Pendant de longs mois, un sujet a tenu les Sénégalais en haleine : l’envoi de leurs soldats au Moyen-Orient dans le cadre de l’invasion du Yémen par l’Arabie saoudite et sa « coalition arabe ».
Dans beaucoup d’esprits, on avait planté la conviction que c’était pour défendre les lieux saints de l’islam. « L’Arabie saoudite, c’est le pays de naissance du Prophète et là où il repose, c’est là où se trouvent la Mecque et Médine… Si la sécurité de ce pays est menacée, le Sénégal ne reculera pas… Si les lieux saints sont menacés… », dixit Macky Sall. L’opinion était quand même divisée.
Après avoir rendu visite aux marabouts du pays, ces citoyens à la fois ordinaires et extraordinaires, et obtenu leurs bénédictions, son Excellence, le président Macky Sall, avait tout seul décidé d’envoyer des milliers de soldats sénégalais dans cette guerre dont il ne cerne apparemment pas les tenants et les aboutissants. Il avait déclaré, tel un roi ayant droit de vie et mort sur ses sujets : « Le chef suprême des armées a décidé. Un point, un trait. Pas de discussions là-dessus. Ça doit être entendu par tout le monde. » Étrangement, les soldats sont toujours là. L’Arabie saoudite ne semble plus en vouloir. Est-ce ce que les enfants appellent « peeral » (dégonfler) ? Pas physiquement, bien entendu, puisque son excellence, malgré les apparences, n’est pas Michelin. Il faut rappeler que contrairement aux déclarations, la Mecque n’était pas du tout menacée. D’ailleurs son roi n’a pas renoncé à ses vacances en France, accompagné d’une suite d’un millier de personnes, dans sa villa aux Alpes-Maritimes, avec une plage interdite au public et aucune navigation sur plusieurs centaines de mètres aux alentours durant son séjour de trois semaines. Que feraient donc les soldats sénégalais en Arabie saoudite ? Empêcher les grues de tomber et éviter les bousculades ? Celui qui avait décidé de les y envoyer aura peut-être la courtoisie d’expliquer pourquoi ils sont toujours dans leurs casernes. Et le plus étonnant, pour ne pas dire le plus humiliant, est que quand l’Arabie saoudite et sa coalition (une dizaine de pays soutenus par les États-Unis et l’Union européenne) ont décidé de s’engager au sol, elles n’ont constitué qu’un corps expéditionnaire d’environ 5 000 soldats, alors que le Sénégal, qui n’a rien à voir dans cette guerre, s’était engagé à en envoyer plus de 2 000. Quel zèle !
Ce qu’on comprend encore moins, c’est le silence assourdissant du président Macky sur le troisième lieu saint de l’islam qui, lui, est menacé : la Mosquée Al-Aqsa (à ne pas confondre avec le Dôme du Rocher qu’on nous montre plus souvent et qui se porte très bien). C’est de la mosquée Al-Aqsa que le prophète Muhammad (Psl) a effectué son voyage nocturne. Il y a assez de marabouts et d’oustaz pour parler de son importance dans l’islam. Elle se trouve à Jérusalem. Cette ville a la bénédiction d’abriter des lieux saints des trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam, qui ont foi en un dieu unique qui ne tolère aucune association, aucune divinité rivale. Pourquoi donc se diviser au point de s’entretuer ? N’est-il pas écrit : « C’est vers Dieu qu’est votre retour à tous; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez » ?
