La Banque Nationale Pour le Développement Économique (BNDE) a pour objectif de renflouer les caisses des PME et PMI. Née de la transformation du Fonds de promotion économique, elle prévoit solutionner les 500 milliards de déficit de financement de ces structures. Rien que du surplace dans cet élan déjà connu de promotion de l’entreprenariat et des initiatives privées. Comme à son habitude, l’État sénégalais ne s’attaque pas aux contraintes véritables d’accès aux crédits. Il essaye artificiellement de contourner la réalité de l’inadaptation des opérateurs économiques nationaux.
La solution viable et pérenne pour un accès des unités de production au crédit ne peut se dissocier d’une souveraine capacité à définir la politique monétaire. Le secteur bancaire sénégalais est composé de 22 établissements de crédit en activité, mais le taux de bancarisation reste faible, soit environ 15%. La nature informelle d’une grande partie de l’économie et le climat déplaisant des affaires font adopter aux banques commerciales une approche très prudente vis-à-vis des crédits. L’État sénégalais doit conséquemment s’attaquer aux contraintes structurelles.
Dans une interview, Seydou Nourou SY, patron de la BNDE disait que la difficulté d’accès aux financements des PME s’explique surtout par la garantie qui fait souvent défaut. Elle constitue la plus importante des contraintes. En conséquence, la pertinence des actions publiques est dans la manière d’aider ces entités économiques à répondre aux exigences de confiance et de solvabilité. Malheureusement, l’option pour une banque nationale s’appuie davantage sur la mise à disposition de fonds publics que sur un travail d’aide et de renforcement justes et durables des PME.
L’État a mis en place le Fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP) qui peut garantir jusqu’à 70 % des crédits accordés à la clientèle. Le fonds de solidarité africain (FSA) accompagne également les prêts consentis par la banque jusqu’à 500 millions de FCfa. C’est dire que les PME peuvent bénéficier des prêts sans nécessairement réunir les conditions viables de succès. Dans ces efforts de soutien à l’initiative privée, les ressources publiques supportent en grande partie le risque de faillite des débiteurs. « L’État n’a que les 25% du capital. Il a décidé de céder une partie de ses actions à condition que la vision stratégique de la BNDE soit maintenue. » Mon œil! Si les partenaires financiers privés trouvent intérêt à s’ériger actionnaires, c’est moins par patriotisme qu’en raison des cautions et garanties étatiques.
L’artifice est poussé jusqu’à l’apport personnel des demandeurs de crédit. Dans bien des cas, la BNDE compte sur le Projet d’appui à la promotion de l’emploi des jeunes et des femmes (PAPEJ) pour le préfinancement à hauteur de 40 % sous forme d’apport personnel. Après quoi, l’institution financière se chargera de financer les 80 % avec une garantie du FONGIP. L’échec de l’opération dite Maîtrisard témoigne pourtant des tentatives infructueuses de cette forme d’interventions de l’État. Des diplômés, financés par l’État, s’étaient lancés dans des activités diverses telles que le transport, la boulangerie et la pêche. Les résultats décevants avaient très vite mis fin à cette expérience.
À coup sûr, de telles subventions implicites détourneront la banque des procédés de sélection et de supervision des emprunteurs potentiels. Le plus grand risque est que les entreprises ayant des liens privilégiés avec le pouvoir politique profitent des crédits accordés par la bureaucratie. L’État sénégalais va générer artificiellement un investissement privé en le faisant supporter indirectement par l’ensemble des contribuables. En la matière, les priorités dans les politiques publiques devraient se situer ailleurs.
Actuellement, les demandes de crédit sont également freinées par la structuration lamentable des PME-PMI et les taux d’intérêts exorbitants. Pendant que le taux directeur de la BCEAO est à 2,75 %, les taux d’intérêt dans les banques commerciales se situent entre 12 et 14 %. Le patron de la BNDE rappelait que, dans les années 90, celles-ci étaient obligées de recourir à la banque centrale pour refinancer leurs crédits. « Lorsqu’on mettait en place un crédit, il y avait un guichet de refinancement qui permettait de recouvrer 90 % de la liquidité auprès de la banque centrale. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La banque centrale n’intervient pas sur les crédits. Ainsi, le taux du crédit est déconnecté du taux de la BCEAO. » Quand on sait que la formulation de la politique monétaire incombe à la banque centrale, il y a lieu de se demander si l’accès au crédit ne dépend pas d’une vraie indépendance monétaire.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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