Votre dernier single « Jigeen gni » est passé complètement inaperçu. A juste titre d’ailleurs, car à l’écouter, il n’y a rien du génie que l’on vous connaît: ni dans les lignes de basse, ni dans les solos, ni dans l’accompagnement, ni dans les paroles, ni dans les choeurs, ni dans l’arrangement. Il n’y a aucune inspiration particulière. « Jigeen gni » était déjà le titre de votre album de 2005.
Votre malheureux passage au gouvernement vous coûte manifestement cher. L’histoire retiendra que, en tant que ministre, vous n’avez à votre crédit aucune réalisation ni réforme dans les secteurs essentiels de la Culture et du Tourisme qui vous ont été confiés. Vous avez été imprudent d’accepter ce poste car la haute administration n’est pas dans le domaine de votre savoir et de vos compétences. Ses fondements vous échappent totalement : droit public, droit administratif, finances publiques, management public et diplomatie qui sont apprentissage et vécu très éloignés des scènes musicales, votre domaine de prédilection. L’égocentrisme, d’avoir le titre de « Monsieur le Ministre » et ses avantages, vous a aveuglé. « Nit ku gnul ya beug nguur ! » dénoncez-vous dans votre sublime titre « Africa ».
Pendant que vous perdiez votre temps à échouer au gouvernement un an et demi, votre groupe musical se délitait. Résultat des courses : vous perdez un génie de la basse, du clavier et de l’arrangement (Habib Faye) et un surdoué de la guitare solo (Jimmy Mbaye). Ce n’est certainement pas un hasard si votre première production sans eux est un véritable navet.
Votre impressionnant parcours musical n’a pas permis au Mbalax d’émerger dans le monde. Ce genre musical qui privilégie le « khoumbal » et le « wayaan » ne peut certainement pas conquérir l’exigeant marché international. Vous-même le savez très bien, comme en témoignent les styles de « Seven seconds » et « Egypt » qui vous ont valu disque d’or et Grammy Award. Vous êtes le seul à vous être frayé un chemin honorable. Les artistes du Mbalax tirent le diable par la queue en faisant dans le « wayaan » intempestif et avilissant. Ils ne sont présents sur aucun chart ou billboard alors que le marché local est inexistant, totalement miné par la pauvreté et le piratage.
Aucun pays africain n’a autant de grands noms de la musique que le Sénégal. Pourtant, il n’y a point de politique, encore moins d’économie ou industrie musicale; les productions et les prestations tirent vers le bas, navets sur navets. Vous êtes le roi d’un Mbalax qui a besoin d’être réinventé. Constat amer: les musiciens, les animateurs et le public du Mbalax n’ont pas été éduqués à connaitre les règles de la composition et la critique musicales, faisant le lit de la médiocrité pure.
Si votre carrière musicale est une réussite personnelle, on ne peut que constater l’échec pour ce qui est de la valorisation collective du Mbalax. Et, si le « roi du Mbalax » se met à produire des navets, luy jot jotna…
Veuillez agréer, Cher Monsieur, l’expression de nos considérations patriotiques.
Mamadou Sy Tounkara
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