Omar pène, de sénégalité frappante, nous rejoint de ses témoignages sur la vie de son enfance et de sa jeunesse. En réalité, il rassure sur l’ancienneté des écarts décriés urbi et orbi culpabilisant ainsi les nouvelles générations. Dans son répertoire de 4 décennies, le constat s’impose que rien de ce qui est dénoncé aujourd’hui en vice et en incivisme n’est nouveau. Dans ce pays longtemps embrouillé de modes et d’expériences étranges, « Coumba xalis », « Woudiou yaye », « La mouche », tant de tubes qui attestent de la récurrence des contradictions entre les valeurs certifiées et les vilenies courantes.
De ses épreuves et de ses quêtes de sens, Omar Pène surgit des éclats d’enfant éloigné pour renseigner de ce Sénégal encore présent. Internet nous trompe de sa tendance à l’amplification, il faut écouter grand pène pour s’en convaincre. Nous sommes tentés de croire que toutes ces frasques sont nouvelles alors que seules la portée et la rapidité de divulgation se révèlent inédites. Il faut écouter l’enfant de Dérklé pour retrouver insoupçonnées les tares d’aujourd’hui dans le Sénégal d’avant, peint généralement avec beaucoup de fards et d’éclats.
L’impression persistante de la dépravation des valeurs tient davantage du curieux contraste entre la promotion des valeurs en vogue et l’inclination manifeste des sénégalais à la jouissance et au confort. Devenus moins tolérants et clairement voyeurs, les sénégalais ont une lecture à présent dogmatique d’eux-mêmes et de leurs faiblesses. Plus question de rire ou d’afficher simple détachement des exubérances, la pauvreté, consécration de besoins nouveaux ainsi que le sentiment d’insécurité nous ont dressés tout austères.
De sa voix suave et sédative, Omar Pène, a divulgué les tares dans ce Sénégal d’autrefois. Étrangement, elles sont similaires aux nôtres à bien des égards, malgré le regard poétique qui en est dressé, eternel paradis perdu. Hélas, les turpitudes ont toujours bel et bien été dans le décor, du moins dans les centres urbains. Qu’on ne vienne pas dire que tout est dans la différence des proportions. Dakar est passée de 400 000 habitants en 1970 à plus de 3 millions d’habitants à nos jours. Il est alors normal que ses travers s’étalent et donne l’impression de démesure.
Produit du quartier populaire Derklé, l’artiste, d’élégance dévolue et de décence décisive, a su défier les déploiements courants de cupidité et d’envie. De ses cris de cœur pénétrants, il traverse les conflits de générations et les confusions entretenues dans le but de préserver une certaine supériorité sur les nouvelles générations. Toute une musique! Elle a rythmé la fougue d’affirmation culturelle tout comme l’affinité avec la francité filou. « Diguenté », chanson-repère, fureteur des rapports sénégalo-sénégalais, appel au bon voisinage fait d’égards, assises du vivre en commun, Pène s’est distingué comme toujours.
Témoin de la brutalité des greffes culturelles sur l’apparat identitaire vibrant de ses appels incessants au rejet, le chanteur parle d’amitié et d’éthique comme pour en faire des piliers sûrs de l’organisation sociale. Dans l’album « Pastêf », le mastodonte explique que de la détermination s’enchainent l’amour puis la solidarité et s’y lie tout un peuple enfin. Comme quoi, civisme par-ci, civisme par-là, c’est de la confiance et de l’espérance des individus que nait le respect des institutions et du milieu de vie, garant des bonnes conduites en société.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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