De la prison. Une peine de 6 mois. Voilà ce à quoi, aujourd’hui, ont été condamnés 7 sénégalais. De quoi étaient-ils accusés pour être condamnés à cette lourde peine? D’actes contre-nature. Concrètement? D’être homosexuels! Il y a un mois, ces 7 personnes étaient arrêtées, sur dénonciation, dans un appartement privé et donc un mois plus tard … 6 mois de prison pour homosexualité!
J’étais moi-même en mission au Sénégal au moment de l’arrestation de ces personnes. J’y rencontrais, comme à chaque fois, les activistes des droits LGBT qui œuvrent de manière extrêmement courageuse pour rendre la société sénégalaise plus tolérante et respectueuse des différences. Je le constate d’ailleurs, et avec beaucoup de peine, à chacun de mes déplacements au Sénégal: la situation n’avance pas sur cette question des droits humains malgré sa totale légitimité.
Rappelons ici la situation juridique: au terme du Code pénal sénégalais, de l’article 319 plus précisément, les actes homosexuels sont passibles de 5 années d’emprisonnement. Alors bien sûr, les autorités sénégalaises ont déjà affirmé que l’homosexualité n’est pas criminalisée en tant que telle se basant sur une lecture littérale du texte de l’article de loi qui dispose que: « quiconque aura commis un acte impudique contre nature avec un individu de même sexe sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs. Si l’acte a été commis avec un mineur de moins de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé ». Si le Code pénal ne définit pas explicitement ce qu’est un « acte impudique contre nature », il est clairement utilisé contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle. C’est une évidence objectivement constatable et constatée!
Par le passé déjà, le Sénégal a utilisé cet article, je pense notamment à l’arrestation, en janvier 2009, de 9 hommes qui ont été condamnés à 8 années d’emprisonnement pour « conduite indécente et actes contre nature et association de malfaiteurs ». Ils étaient homosexuels et faisaient de la prévention au VIH… Une mobilisation internationale extrêmement forte s’était alors déclenchée pour dénoncer cette condamnation et en avril 2009, la Cour d’Appel de Dakar l’a annulée. Cela n’a pas empêché les médias de relayer des messages dramatiquement homophobes en appelant à agresser les homosexuels… Ce traitement médiatique, c’est aussi celui qu’ont dû subir ces 7 personnes: je le répète, j’étais sur place, et j’ai lu les « une » des journaux, j’ai lu la haine. C’était terrible…
Le Sénégal doit faire évoluer sa législation. C’est ma conviction profonde. Il ne s’agit pas là de donner des leçons de démocratie, de se poser en donneur de leçons; il s’agit simplement que le Sénégal respecte ses obligations internationales issues du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment son article 17 (« nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ») ou de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Depuis longtemps, les acteurs associatifs comme Human Rights Watch ou Amnesty International demandent au Sénégal la mise en place d’une politique respectueuse des droits des personnes. C’est également la même demande qui est faite par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Sans succès jusqu’à maintenant.
Aujourd’hui, il est temps. Il est temps pour le Sénégal de faire preuve d’un réel volontarisme dans la mise en place d’une politique respectueuse des droits humains. Il est temps de mettre en place une politique de promotion de la tolérance, une politique d’éducation à la tolérance et au respect des différences. Il est temps pour l’Etat sénégalais de faire en sorte que chacun de ses citoyens aient les mêmes droits.
Quel meilleur signe cela pourrait être que le président sénégalais, M. Macky Sall, gracie ces 7 personnes?
Jean-Luc Romero-Michel
Maire ajoint (PS) du XIIe, militant associatif, président d’Elus Locaux Contre le Sida