Madiambal Diagne, Alassane Samba Diop, Mamadou Wane. Ils sont trois journalistes, trois responsables de médias. Le premier est le propriétaire , dirpub, du journal « le Quotidien », chroniqueur influent, qui dispose un réseau très dense avec les politiques, de différents bords qu’ils soient. Le second est le directeur de la RFM (la radio la plus écoutée de Dakar, semble t-il), il est très influent auprès de ses auditeurs. Du temps de Wade, Il connaissait tout ce qui se passait au palais et dans la salle du conseil des ministres, d’où son surnom, « monsieur scoop ». le troisième, moins connu du public, mais célèbre auprès de la classe politique, est le fondateur et directeur du quotidien « Enquête ». Il était l’administrateur du site Internet (fermé) Nettali.net.
Ces mousquetaires (Pour Madiambal, ça reste à confirmer), à bord de la Pointe de Sarène, ont accompagné le président de la république, Macky Sall, lors de son dernier voyage en France, plus précisément à Marseille. Au retour, ils ont tous parlé un même sujet. Un sujet choisi et dicté par le chef de l’Etat: économie.
Le potache assidu, c’est Madiambal. « Les Lundis » (du nom de sa chronique), il répond toujours présent. Et prêt à réciter la leçon faite par son maitre, Macky Sall. « Qui voudrait parler « économie » avec Macky Sall », titre t-il son texte, du lundi 6 juillet 2015, faisant allusion à un souhait exprimé par le président de la république lors de sa longue et éprouvante conférence de presse à Kaffrine. Dans les premières lignes de son article, il encense son maître et vanne ses collègues. Comme le petit élève de CP qui pense que tout ce que son Instit. dit est vrai, et ce que les autres enseignent est faux. « Le Président Macky Sall a adressé une supplique à toute la classe politique pour demander d’occuper le débat public par des discussions portant sur l’état de l’économie sénégalaise. Le chef de l’Etat songerait à changer les paradigmes du débat politique au Sénégal pour que les acteurs ne s’échinent plus à entretenir des débats stériles pour ne pas dire politiciens », écrit-il en guise de chapeau, pour ceux qui comprennent le langage journalistique. Et il continue le récital par cœur: « Depuis son accession au pouvoir, le Président Sall a pu réaliser sur le plan économique des résultats qui peuvent constituer de réelles prouesses. Il suffit simplement de comparer les données macroéconomiques du Sénégal entre le 2 avril 2012, date de sa prise de fonction, et celles de 2015 pour se convaincre que Macky Sall devrait être à l’aise dans un débat économique », s’exulte l’enfant de Pékhess. Sitôt sa séance terminée, il céde la place à Mamadou Wane. l’ancien enfant de troupe barre la une de son journal, de ce mardi 7 juillet 2015, par ces mots: « Mon plan contre le chômage », une reprise du cri de guerre du soldat Macky Sall pour l’emploi. Rien de grave dans tout cela. Mais ce qui est frustrant, se trouve dans les propos liminaires de l’entretien, entre le président de la République et le dirpub du journal, où il expliquait le contexte et les conditions, dans lesquels cette entrevue ont été réalisés. Ouvrez bien les yeux et lisez attentivement: « Après avoir pris part aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence où se croisent le gratin industriel français, les intellectuels, universitaires, hommes de médias, le Président Macky Sall n’avait pas le cœur à aborder avec nous les questions politiques. « On va parler de choses sérieuses. Parlons d’Economie ! », propose-t-il avec fermeté, malgré les apparences. Regrettant au passage que les questions politiques, voire…politiciennes prennent le dessus sur l’Economie. Bien calfeutré dans sa cabine, parapheur sous la main, la mine du reste travaillée par la fatigue et la faim, le Président Macky Sall, dont l’avion, la Pointe de Sarène a décollé depuis deux heures, refuse dans un premier temps de se soumettre au rituel des questions/réponses, mais accepte, après forte insistance de notre part. Le chemin est ainsi bien balisé, avec comme fil d’Ariane, les questions économiques ».
Comme son aîné (Madiambal) de classe supérieure, on voit nettement ici, que c’est Macky Sall qui choisit totalement son sujet et les règles du jeu. De sa tombe, Albert Londres ne sera pas du tout content.
