Il n’est pas toujours très indiqué de péter les plombs son jour d’anniversaire, comme cela est arrivé à notre jeune Président de la république, quand bien même les charges qui pèsent sur ses épaules sont colossales. Ce n’est pas le jour (d’après ou d’avant) de ses 54 ans que l’on doit exploser comme il l’a fait à l’université (d’hiver ?) de la Convergence des jeunesses républicaines. Contre qui ? Contre lui-même !
La nervosité est le trait de caractère le plus apparent du chef de l’Etat. Il nous en fait part assez souvent, comme une bombe à retardement. Ainsi, après que son ministre des Affaires étrangères avait annoncé à l’assemblée nationale la décision d’envoyer quelques milliers de soldats prêter main forte à l’Arabie saoudite et alliés contre des Yéménites, et le tollé qui s’en était suivi, sa réaction avait été violente, pour le moins. De retour de voyage, il avait lâché sa célèbre sentence dans le salon d’honneur de l’aéroport Senghor : « C’est moi qui décide, un point un trait ! » Il avait raison, il n’avait pas oublié qu’il est le chef suprême des armées.
Quatre ans déjà ou presque
Mais là, peut-être sous l’influence des odeurs pourries qui empestent la brise marine sur la station balnéaire de Saly (dérèglement climatique oblige), c’est aux calculs politiciens de ses propres choix qu’il s’en est pris. « J’ai pris la décision de faire des réformes au niveau de la Constitution ; ils n’ont qu’à attendre que je dise ce qu’il y a lieu de faire. » Diantre, c’est ce que nous attendons depuis presque 4 ans !
Depuis 4 ans ou presque, le chef de l’Etat n’a jamais rien dit de clair à part que ce référendum aura lieu, et encore ! A partir de cette conviction affirmée, le plus important ne réside plus dans le fait que ce référendum sera organisé, il est dans les conditions et modalités de son organisation. L’essentiel est dans le contenu politique et dans les perspectives qu’il entend donner à la consultation populaire.
Depuis 4 ans ou presque, Macky Sall se révèle incapable de clarifier ses propres choix, comme s’il avait la secrète ambition de ne pas se déclarer courageux face à une échéance fondamentale dont l’issue pourrait structurer la vie politique sénégalaise des prochaines années.
Gardien, pas propriétaire
La logique qui sous-tend sa démarche est dangereuse : c’est moi qui ai proposé de réduire mon propre mandat, c’est donc à moi d’en déterminer l’agenda (et bien sûr le contenu). Une telle posture révèle forcément d’autres phénomènes négatifs : intolérance politique, autocratie gestionnaire, sublimation de soi, égoïsme intrinsèque (désolé pour le pléonasme !), etc.
En principe, toutes réformes saines devraient être exclusivement réalisées pour les institutions de la république. A ce titre, elles devraient provenir d’une entité globale, transpartisane, inclusive, pour mieux refléter les aspirations essentielles de la société sénégalaise. La légitimité démocratique et populaire en serait alors le résultat le plus palpable.
Mais qu’est-ce qui se passe avec le Président de la république ? Il réaffirme la primauté de sa « vision », c’est-à-dire la supériorité de ses intérêts en tant que politicien et candidat à un second mandat. Il écarte tout autant les propositions de réforme inclusives et populaires de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) du Pr Amadou Makhtar Mbow, en promettant juste d’en prendre ce dont il aurait besoin pour son propre compte. Il a tort, il oublie que la Constitution et les institutions ne lui appartiennent pas, il en est simplement le gardien et le garant. Où a-t-on vu un gardien d’immeuble payé au mois venir un beau jour en réclamer la paternité ?
Absence de sincérité
Après cela, il s’en prend sans discernement à ceux qu’il appelle « les soi-disant experts », une liste non exhaustive dans laquelle on trouverait Pape Demba Sy et Babacar Guèye, deux juristes agrégés qui ont l’heur de lui rappeler que le respect de la parole donnée (comme l’exige l’intérêt général) est sacré jusqu’à preuve du contraire. Et comme son ministre de l’Intérieur, organisateur des élections au Sénégal, n’a pas pour mission de le devancer dans les grandes annonces…
En gros, le Président de la république manque cruellement de sincérité et de transparence, tout au moins sur cette question. L’a-t-on entendu sur les graves dysfonctionnements à l’assemblée nationale où sa majorité mécanique décrète l’orage et le mauvais temps ? Non. Mais lorsque deux éminents juristes qui ont ferraillé contre Wade et Cie le rappellent à l’ordre, c’est à la terre qu’il interdit de trembler. Une sorte d’énergie mal orientée en quelque sorte, en ces temps de COP21 triomphant…
Amours d’hier
On ne se privera pas, pour finir, de recommander à notre cher Président la lecture du dernier ouvrage de Demba Moussa Dembélé, « Contribution à la déconstruction des théories conventionnelles sur le développement de l’Afrique ». La cérémonie de dédicace ce week-end a été superbement bien modérée par Hélène Rama Niang, avec les apports instructifs du Pr Buuba Diop et du Dr Ndongo Samba Sylla.
Pourquoi cette recommandation ? Pour une raison simple : on espère que Macky Sall, en retrouvant dans ce livre la tonalité intellectuelle de ses premières amours marxistes-maoïstes supposées, rouvrirait les yeux sur les mécanismes économiques et financiers brutaux qui piègent les pays en développement, à l’instar de notre pays et de son « Plan Sénégal Emergent ».
Joyeux anniversaire, monsieur le Président !
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