Il y a malheureusement en Israël des extrémistes juifs qui préconisent la démolition des lieux saints islamiques et chrétiens. Ils veulent que l’esplanade des mosquées soit démolie et remplacée par un temple juif. Et certains indices font croire que leurs dirigeants partagent leur objectif. Ils leur ont permis de construire une synagogue à proximité du lieu saint islamique. De plus, ils ont creusé des tunnels sous la mosquée Al-Aqsa, officiellement pour des fouilles archéologiques. Des fissures apparaissent çà et là, signes précurseurs d’un effondrement. Mais si l’on en parle ces temps-ci, c’est parce que cette année, profitant de la fête juive nommée Souccot, des groupes de juifs extrémistes effectuent des « visites » répétées sur le site annexé et occupé par Israël et ne cachent pas leur intention d’y prier. Auparavant, lors de cette fête, les juifs priaient au Mur des Lamentations. Des Palestiniens, voyant dans ces « visites » un pas vers une prise de contrôle du troisième lieu saint de l’islam, s’y opposent et affrontent comme ils peuvent les redoutables forces armées israéliennes qui « assurent la sécurité » des sionistes envahisseurs.Une incursion violente de la police israélienne dans la Mosquée Al-Aqsa a été signalée. Et la situation s’aggrave quand, pour des raisons dites sécuritaires, l’esplanade des Mosquées est fermée aux musulmans.
Les dirigeants israéliens sont alors pointés du doigt. Le président de l’Autorité palestinienne dénonce « les provocations des colons à la mosquée Al-Aqsa, leur blocage des routes et leurs raids contre des villages palestiniens, toutes ces actions étant effectuées sous la protection de l’armée israélienne » et a demandé une protection internationale des Palestiniens. Le Hamas a appelé la communauté internationale à arrêter Israël avant que la situation explose.S’adressant aux membres du Conseil de sécurité des Nations Unis, l’Émir du Qatar n’y est pas allé par quatre chemins : « Regardez ce qui se passe à Jérusalem. Des forces extrémistes politiques et religieuses profanent les lieux saints d’un autre peuple, et occupent sa terre et le colonisent. Cette violence n’est-elle pas un terrorisme ? » Et il appelle le Conseil de sécurité à assumer sa responsabilité et prendre les décisions qui s’imposent pour mettre un terme aux pratiques israéliennes illégales. En Jordanie, pays administrateur des lieux saints musulmans à Jérusalem, le Parlement accuse Israël de pratiquer un terrorisme d’État contre le peuple palestinien et regrette que la communauté internationale ne lève pas le petit doigt pour l’en empêcher. La Jordanie dénonce une agression flagrante contre les nations arabes et musulmanes. De son côté, le président turc a déclaré : « Nous ne pouvons tolérer que les portes soient défoncées, que les fenêtres soient cassées et que notre Livre sacré soit jeté par terre. Nous sommes extrêmement préoccupés par cette situation. J’ai peur que ces actes aient des conséquences au niveau mondial. Je mène des discussions avec les dirigeants dans le monde qui sont sensibles à cette question pour trouver une solution à la situation. » Selon lui, « il n’est pas acceptable que les policiers israéliens agissent de cette manière dans ce lieu saint pour les trois grandes religions monothéistes. » Pour l’Égypte, « il s’agit d’une escalade inacceptable visant les lieux saints de l’islam en territoire palestinien ». L’Iran a appelé les pays islamiques à condamner « l’agression du régime sioniste contre les lieux saints des musulmans » et veut « une réunion d’urgence des pays membres de l’OCI pour examiner les actions à entreprendre ». En gros, le monde musulman est indigné. Même l’Arabie saoudite, pourtant alliée des États-Unis et des autres souteneurs d’Israël, est montée au créneau, convaincue qu’Israël ne cherche qu’à s’emparer de la mosquée Al-Aqsa. Son ministre des Affaires étrangères a invité les musulmans à « faire face à tout acte d’agression par Israël ou les colons israéliens contre la mosquée Al-Aqsa. »
Certes, seul Dieu peut empêcher Israël de faire ce qu’il veut sur cette terre, mais le Sénégal étant un membre distingué de l’OCI, son président, qui se dit soucieux de la sécurité des lieux saints de l’islam, ne peut-il pas au moins convoquer l’ambassadeur d’Israël pour demander des explications ?
Bathie Ngoye Thiam
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