Faites entrer Lazou! Non, excusez moi ! Monsieur scoop! Non, excusez moi encore! Alassane Samba Diop! C’est le journaliste star de la station de Youssou Ndour et du paysage politique sénégalais qui prend son cours avec Macky Sall. A la veille, c’est à dire, lundi soir, le site du GFM annonce la nouvelle en des termes pompeux: « La radio futurs médias (RFM) a décroché un invité de taille demain mardi. Le président de la République sera l’invité du Directeur général de la RFM, Alassane Samba Diop, ce mardi à 13 h 30. En exclusivité, le Président Sall abordera les questions brûlantes de l’actualité nationale et internationale » . Mais, non! Il n’en est rien. Il s’agit des questions économiques comme le souhaite son maître Macky. Le président n’a pas parlé de l’actualité brûlante: pas questions sur la destruction de cité Tobago, du nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale dont le vote a été truqué, du dernier remaniement ministériel, des coupures de courant…
Voilà trois (« grands »)journalistes qui se couchent devant le président de la République, qui leur dicte ce qu’ils doivent écrire ou parler dans leurs journaux ou radios, qui leur impose à imposer à leurs lecteurs ou auditeurs ce qu’il veut entendre. C’est triste et inacceptable. Certes Macky cherche à fuir le débat, il en a droit. Certes il cherche à se protéger, il en a droit. Certes il a droit de choisir les sujets sur lesquels il veut s’exprimer. Mais c’est aux journalistes de choisir leurs sujets d’entretien et de le diriger. Une rédaction, c’est un projet éditorial défini et porté par une équipe. Le président de la république n’a pas à s’y mêler. Et ce n’est pas à lui de fixer l’objet des discussions dans la presse ou ce que ses ses adversaires politiques doivent débattre. Chacun est libre de débattre sur la question qui lui tient à cœur. Le débat économique qu’il veut nous imposer est un faux débat. Dans ce pays, on débat de tout et de rien. On parle même de la Grèce qui ne nous concerne pas. De surcroît, le président est sans savoir que l’économie est incluse dans la politique. Il ne peut dissocier les deux. La politique précède l’économie. L’économie est un projet défini et porté par une politique . Aujourd’hui, la crise économique de la Grèce est d’abord une crise politique qui met en exergue trois idéologies: les conservateurs (Merkel), les sociaux-démocrates(Hollande) et les communistes (Tsipras). En plus, lui, Macky Sall, contrairement à son prédécesseur Abdoulaye Wade, n’a aucune vision politique. Wade, qu’on l’aime ou pas, avait une ligne économique claire: développer le Sénégal à partir des infrastructures tout en diversifiant nos partenaires économiques, en refusant de se focaliser exclusivement sur la France. C’est ce qui explique, l’ouverture sur d’autres horizons économiques: la chine et les pétrodollars arabiques. On appelle ça, rompre avec l’archaïsme économique néo-colonial. Ça! c’est avoir de l’audace.
C’est faux de dire qu’on ne parle pas de l’économie dans ce pays. Quand Idrissa Seck dit de Matam à Bakel, ya rien: pas d’infrastructures, que les paysans sont laissés en rade, c’est la pauvreté. Parle t-il pas de l’économie?
L’économie chez Macky Sall, c’est énumérer des chiffres en valeur absolue ou relative, faire des calculs arithmétiques, utiliser des formules toutes creuses, comme il en a l’habitude de faire.
C’est faux aussi, comme le clame Madiambal Diagne , le bilan économique de Macky Sall n’est pas une réussite. C’est un échec total, comme le résume ces trois mots en Wolof: « Rewmi Dafa Macky ». Première fois dans l’histoire du pays, l’on associe le marasme économique qui y règne avec le nom de celui qui le dirige. Et les coupures de courant? Et les pénuries d’eau? le chômage galopant? Les manufactures qui ferment? Alors Madiambal, tais-toi. Tu as dit publiquement, que Macky et sa femme sont tes ( nouveaux) amis, tu en as droit. Mais ne cherche pas à influencer le débat pour leur simple plaisir. Quant au Monsieur Scoop, depuis que Wade est parti, il n’a fait aucune révélation, pourtant ce n’est pas ça qui manque. Les révélations de Baba Aidara, sur l’affaire Petro-Tim, pourtant correspondant de la RFM aux Etats-Unis, n’ont jamais été diffusées en ondes. L’enquête de Mamadou Wane est le seul journal au Sénégal, lorsqu’on évoque les affaires du régime de Macky, il nous renvoie en arrière, en évoquant, « les derniers cafards de Wade », pour tenter de cacher les manquements de ce régime. Oubliant que ce dernier ne dirige plus le Sénégal depuis trois ans.
Une chose est sûre, Macky Sall a réussi, ce que ces prédécesseurs (Senghor, Diouf, Wade) n’ont jamais fait: en mettant, dans sa poche, beaucoup de journalistes influents et se disant indépendants. Aujourd’hui beaucoup de journaux, radios, télés sont des soutiens du président Sall. Ils le protègent en tentant de noyer les affaires touchant son régime ou ses proches. Jamais une chronique de Madiambal sur Petro-Tim.
Sur ce, à Madiambal, Alassane, Mamadou et tous les journalistes qui sont dans des rédactions et qui sont en connivence avec le régime de Macky Sall, méditez sur cette pensée de votre confrère, une référence incontestée `de la profession, Albert Londres, veux-je citer: «Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.»
Fatou Sock