« Pour la fourmi, la rosée est une inondation. » Proverbe Indien
Les inondations sont principalement la conséquence d’une politique de décentralisation inaboutie, d’un aménagement du territoire inexistant et d’un dispositif de planification et de contrôle du milieu urbain inopérant.
De 2012 à 2015, trois ans après la jonction salutaire de l’Aménagement du Territoire au Ministère des Collectivités Locales, notre politique d’aménagement du territoire tarde à permettre une identification des usages adéquats du sol pour un développement municipal durable. En plus de cette lacune en planification territoriale, l’urbanisme réglementaire et commercial (à l’échelle municipale) ne parvient toujours pas à établir les règles d’urbanisme opposables aux tiers et les outils de planification des territoires.
Et du fait de ces lacunes en ingénieries urbaines, des villes et des territoires, nos collectivités locales demeurent impuissantes au moment où nous espérions qu’elles deviennent les ouvrières et les sentinelles d’un développement urbain durable.
En effet, les territoires du Sénégal, à travers les municipalités en proie aux inondations, doivent faire l’objet d’un programme de réaménagement des territoires et de restructuration urbaine. Le fait est que nous avons construit sur « les routes » et les sites de repos des eaux pluviales. Nous avons construit nos quartiers de manière anarchique et nous n’avons jamais pris le temps de formuler une stratégie adaptée aux formes et aux forces en mouvement, pour aboutir à l’adoption d’un plan de planification urbaine en mesure de gérer à la fois le court terme et le long terme et de façon durable. Aujourd’hui, on a dépensé des sommes importantes en travaux et équipements alors que ces aménagements techniques doivent venir en dernier lieu.
En réalité, les spécificités techniques et les normes de ces travaux doivent être dictées par le PCPR (plan communal de prévention des risques) qui se trouve être une composante du PU (Plan d’urbanisme). Cette stratégie communale doit être formulée après étude, diagnostic et analyse du phénomène des inondations suivant le périmètre concerné. En lieu et place de cette posture préventive, nous nous laissons distraire, par ceux qui ont fait des inondations une affaire fructueuse et politicienne. Actuellement, et depuis le début du phénomène des inondations, on pompe les eaux dans les maisons et on ne parle même plus de construire des maisons neuves pour les sinistrées. Prenons l’exemple du Canada et de la France où les municipalités sont dotées d’un service d’urbanisme municipal dont la mission est de respecter le SAD (Schéma d’Aménagement et de Développement) en vigueur, de faire respecter la loi sur l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, la loi sur les terres agricoles et le code de construction des bâtiments. Et ce sont les lacunes en d’ingénierie de la planification d’un cadre juridique trop littéraire et des techniques d’urbanismes non appliquées qui constituent les faiblesses du milieu municipal sénégalais.
Si nous relevons ce défis de la planification, de l’ingénierie et de la technicité, j’ai l’intime conviction, que nous sortirons des inondations, avec à la clef, une expertise et des méthodes de gestion urbaines éprouvées. Pour ce faire, la collectivité territoriale doit se doter d’une planification et des techniques urbanistiques basées sur une analyse des composantes telles que l’urbanisation existante, les projets à venir, le régime des pluies et la nature des sols. Au fil des années d’étalement urbain et d’accumulation d’actes irréfléchis, nous sommes au seuil critique des conséquences néfastes de notre manque de prévoyance et d’une absence de volonté de cohabiter durablement avec notre environnement. Nous devons nous arrêter, faire amende honorable et consentir à l’adoption d’une logique à la fois corrective et préventive.
Conclusion
In fine, au-delà de la question des inondations et dans le cadre de notre politique d’émergence, l’Aménagement du Territoire et l’Urbanisme Municipal doivent nous permettre de saisir l’opportunité d’une réinvention de la ville sénégalaise sensible à nos cinq sens. Une ville qui sent bon (la gestion des nuisances olfactives), une ville agréable l’œil (design urbain), une ville nourrice et adepte du bon goût (urbanisme commercial) et enfin une ville qui nous touche, au plus profond de nous même, par ses espaces de convivialités, de détente et de rencontre à l’africaine.
Nous retiendrons que si la volonté politique de résoudre une situation est réelle et sincère, alors l’exigence de résultat vis-à-vis des techniciens et ingénieurs sera au rendez-vous et demeure la clef vers une solution durable. La marque des grandes nations réside beaucoup plus dans la prévoyance des conséquences futures de l’activité menée au quotidien que dans l’apparente beauté ou l’immédiate satisfaction de cet acte. Ce leitmotiv s’acquiert par le refus de subir, au quotidien et de manière cyclique, les mêmes aléas et revers tels une boucle sans fin et je termine par cette citation illustrative du père de la Chine moderne SUN YAT SEN qui disait que « dans la construction d’un pays, ce ne sont pas les travailleurs manuels qui manquent, mais bien les idéalistes et les planificateurs».
Moussa Bala Fofana (Canada–Montréal)
- La Casamance : Les Racines Du Mal - 15 février 2018
- De L’endettement Inconsidéré Aux Risques D’ajustements Structurels - 28 décembre 2017
- Du Franc Cfa à L’ingénierie De La Création Monétaire - 4 mai 2017