etat qu’est la Police et m’a supplié de ne faire aucun usage des enregistrements sonores que j’ai pu faire. Moi je comptais amener cela à « TEUSS » ou à « KHALASS », parce que j’étais dans une de ces colères. Finalement c’est le Directeur qui a envoyé un des agents pour venir chercher le Conseiller en question. J’apprécie quand même la retenue, la politesse et le niveau intellectuel de ce jeune Conseiller Technique qui m’a agréablement surpris ; tout le contraire de ces jeunes policiers qui font la honte de tout un corps. Je peux parier qu’un jeune gendarme n’aurait pas agi de la sorte.

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Ceci est un exemple parmi tant d’autres. Chaque jour, des situations pareilles se produisent. L’année dernière, c’est un policier qui a insulté de mère un chauffeur de camion, à hauteur de Diamaguene, sur la route de Rufisque. Je peux comprendre que le chauffeur puisse commettre une infraction, mais il y a plusieurs façons de lui faire remarquer cela. La manière d’aborder les citoyens est essentielle. Il y a trop d’erreurs, trop d’errements, trop de laisser-aller. Des policiers qui tuent des étudiants dans des situations qui n’avaient point dégénéré, des policiers qui s’emportent vite, qui ont l’insulte à la bouche ; qui se laissent aller à des corruptions sur des choses qui n’en valent même pas la peine : voici les choses à bannir pour que les citoyens continuent à croire en cette institution.

Dans quelques années beaucoup de commissaires vont aller à la retraite, il faut assurer la relève, il faut veiller au recrutement et à la formation de base, l’avenir de la police en dépend. Le 04 avril 2014, à l’occasion du défilé civile et militaire sur le boulevard Général De Gaulle, au passage des policiers, on entendait partout que des huées, ceci est un signe ; il faut y prêter attention.

 

A. A. NDIAYE

Instituteur à la retraite

Ancien Directeur d’Ecole

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